Négociations dans le secteur public : le Front commun veut un mandat de grève

Le Front commun représente 420 000 travailleuses et travailleurs des secteurs public et parapublic du Québec.
Photo : Radio-Canada / Edouard Dubois
Incapables de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement du Québec depuis des mois, les dirigeants du Front commun intersyndical du secteur public, qui négocient au nom de 420 000 travailleurs, amorceront des consultations la semaine prochaine en vue d'obtenir un mandat de grève générale illimité.
Dans un communiqué, la CSN, la CSQ, l'APTS et la FTQ, qui se sont unis pour négocier d’une seule voix le renouvellement des conventions collectives des secteurs public et parapublic, annoncent que leurs membres seront appelés à se prononcer démocratiquement, par vote secret, sur un mandat permettant de déclencher, au moment jugé opportun, une grève pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée
.
Les assemblées générales et les votes auront lieu du 18 septembre au 13 octobre.
Le mandat que compte proposer le Front commun à ses membres comprend quelques coups de semonce à tirer avant le recours à une grève générale. Des journées de débrayage ou des séquences de grève isolée ou collective feront aussi partie de l’arsenal proposé aux syndiqués.
Le Front commun exclut cependant les grèves qui ne toucheraient qu’un secteur à la fois. Il faudra donc s’attendre, si les négociations avec Québec ne progressent pas, à des grèves qui toucheront simultanément plusieurs secteurs comme la santé et l’éducation, par exemple.
C'est essentiel pour le front commun : premièrement de montrer l'unité du front commun et, deuxièmement, de montrer que les grèves vont être nationales, donc dans tous les secteurs d'activités qu'on représente
, a expliqué le vice-président de la CSN, François Énault, dans une entrevue à La Presse canadienne.
Une importante manifestation
est d'ailleurs prévue le 23 septembre prochain à Montréal, en marge de la tournée des assemblées générales.
Un automne mouvementé en perspective
Après bientôt un an de négociations, le Conseil du Trésor et les syndiqués de l’État n’arrivent pas à s’entendre.
L’impasse est telle que le premier ministre François Legault a lui-même dit craindre des « grèves » et des « perturbations » la semaine dernière dans la mesure où les travailleurs de l’État auront le droit de grève à la fin de septembre.
Les conventions collectives sont échues depuis le 31 mars dernier.
Les principaux points d’achoppement touchent les augmentations de salaire. Dans un contexte où l’inflation et la crise du logement appauvrissent les ménages, le Conseil du Trésor s’en tient à une offre de 9 % d’augmentation sur cinq ans et d’un montant forfaitaire de 1000 $.
Ce qui est jugé très insuffisant, voire insultant
, par les travailleurs du Front commun.
L’inflation réelle et prévue de 2022 à 2027 totalise 16,4 %. À terme, on propose donc aux 420 000 travailleuses et travailleurs représentés par le Front commun de s’appauvrir de 7,4 %
, lit-on dans le communiqué de l’intersyndicale.
L’offre de 9 % passe mal chez les syndiqués après l’octroi d’une augmentation salariale de 30 % cette année aux députés de l’Assemblée nationale et de 21 % tout récemment aux policiers de la Sûreté du Québec.
On a le droit de se questionner
, s’insurge la présidente de la FTQ, Magali Picard, qui souligne que 78 % des 420 000 travailleurs en négociation sont des femmes.
Outre les salaires, les syndicats dénoncent plusieurs attaques
contre les régimes de retraite pour obliger les employés de l’État à travailler plus longtemps afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre.
On est vraiment dans un dialogue de sourds […] Concrètement, à la table, on ne parle que des solutions du gouvernement, qui sont de garder les gens plus longtemps au travail, en modifiant les règles du régime de retraite, et en augmentant le nombre d'heures par semaine pour certains corps d'emploi
, déplore le président de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau.
Si le gouvernement veut être un employeur de choix, comme il le prétend, cela doit se traduire dans ses offres. […] Si le gouvernement proposait de réelles améliorations, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
La présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, a répondu rapidement au communiqué du Front commun. Pour négocier adéquatement, il faut avoir des bases valides : contrairement à ce que le Front commun prétend, le salaire moyen de ses membres n’est pas de 44 000 $, mais bien de 61 000 $ pour les travailleurs à temps complet
, a-t-elle écrit sur X (anciennement Twitter).
Au gouvernement, on s'attache à respecter la capacité de payer des contribuables. Vendredi dernier, François Legault a indiqué qu'il trouvait important que les augmentations de salaire couvrent l'inflation, qui devrait être de 11,5 % au cours des cinq prochaines années, selon le ministère des Finances.
Il y a des syndicats comme la FIQ qui nous demandent des augmentations de 24 %. Bien honnêtement, nous on gère l'argent des Québécois. On n'a pas cette capacité de payer là
, a-t-il dit, ajoutant qu'il n'était pas question d'augmenter les taxes et les impôts.
La FIQ ne fait pas partie du Front commun, mais elle est également en négociation actuellement avec le gouvernement.

Manifestation de travailleurs de la Fédération interprofessionnelle de la santé, mercredi dernier, à Montréal.
Photo : The Canadian Press / Christinne Muschi
Ce que je souhaite, c'est que ça se règle le plus rapidement possible et de la façon la plus harmonieuse, sans affecter les services à la population
, a ajouté le premier ministre.
François Legault veut également mettre en place des incitatifs pour encourager les infirmières à prendre des quarts de travail le soir, les fins de semaine et dans certaines régions.
Jeudi, la Fédération autonome de l'enseignement, qui représente 65 000 enseignants, a réduit ses demandes de moitié dans le but de faire avancer les négociations avec le gouvernement.
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Avec les informations de La Presse canadienne