La relation Pyongyang-Moscou se resserre : Poutine ira rendre visite à Kim
Le rapprochement entre les deux États pourrait se faire sentir autant en Ukraine que sur la péninsule coréenne.

Les rapprochements entre la Russie et la Corée du Nord pourraient avoir des effets tant en Europe qu'en Asie.
Photo : via reuters / KCNA
Après une visite de Kim Jong-un en Russie, au tour de Vladimir Poutine d'accepter l'invitation de son homologue nord-coréen. Le président russe a annoncé qu'il se rendra à Pyonyang.
À l’issue d’une rencontre, mercredi, Kim Jong-un a invité avec courtoisie Poutine à visiter la RPDC [République populaire démocratique de Corée, NDLR] quand cela lui conviendra
, a rapporté l'agence officielle nord-coréenne KCNA, en utilisant le nom officiel de la Corée du Nord.
Ce même jour, le numéro un nord-coréen a assuré à Vladimir Poutine que Moscou remporterait une grande victoire
sur ses ennemis, la Russie étant engagée dans une guerre en Ukraine depuis plus d’un an et demi.
M. Poutine a, lui, trinqué au renforcement futur de la coopération
avec Pyongyang, parlant devant la presse de perspectives
de coopération militaire avec la Corée du Nord malgré les sanctions internationales visant le pays reclus à cause de ses programmes nucléaires et de ses missiles en développement.
C’est la première rencontre des deux dirigeants depuis un précédent voyage de Kim Jong-un à Vladivostok en 2019.
Disons qu’il y a un rapprochement et une mise en scène de ce rapprochement qui est dans l'intérêt tant de Moscou que de Pyongyang, deux États qui tentent de démontrer qu’ils ne sont pas isolés sur la scène internationale
, a expliqué sur les ondes d'ICI Première le directeur du programme Corée à la Fondation pour la recherche stratégique, Antoine Bondaz.
Il y a une mise en scène qui est très importante, qui fait parler et qui peut inquiéter les Occidentaux à juste titre.
Ironiquement, la précédente période de rapprochement entre ces deux États remonte... à l'invasion de la Crimée par la Russie, a aussi souligné M. Bondaz.
Bâtir des ponts, en condamner d'autres

La Russie a voté en faveur de sanctions contre la Corée du Nord par le passé au Conseil de sécurité. (Photo d'archives)
Photo : Associated Press / John Minchillo
Mais en essayant de sortir de l'isolement dans lequel elle s'est plongée depuis son invasion de l'Ukraine, la Russie pourrait plutôt se retrouver encore plus isolée sur la scène internationale.
La rencontre entre les deux autocrates n'a pas abouti à un accord officiel pour la livraison de matériel militaire afin d'appuyer ses combats en Ukraine. Si une telle entente devait intervenir, la Russie ne pourrait plus faire semblant de respecter les résolutions du Conseil de sécurité et apparaîtrait comme un État encore plus irresponsable
, a fait valoir le professeur Bondaz en entrevue à Ça nous regarde, en rappelant que la Russie a endossé ces diverses sanctions dans les dernières décennies.
Qui plus est, sur le plan politique, elle signerait un aveu de faiblesse, puisque le pays qui prétend avoir la deuxième armée au monde, une industrie de défense extrêmement efficace, aurait besoin d’avoir recours à la Corée du Nord pour mener sa guerre
, croit celui qui enseigne également à Science Po.
Au-delà du symbolisme et des considérations diplomatiques, il existe aussi certaines contraintes opérationnelles très concrètes, car les munitions de la Corée du Nord ne sont pas nécessairement utilisables par les armes dont dispose la Russie, note M. Bondaz.
Un message pour Séoul

Lancement d'un missile nord-coréen diffusé sur un écran de télévision à la gare de Séoul, en Corée du Sud, le jeudi 13 juillet 2023. (Photo d'archives)
Photo : AP / Ahn Young-joon
Cette nouvelle série de rapprochements entre Pyonyang et Moscou a aussi une autre cible symbolique : la Corée du Sud.
Antoine Bondaz estime que le Kremlin se retrouve à utiliser la Corée du Nord comme un épouvantail pour envoyer un message aux Occidentaux, et plus spécifiquement à la Corée du Sud, qui aujourd'hui joue un rôle déterminant dans la guerre en Ukraine
à titre de fournisseur d'armes pour Kiev et comme partenaire de plus en plus présent dans le reste de l'Europe.
Tout cela fait aussi l'affaire de la Corée du Nord dans un contexte de coopération accrue entre son voisin méridional, le Japon, et les États-Unis. Les exercices qu'ils mènent conjointement sont d'ailleurs souvent invoqués par Pyongyang pour justifier le tir de missiles balistiques, phénomène qui est de plus en plus fréquent ces derniers mois.
Au final, la valeur de la Corée du Nord ne cesse de s’accroître, tant pour Moscou que pour Pékin, dans cette région du monde
, selon Antoine Bondaz.
Par contre, il peut y avoir une méfiance de la part de la Corée du Nord, parce qu’il y avait un rapprochement avec la Russie en 2014-2015 au moment de l’invasion de la Crimée qui avait débouché en réalité sur assez peu de projets de coopération alors qu’il n’y avait même pas de sanctions économiques à l’époque
, a-t-il ajouté.
Les yeux vers les étoiles

La Russie entend aider la Corée du Nord avec son programme de lancement de satellites en orbite.
Photo : via reuters / KCNA
Après l’arrivée du dirigeant nord-coréen en Russie à bord de son train blindé, Kim Jong-un et Vladimir Poutine ont visité des installations du cosmodrome de Vostotchny, en Extrême-Orient, achevé en 2016 et qui doit remplacer à terme la base spatiale historique de Baïkonour.
Ils ont ensuite mené des discussions officielles d’environ deux heures avec leurs délégations et en tête-à-tête. Les ministres russes de la Défense, Sergueï Choïgou, des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ainsi que celui de l’Industrie, Denis Mantourov, participaient aux discussions.
À Vostotchny, Vladimir Poutine a évoqué la possibilité que la Russie aide Pyongyang à construire des satellites, après que la Corée du Nord a récemment échoué, à deux reprises, à mettre en orbite un satellite militaire espion.
C’est pourquoi nous sommes venus ici. Le dirigeant de la Corée du Nord montre un grand intérêt pour la technologie des fusées. Ils essaient de développer leur programme spatial
, a dit M. Poutine, selon des agences de presse russes.
Les États-Unis ont exprimé leur préoccupation
, affirmant que la Russie était intéressée par l’achat de munitions nord-coréennes pour soutenir son invasion de l’Ukraine.
Nous sommes évidemment préoccupés par toute relation de défense naissante entre la Corée du Nord et la Russie
, a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.
Matthew Miller, porte-parole du Département d’État américain, s’est inquiété quant à lui de toute coopération dans le domaine des satellites, qui serait en violation de plusieurs résolutions de l’ONU
.
Les États-Unis n’hésiteront pas
à imposer des sanctions le cas échéant contre Pyongyang et Moscou, a averti M. Miller.
Avec les informations de Agence France-Presse