Les feux de batteries lithium-ion : rapides et intenses
Les batteries lithium-ion propulsent maintenant nos vies. On en trouve entre autres dans les voitures, les vélos, les scooters et les trottinettes électriques. En général, elles ne posent aucun problème, mais il arrive qu’une défaillance soudaine de ces batteries déclenche des incendies. Les services des incendies sont aux aguets, car ces feux s'avèrent souvent plus difficiles à maîtriser.

Vue rapprochée du moteur d'un véhicule électrique.
Photo : iStock
Les incendies de voitures électriques sont rares, mais s’ils attirent autant l’attention, c’est qu’ils se déclenchent rapidement et dégagent une chaleur intense. Tous les services des incendies à travers le monde se questionnent au sujet de la lutte contre ces feux. On craint par-dessus tout un emballement thermique de la batterie.
Une batterie de voiture est constitué d'un assemblage de cellules, chacune étant environ de la taille d’un index humain. Une batterie de voiture peut en contenir jusqu’à 7000. Elles sont disposées en groupes compacts à l’intérieur de la batterie.

La batterie d'une voiture électrique et une des milliers de cellules qui la composent.
Photo : Radio-Canada
L’une d’entre elles peut subir un dysfonctionnement, surchauffer et s’enflammer. L’emballement thermique correspond à la propagation du feu d’une cellule à l’autre, puis à l’ensemble de la batterie. Les températures peuvent alors atteindre plus de 1000 degrés Celsius.
Les batteries sont conçues pour résister ou pour réduire ce risque d’emballement. Les cellules de la batterie peuvent contenir des valves de pression. Il peut y avoir des canaux de refroidissement pour limiter la quantité de chaleur transmise aux autres cellules, ou encore on peut laisser un plus grand espace entre les cellules
, dit Dean MacNeil, chef d’équipe en essai et en optimisation des batteries au Conseil national de recherches du Canada à Ottawa.

Dean MacNeil est chef d’équipe en essai et en optimisation des batteries au Conseil national de recherches du Canada à Ottawa.
Photo : Radio-Canada
Malgré tout, dans certaines circonstances, le feu peut se déclarer à l’intérieur de la batterie. Le problème, pour les équipes d’intervention, consiste alors à accéder à son cœur.
On a un contenant, qui est l'enveloppe de la batterie, et le contenu, qui est les cellules et les modules de batterie qui brûlent. Si on n'a pas accès à ce qui brûle, ça va continuer à brûler tant que le combustible sera présent
, explique Michel Gentilleau, un pompier de carrière de la France qui a une longue expérience dans ce domaine et qui est aujourd’hui représentant des pompiers français à l’Association internationale des services d’incendie et de secours (CTIF).

Michel Gentilleau, représente les pompiers français à l'Association internationale des services d’incendie et de secours (CTIF).
Photo : Radio-Canada
Grande quantité d’eau
Puisque l’accès aux cellules est difficile, divers outils sont à la portée des équipes des services d'incendies pour ralentir ou empêcher cet emballement du feu : des couvertures thermiques pour contenir la fumée, des additifs dans l’eau, des conteneurs dans lesquels on plonge les voitures ainsi que des lances perforatrices pour briser le caisson de la batterie et y introduire de l’eau.
Tous ces équipements, pour des raisons de coûts, peuvent difficilement être accessibles dans chaque caserne sur tous les territoires. C’est pourquoi les pompiers utilisent principalement de l’eau pour venir à bout de ces feux de batteries. Toutefois, à la différence de l’extinction d’un feu de voiture dotée d'un moteur à essence, la quantité d’eau nécessaire pour refroidir une pile est considérable.
Une voiture à essence, c’est entre 2000 et 4000 litres [d'eau] pour complètement refroidir la carrosserie. Durant notre intervention sur un feu de voiture électrique, on a utilisé 40 000 litres d'eau
, raconte Mathieu Grenier, directeur du service incendie à la Ville de Warwick, dans le Centre-du-Québec.

Mathieu Grenier est directeur du service incendie de la Ville de Warwick.
Photo : Radio-Canada
Durant cette intervention, en 2022, il a dû faire appel à la caserne voisine, à Victoriaville, car les 18 000 litres d’eau que contenaient les camions de Warwick ne suffisaient pas.
L’autre souci des sapeurs pompiers, c'est que le feu de batteries lithium-ion nécessite aussi l’attention des pompiers après le feu. Il est possible, une fois le feu maîtrisé, qu’une batterie s’enflamme de nouveau, à cause de l’énergie qui peut être encore présente dans certaines cellules de la batterie.
Cela oblige les garages et les fourrières à mettre à l’écart ces véhicules incendiés de tous les bâtiments et de toutes les autres voitures. Les services des incendies doivent s’assurer, durant les jours qui suivent, de détecter à l’aide de caméras thermiques toute remontée suspecte de la température de la batterie.
Les feux potentiels de batteries lithium-ion peuvent aussi se produire avec les scooters, les trottinettes et les vélos électriques, dont la présence s’est multipliée dans notre environnement. Dans ce cas-ci, la préoccupation tient au fait qu’ils se trouvent souvent à l’intérieur des bâtiments, des maisons et des appartements.

L'état d'un appartement après un incendie déclenché par la pile d'un vélo électrique à Sherbrooke.
Photo : Service des incendies, Ville de Sherbrooke
À Sherbrooke, au printemps dernier, un feu de vélo électrique dans le sous-sol d’un édifice à logements en a forcé l'évacuation complète. À leur arrivée, l'équipe du service des incendies distinguait à peine le bâtiment à cause de l’abondance de la fumée. Les dommages causés par ce feu de vélo sont immenses.
C’était très violent. Tout a brûlé, les meubles, etc. C'est une destruction totale
, affirme Alexandre Groleau, chef de division aux opérations au Service incendie de la Ville de Sherbrooke, en Estrie.

Alexandre Groleau est chef de division aux opérations au Service de protection contre les incendies de Sherbrooke.
Photo : Radio-Canada
Effets missiles
La raison pour laquelle ces feux de batteries mettent rapidement le feu à tout l’appartement, c’est qu’ils créent des effets missiles. Le feu est projeté à dix, quinze, vingt mètres de distance de ces batteries et propage l'incendie aux alentours
, explique Michel Gentilleau.
Les causes de ces feux de batteries de vélo ou de trottinette pointent souvent vers les utilisateurs qui ont pu tenter de modifier le système, qui ont fait un usage abusif de l’appareil ou qui ont utilisé des chargeurs ou des piles qui n’étaient pas d’origine.
La différence dans l’assemblage est souvent liée au type d’appareil ou d’usage auquel la batterie sera destinée. En conséquence, son chargeur est conçu pour celle-ci, en particulier le système électronique de contrôle dans le chargeur (BMS – Battery Management System – en anglais), qui gère le contrôle et la charge de la batterie.
Au printemps 2023, la Ville de New York a adopté de nouveaux règlements qui visent à restreindre la vente et la location de scooters ou de vélos qui ne sont pas équipés de batteries certifiées par un laboratoire national reconnu. On trouve généralement des indications comme UL
(Underwriters Laboratories) ou CSA
(Canadian Standards Association) sur le boîtier de ces batteries.

Le reportage d'André Bernard
Photo : Radio-Canada
Si vous disposez de l‘un ou l’autre de ces moyens de transport léger, nous vous suggérons de toujours rester alerte au moment de la recharge de la batterie : assurez-vous qu’elle ne surchauffe pas, qu’elle ne mette pas un temps anormalement long à se charger, et, si possible, débranchez l’appareil une fois que la batterie est complètement chargée.
Le reportage d'André Bernard est diffusé à l'émission Découverte le dimanche à 18 h 30 sur ICI Radio-Canada Télé.