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Ceinture de verdure : comment un « ami » de Ford a fait modifier le zonage de son terrain

Un portrait de Shakir Rehmatullah.

Shakir Rehmatullah, propriétaire de Flato Developments, était présent au mariage de la fille de Doug Ford.

Photo : Flato Developments/YouTube

Radio-Canada

L'automne dernier, des avocats du cabinet Dentons ont entamé une correspondance de onze jours avec Ryan Amato, alors chef de cabinet du ministre du Logement. Leur objectif : demander la modification du zonage de terrains appartenant à trois promoteurs distincts au nord-est de Toronto. Ces terrains faisaient partie de la ceinture de verdure, une zone protégée pour des raisons environnementales.

Les avocats de Dentons ont agi au nom de Flato Developments, Orca Equity et Wyview Group, tous propriétaires de terres situées dans les régions de Markham et de Whitchurch-Stouffville.

Ces demandes ont été formulées alors que M. Amato commençait à cibler des sites spécifiques pour la construction de nouvelles habitations dans la ceinture de verdure. Cette zone, 810 000 hectares de terres agricoles, de forêts et de zones humides qui encerclent la région du Grand Toronto, a été établie dans le but de protéger des zones écologiquement sensibles contre l'étalement urbain.

Le rapport récent du commissaire à l'intégrité, J. David Wake, révèle que ces trois demandes de changement de zonage venaient de Shakir Rehmatullah, qui se décrit comme un ami du premier ministre Doug Ford. M. Rehmatullah a été invité au mariage de la fille de M. Ford; peu de temps après, les demandes ont été déposées.

Grand Toronto : redécoupage de la ceinture de verdure

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Une enseigne au bord d'une route dans une zone boisée.

M. Rehmatullah est également le propriétaire de Flato Developments, une entreprise spécialisée dans la construction de maisons, d'immeubles et d'appartements. Selon le site web de son entreprise, il a étudié l'ingénierie architecturale à l'Université de Miami, mais sa passion pour la construction de maisons lui vient de sa famille. J'ai appris de mon père et de mon grand-père que la construction de maisons ne consiste pas seulement à créer des abris, mais aussi à créer des communautés dynamiques.

M. Rehmatullah n'a pas répondu à une demande d’entrevue ni à une liste de questions envoyée à Flato Developments.

Un traitement préférentiel?

Une question clé demeure sans réponse : comment un promoteur lié à M. Ford a-t-il su quand déposer ces demandes de modification du zonage de terrains de manière aussi opportune?

Il n'y a toujours pas de réponse claire sur la manière dont l'information a été transmise d'Amato à Rehmatullah, explique Ian Stedman, un ancien employé du Bureau du commissaire à l'intégrité.

Cela laisse entendre qu'il existe encore un potentiel de traitement préférentiel quelque part qui n'a pas encore été localisé, ajoute M. Stedman, professeur adjoint de politique publique et d'administration à l'Université York, qui a travaillé au Bureau du commissaire à l'intégrité de 2011 à 2014.

Dans les semaines qui ont suivi la publication du rapport de M. Wake, MM. Amato et Clark ont tous deux démissionné, et M. Ford a annoncé son intention de procéder à un examen complet de la ceinture de verdure. Cependant, la réputation du gouvernement semble avoir été entachée. Selon un sondage de l'institut Angus Reid publié la semaine dernière, la cote d'approbation de M. Ford est de 28 %, en baisse de cinq points depuis juin, atteignant son niveau le plus bas depuis son élection initiale, en 2018.

M. Stedman surveille l'évolution de la situation pour voir si une future enquête du commissaire à l'intégrité pourrait apporter des réponses.

Le commissaire Wake n'a pas la juridiction pour creuser dans les endroits qu'il pense devoir creuser dans le contexte de ce rapport, précise M. Stedman.

La cheffe du NPD, Marit Stiles, a demandé une enquête pour déterminer si M. Ford avait enfreint les règles d'éthique lorsque des promoteurs auraient assisté au mariage de sa fille. Le Bureau du commissaire a déclaré que cette demande restait à l'étude, mais qu'il publierait un rapport, quoi qu'il en soit, conformément à la loi.

J'espère [...] que lorsque nous recevrons le rapport sur le mariage, nous aurons plus d'informations sur Rehmatullah et, vous savez, sur les conversations qui ont eu lieu lors du mariage, déclare M. Stedman.

Les promoteurs voulaient tirer leur épingle du jeu

Le rapport du commissaire à l'intégrité met en lumière une situation où la rumeur selon laquelle la province envisageait de modifier les limites de la ceinture de verdure circulait parmi la communauté des promoteurs immobiliers. Cela a incité les promoteurs à vouloir tirer leur épingle du jeu , selon les termes de M. Amato.

Katarzyna Sliwa, associée du cabinet d'avocats Dentons, a envoyé une lettre le 27 septembre demandant que le terrain appartenant à M. Rehmatullah, situé à l'angle nord-est de la 19e avenue et du chemin McCowan à Markham, soit retiré de la ceinture de verdure. Le site fait partie d'une propriété plus vaste de 42 hectares pour laquelle le ministère du Logement a déjà pris deux arrêtés ministériels de zonage afin d'accélérer le développement de nouvelles subdivisions.

L'associée de Mme Sliwa, Diana Betlej, a envoyé une autre lettre deux jours plus tard à M. Amato, demandant la modification du zonage d'un terrain situé sur le chemin McCowan à Whitchurch-Stouffville, qui fait partie du même pâté de maisons que les terrains de Flato Developments. Le rapport du commissaire à l'intégrité indique qu'elle a fait cette demande au nom de Berardino Quinto, propriétaire d'Orca Equity et administrateur de plusieurs sociétés de Torca Inc. Orca Equity a bénéficié d'un arrêté ministériel de zonage autorisant la construction de plus de 1000 logements dans la région.

M. Quinto a déclaré au commissaire qu'il n'avait pas de relation officielle avec M. Rehmatullah, bien que les deux fassent partie de la même association de propriétaires fonciers et qu'ils aient conclu des accords par le passé.

Un avocat de M. Quinto s'est refusé à tout commentaire, si ce n'est que toute demande de retrait d'un terrain de la ceinture de verdure visait à faciliter le développement de logements dont le besoin se fait cruellement sentir.

Un terrain vu des airs.

Le zonage d'une parcelle de terrain de forme triangulaire de 4 hectares appartenant à Flato Developments, située au coin de la 19e Avenue et du chemin McCowan à Markham, a été modifié en décembre dernier. En avril de cette année, Flato Developments a divisé le terrain et l'a vendu à Torca UMV Inc. et Wyview Group.

Photo : Radio-Canada / Patrick Morrell/CBC

Le commissaire à l'intégrité a déclaré que Mme Betlej avait mis en évidence dans une troisième lettre des zones du terrain propriété de Wyview Group près de l'autoroute 48 à Markham pour qu'elles soient retirées de la ceinture de verdure.

Dans chacun des trois cas, Mmes Sliwa et Betlej ont fait un suivi par courriel en fournissant des cartes numériques et une description légale des terrains, nécessaires si l'on envisageait de retirer les terrains de la ceinture de verdure.

Les courriels de suivi contenaient la même phrase : Nous comprenons que ces informations ont été demandées par le ministère. Cependant, le commissaire n'a pas trouvé de courriels demandant ces informations, ce qui suggère que [M. Amato] communiquait avec quelqu'un d'autre au sujet de cette propriété.

M. Amato a déclaré au commissaire à l'intégrité qu'il recevait tout le temps des demandes non sollicitées de la part de promoteurs et a nié avoir parlé aux avocats de Dentons ou à l'un des trois promoteurs représentés par Dentons. Son avocat n'a pas répondu à une demande de commentaire.

D'autres ont pointé du doigt M. Rehmatullah, selon le rapport

M. Amato n'était pas le seul à ne pas pouvoir dire clairement pourquoi ces demandes ont été faites, et pourquoi elles ont été faites au moment où elles l'ont été.

Lors de son premier entretien avec le commissaire, M. Rehmatullah a déclaré qu'il ne savait pas pourquoi Mme Sliwa avait choisi d'envoyer la demande de modification du zonage en septembre 2022, mais qu'il pensait que ses avocats avaient repéré une occasion. Il a ajouté qu'il faisait confiance à son cabinet d'avocats pour garder un œil sur tout ce qui se passait au niveau provincial ou municipal et qui pouvait avoir une incidence sur ses affaires.

Cependant, cette explication ne correspond pas à ce que d'autres personnes ont dit au commissaire.

Par exemple, lorsque Mme Sliwa s'est entretenue avec le commissaire à l'intégrité, elle a déclaré que c'était M. Rehmatullah qui lui avait donné des instructions explicites concernant le dépôt de la demande de Flato Developments auprès de M. Amato, et que le cabinet avait ensuite déposé les demandes d'Orca Equity et de Wyview Group.

M. Quinto, dont les entreprises ont également envoyé des courriels à des moments opportuns, a déclaré au commissaire à l'intégrité qu'il avait appris que la province envisageait de modifier la ceinture de verdure par une urbaniste lors d'une vidéoconférence quelques semaines avant que la demande ne soit formulée.

Lorsque la commissaire a retrouvé cette urbaniste, celle-ci a également pointé du doigt M. Rehmatullah. L'urbaniste a déclaré que ce dernier lui avait demandé en septembre 2022 de préparer un dessin des terrains appartenant à des entreprises liées à M. Quinto, notamment Torca I et Torca II Inc. et Wyview Group, et qu'elle pensait que le dessin allait faire partie d’une demande de modification du zonage d’une partie de la ceinture de verdure.

Le commissaire a demandé un second entretien avec M. Rehmatullah, au cours duquel il a finalement admis qu'il avait demandé à ses avocats d'adresser les demandes de modification du zonage à M. Amato en septembre, puisqu'il était un contact et qu'il avait peut-être aidé [Orca et Wyview] parce qu'ils faisaient partie du même groupe de propriétaires.

Il ressort des éléments de preuve que M. Rehmatullah a participé aux trois demandes [de modification du zonage], a écrit M. Wake dans son rapport.

M. Rehmatullah a nié avoir été informé par quelqu'un du gouvernement et avoir été en contact avec M. Amato au sujet de ses terres, selon le rapport. Il a déclaré qu'il s'agissait du cours normal des affaires pour ses consultants de faire des demandes de modification du zonage et que la demande de 2022 faisait simplement suite à une demande précédente qu'il avait faite en 2017.

Cette position de M. Rehmatullah est à la limite de la crédibilité, a écrit M. Wake dans le rapport.

Au vu des éléments de preuve, je ne suis pas en mesure de tirer une conclusion définitive sur ce qui a incité - qui, ou quoi - M. Rehmatullah, à l'automne 2022, à prendre les mesures qu'il a prises pour demander que son petit terrain et ceux de deux de ses collègues membres d'un groupe de propriétaires fonciers soient retirés de la ceinture de verdure. Mais je pense qu'il est plus probable qu'improbable que quelqu'un l'ait fait.

Depuis que les terrains de Flato Developments ont été retirés de la ceinture de verdure en décembre, les registres de propriété montrent que Flato Developments a subdivisé la plus grande propriété et vendu 29,5 hectares à Torca UMV Inc. pour 62 millions de dollars en avril, soit plus de quatre fois le montant initial de 15 millions de dollars payé pour le terrain en 2017. Les registres de propriété montrent également que Flato Developments a transféré le reste du terrain à une société dirigée par Weixiang Wang, président de Wyview Group, pour 2 $. Les ventes ont d'abord été rapportées par le Toronto Star.

Enquête publique demandée

Le commissaire à l'intégrité a constaté que M. Ford avait été tenu dans l'ignorance par M. Amato au sujet du processus de sélection des terrains dont le zonage serait modifié et qu'il avait appris quels terrains seraient visés pour la première fois le 2 novembre 2022, peu avant que le cabinet ne se réunisse pour en discuter.

La conseillère municipale de Markham, Karen Rea, a déclaré que le rapport du commissaire à l'intégrité a créé l'impression que les personnes impliquées, en particulier M. Rehmatullah, n'ont pas été franches dans leurs réponses.

Je ne comprends pas pourquoi il a fallu un deuxième entretien pour que cette information soit dévoilée, a-t-elle déclaré.

Mme Rea réclame une enquête publique pour mettre fin aux spéculations et accusations.

Je pense que si nous organisons une enquête publique qui, vous savez, dévoilera ce qu'il s'est passé, qui savait quoi ou […] qui ne savait pas quoi, peut-être que nous pourrons tous tourner la page, a-t-elle déclaré.

Avec les informations de CBC News

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