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Faut-il se méfier de la nourriture vendue sur Marketplace?

La plateforme Marketplace de Facebook, lieu de vente très fréquenté de produits et de services, propose aussi une offre alimentaire impressionnante. Des individus affichent des plats préparés prêts à manger. Mais vendre de la nourriture est une activité illégale si faite sans permis. Devrait-on s’en inquiéter? L’équipe de L’épicerie a enquêté sur ce phénomène très répandu.

Une personne consulte une page de Marketplace contenant des plats préparés.

Des milliers de cuisiniers amateurs vendent toutes sortes de plats cuisinés sur Marketplace.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Des milliers de cuisiniers amateurs vendent toutes sortes de plats cuisinés sur Marketplace. Le consommateur choisit ce qui lui plaît et négocie directement avec le vendeur. Actuellement, le site n’est pas tenu de réglementer la vente de nourriture entre particuliers.

Cette économie parallèle, sorte d’économie collaborative, est répandue dans le monde entier. Au Canada, surtout en milieu urbain, le public a accès à toutes sortes de plats d'inspirations variées : indiens, pakistanais, créoles, sud-américains, maghrébins et même… québécois.

En quelques clics, il suffit de contacter le vendeur et de prendre rendez-vous pour récupérer la commande ou encore faire livrer son repas à domicile.

Ce n'est pas un phénomène nouveau. C'est un phénomène qui prenait même beaucoup d'ampleur juste avant la pandémie.

Une citation de Guillaume Lavoie, spécialiste de l’économie collaborative

Le principe de l'économie collaborative, explique M. Lavoie, c'est de faire plus avec ce qui existe déjà. [Vous avez] déjà une cuisinière. Vous avez déjà votre frigo. Vous avez déjà vos plats. Quand vous ne les utilisez pas pour votre famille, vous pouvez les utiliser pour autre chose.

Il peut s'agir, par exemple, de préparer quelques plats par semaine et de les vendre en ligne pour arrondir ses fins de mois.

Un homme sourit.

Guillaume Lavoie, spécialiste de l’économie collaborative.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Une activité illégale sans permis

Dans le cadre de ce reportage, nous avons contacté, en nous présentant comme journaliste, plusieurs vendeurs afin d’obtenir des entrevues sur leurs activités. Nous n’avons reçu aucune réponse.

Et pour cause : ce commerce, la vente de nourriture, est strictement encadré au Canada. Au Québec, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) exige, dès lors qu’il y a vente, que la personne détienne à la fois un permis de vente de commerce de détail et un certificat d’hygiène et salubrité.

Or, bon nombre de ces personnes font des affaires sans permis. D’ailleurs, en 2022, la Ville de Montréal a reçu 15 plaintes concernant de la vente de nourriture sur Facebook sans permis.

Le logo de Facebook sur un téléphone.

La vente de nourriture sur Facebook n'est pas réglementée au Québec.

Photo : Radio-Canada / Michel Aspirot

Dans l’impossibilité d’obtenir des entrevues, nous avons décidé de commander des plats auprès de trois cuisinières en nous faisant passer pour des clients.

La première nous a cuisiné une pastilla, sorte de feuilleté au poulet, spécialité du Maghreb. Elle en prépare de 8 à 10 par semaine, nous a raconté la femme originaire du Maroc. Elle dit détenir un certificat d’hygiène et de salubrité, mais n’a pas été en mesure de nous le montrer.

Pour notre deuxième achat, nous avons commandé du mafé, un plat typique d'Afrique de l'Ouest, mais c’est le mari de la cuisinière qui s’est présenté au rendez-vous. Question hygiène, il affirme simplement que sa femme porte des équipements de protection lorsqu’elle cuisine.

La troisième vendeuse, elle, est spécialisée en cuisine indienne. Tout comme lors de nos autres rendez-vous, nous n'avons pas pu voir sa cuisine. Elle nous a cependant dit qu’elle n’avait pas besoin de permis, car elle ne tenait pas un restaurant.

Une réglementation inconnue

Fatma Djebbar est directrice générale du Service d'interprète d'aide et de référence aux immigrants (SIARI).

Elle connaît des femmes qui cuisinent et vendent leurs plats de cette manière.

Elles font ça pour arrondir les fins de mois, explique Mme Djebbar, qui soutient que nombre de ces femmes vivent à la maison, sans travail, avec des enfants à charge.

Une femme sourit.

Fatma Djebbar, directrice générale du Service d'interprète d'aide et de référence aux immigrants (SIARI).

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

Mais savent-elles qu’il faut des permis pour exercer ce genre d’activités?

Vraiment, je suis certaine que non. C'est vrai que nul n'est supposé ignorer la loi, mais même moi, je ne le savais pas, répond-elle.

Un danger pour la santé?

Les consommateurs prennent-ils des risques en commandant ces plats? Le président de l’Association des microbiologistes du Québec, Marc Hamilton, se permet un conseil avisé.

Moi, ce que je ferais si j'étais à la place des usagers, je m'informerais. J'aimerais aller visiter la cuisine. Est-ce qu'ils respectent les normes minimales de sécurité alimentaire?

Une citation de Marc Hamilton, président de l’Association des microbiologistes du Québec

Ce qu'on voit dans 9 cas sur 10, lors d’une intoxication alimentaire, explique M. Hamilton, ce sont des bactéries de type campylobacter ou staphylocoque qui, bien souvent, vont donner mal au ventre. Le genre de petite gastro temporaire, une diarrhée d'une journée et ça passe, explique-t-il.

Marc Hamilton a les bras croisés.

Marc Hamilton est président de l’Association des microbiologistes du Québec.

Photo : Association des microbiologistes du Québec

Néanmoins, il met en garde contre des risques, rares, de tomber sur des ennuis de santé plus graves. La salmonellose, la listeria, le E. Coli, ce sont des intoxications qui vont être beaucoup plus fulgurantes avec des fièvres et des infections qui peuvent toucher les reins, précise-t-il.

De son côté, l’expert en économie collaborative Guillaume Lavoie rappelle que sur les plateformes transactionnelles, les clients peuvent donner des notes sur le service reçu.

Elles s'accompagnent souvent d'un système de revue par les pairs. Est-ce que tous les gens qui ont consommé vos muffins ou votre couscous ont dit qu'il est excellent? Ou ils m'informent, moi, futur client, qu'il avait plein de problèmes?, dit-il.

Les plateformes ont un avantage pour sécuriser la transaction, pour avoir une assurance plus facilement, pour que les consommateurs puissent identifier rapidement ceux qui sont problématiques, poursuit-il.

Une réglementation à revoir?

Guillaume Lavoie a présidé en 2018 le Groupe de travail sur l’économie collaborative (GTEC), qui recommandait au gouvernement du Québec de modifier ses règles pour faciliter et mieux encadrer ce type de commerce.

L'économie collaborative, c'est quelque chose qui ne cadre pas dans les lois que l'on a pensées bien avant l'invention de l'Internet, reconnaît Guillaume Lavoie. Ça ne veut pas dire qu'on n’a pas besoin de loi, ça veut dire qu'il y a une grande urgence de moderniser nos lois.

Lorsqu'on est un traiteur professionnel, bien évidemment que notre volume est plus important. Mais est-ce qu'on voudrait vraiment appliquer la même règle pour le traiteur professionnel que pour une grand-maman qui décide de faire quelques muffins ou un couscous une fois? C'est là où on a une loi qui est inflexible et donc mal adaptée, déclare-t-il.

Le MAPAQ n’a pas souhaité nous accorder d’entrevue ni répondre à nos questions sur cette recommandation du GTEC.

La réalité est toujours un peu en avance sur la loi qu'il faut écrire, conclut Guillaume Lavoie. On n'a pas écrit le Code de sécurité routière avant d'inventer la voiture. Là, il y a maintenant la restauration citoyenne. Il est temps d'écrire une réglementation qui cadre pour cette réalité-là.

Le reportage de Johane Despins est diffusé à l'émission L’épicerie le mercredi à 19 h 30 et le dimanche à 13 h 30 à ICI TÉLÉ; le samedi à 17 h 30 et le dimanche à 16 h 30 à ICI RDI.

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