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Le miracle de Moffet, le petit village québécois revitalisé avec audace

À force de dépenses ambitieuses dans les services, la communauté du Témiscamingue s’est repeuplée.

On voit le dos d'une statue de Jesus-Christ et des bâtiments de Moffet au fond.

Le village de 210 résidents est situé à 60 km au nord-est de Ville-Marie.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Au fond du trou, il y a une dizaine d'années, Moffet avait perdu son école, son magasin général, sa caisse populaire, sa pompe à essence... Le village d'Abitibi-Témiscamingue faisait partie des 10 plus dévitalisés au Québec. Et puis tout a changé.

Aujourd'hui, le village regorge de services, attire des familles, a augmenté sa population de 27 % et suscite l'intérêt de municipalités du Québec et d'ailleurs, qui veulent connaître le secret de sa réussite.

On est capables de faire n’importe quoi, affirme fièrement le maire de Moffet, Alexandre Binette, devant des drapeaux du monde entier qui flottent sur le parc municipal. Samedi, le village de 210 résidents a payé pour accueillir le départ d’un événement international de raid aventure, attirant des sportifs venus d’aussi loin que la Finlande, le Brésil et l'Uruguay.

En fin de semaine, Moffet a aussi accueilli le Festival des arts du Témiscamingue sur sa scène extérieure et son Pavillon des quinze.

Depuis que le maire est entré en poste, en 2017, le village s’est doté d’un marché public; d’un parc de jeux dernier cri pour enfants; de terrains de soccer, de volleyball de plage, de tennis et de basketball; d’une nouvelle patinoire; d’une scène de spectacle; d’un sentier pédestre illuminé; d'une cuisine professionnelle communautaire...

Et ce n'est pas tout : Moffet a acheté une borne de recharge et veut bientôt investir dans une voiture électrique que les citoyens pourraient partager à la façon de Communauto. Un projet n’attend pas l’autre; c’est presque épuisant, dit le maire.

Alexandre Binette, maire de Moffet.

Alexandre Binette, maire de Moffet, a vécu à Montréal jusqu’en 2008.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Pour attirer de nouveaux résidents et des familles, Moffet a tout misé sur le développement de services de proximité qui contribuent à améliorer la qualité de vie des gens.

C’est bien d’avoir de beaux chemins bien plats, pas de trous, mais ce n’est pas ça qui va faire que les gens décident de rester ou d’arriver au village.

Une citation de Alexandre Binette, maire de Moffet

Ne rien faire et attendre que les choses continuent à se dévitaliser, on finit par s’appauvrir, ajoute le maire.

En 2016, Moffet figurait parmi les 13 villages les plus dévitalisés du Québec. En 2020 (les dernières données disponibles), la Municipalité avait déjà amélioré de 50 % son indice de vitalité économique et dépassait 192 autres villages québécois.

33 % du budget municipal pour un parc de jeux pour enfants

En 2018, Moffet a cassé sa tirelire pour se doter d’un parc de jeux moderne avec parterre en copeaux de cèdre, allée en pavés unis avec un kiosque et l’accès au wi-fi. Facture totale : 115 000 $, sur un budget municipal de 350 000 $ à l’époque.

Dépenser le tiers du budget pour un parc de jeux, ça a jasé beaucoup, se souvient le maire. Les détracteurs étaient nombreux : Il y en a qui disaient "on n’a pas d’enfants". C’est vrai qu’il n’y en avait plus tant que ça, à ce moment-là.

Ça a renversé la mentalité de dévitalisation, croit Alexandre Binette. 

Certains conseillers municipaux sont devenus de vrais monstres, ils disent que tout est possible. Ma job, c’est rendu d’appuyer sur les freins.

Une citation de Alexandre Binette, maire de Moffet

Le retour des jeunes

Ces dernières années, plusieurs jeunes professionnels en télétravail sont venus s’installer à Moffet, surtout qu’il y a maintenant Internet haute vitesse. Des maisons avec un ou deux occupants ont petit à petit été rachetées par des familles avec deux ou trois enfants. Le maire accueille chaque nouvel arrivant avec une tarte au sucre.

En 2021, la communauté avait perdu son seul restaurant. Il n'y en a pas d'autres à moins de 54 km Heureusement, un jeune formé à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ), à Montréal, a racheté le restaurant en 2022, soutenu financièrement par la Municipalité, qui lui a donné 12 000 $ sur les 80 000 $ nécessaires.

Samuel Parent-Baillargeon, 26 ans, utilise la cuisine communautaire pour son entreprise de traiteur.

Samuel Parent-Baillargeon a racheté le seul restaurant de Moffet et utilise la cuisine communautaire du village pour son service de traiteur.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Samuel Parent-Baillargeon, 26 ans, ne serait jamais revenu vivre dans son village natal sans tout le développement de Moffet. Selon lui, les services offerts sont meilleurs que tous les autres villages dans le coin et « pour le sport, c'est le fun ».

Le maire a complètement revu les terrains sportifs après son arrivée. Il a par exemple remplacé le vieux terrain de baseball que personne n'utilisait. Il faut 18 personnes pour jouer une partie de baseball, mais nous, 18 personnes, c’est 10 % de la population .

Des terrains de sport à Moffet.

Des terrains de sport à Moffet

Photo : Radio-Canada / Aude Garachon

On s'est demandé quels sports on était capable de faire avec peu de monde, explique-t-il. Sont donc apparus des buts de soccer, un terrain de tennis, des paniers de basketball, un filet de volleyball de plage... La patinoire extérieure a aussi été reconstruite.

On essaie de bien le faire, pas juste de "patcher". Ce n’est pas parce qu’on reste loin qu’on ne peut pas se "greyer" de bons équipements, de bonnes infrastructures.

Une citation de Alexandre Binette, maire de Moffet
Le gymnase de Moffet, en cours de rénovation.

Le gymnase de Moffet, en cours de rénovation

Photo : Radio-Canada / Aude Garachon

La rénovation du gymnase de Moffet a permis d'installer des douches, et les citoyens pourront bientôt utiliser des appareils d'entraînements musculaire et cardiovasculaire. Le lieu sera aussi modulable en scène de spectacle intérieur. On va faire un terrain de pickleball, promet le maire, rappelant que c'est le sport qui connaît la plus grande croissance en Amérique du Nord. Par ailleurs, il envisage de faire des résidences d'artistes à l'étage.

On ne veut pas devenir gros, nécessairement; l’important, c'est qu’on se fasse du fun.

Une citation de Alexandre Binette, maire de Moffet
Une famille installée depuis un an à Moffet.

La famille d'Ashley Warrilow a emménagé à Moffet, il y a un an, en provenance de l'Ontario. «C’est un bon endroit pour les enfants; il y a des parcs et beaucoup de choses à faire pour les familles.»

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Le retour du magasin général

En 2019, la Municipalité a investi 290 000 $ pour racheter et relancer le magasin général et la pompe à essence, fermés depuis deux ans. Un marché public se tient aussi dans un ancien garage en bois une fois par mois, avec une douzaine d’exposants.

Depuis mars, c’est Nathalie Groleau, une mère de famille venue de Val-des-Sources, en Estrie, qui gère ces nouveaux services et qui a élargi les heures d’ouvertures du magasin, sept jours par semaine, jusqu’à aussi tard que 21 h. 

Encore une fois, la Municipalité a donné un coup de pouce en payant son chauffage.

Le magasin général de Moffet

Des fruits et légumes locaux ont été aussi ajoutés sur les étagères du magasin, de même que des produits artisanaux de la région.

Photo : Radio-Canada / Aude Garachon

Améliorer l’autonomie alimentaire

La Municipalité compte aller plus loin pour améliorer l’offre alimentaire de Moffet, l'épicerie la plus proche se trouvant à 60 km de distance. Dans le vieux garage attenant au magasin général, on trouve à présent une cuisine de transformation alimentaire flambant neuve, avec des comptoirs en acier inoxydable, un four à 10 plateaux, une machine à saucisses ou encore un lyophilisateur.

Elle permet d'accueillir des producteurs et des traiteurs, mais aussi des familles qui souhaitent préparer les lunchs de la semaine. Des cours de cuisine y sont également organisés. On veut augmenter le volume de transformation alimentaire qui se passe sur notre territoire, explique Alexandre Binette.

La cuisine professionnelle toute équipée, disponible pour la communauté.

La cuisine professionnelle tout équipée, disponible pour la communauté

Photo : Radio-Canada / Aude Garachon

À terme, le maire espère que les produits préparés dans la cuisine communautaire pourront être consommés localement et se retrouver sur les étals du magasin général.

On veut essayer de battre le prix de la lasagne congelée qu’on va chercher à l'épicerie.

Une citation de Alexandre Binette, maire de Moffet

Par ailleurs, la Municipalité vient tout juste d’acheter une serre agricole qui servira à toute la communauté.

Chasseurs de subventions

Comment une petite municipalité peut-elle financer tous ces projets tout en gardant ses finances dans le vert, et en réalisant même des surplus?

Pour mener à bien ses projets, le maire de Moffet s’est tourné vers des financements extérieurs. Il sollicite diverses instances gouvernementales pour acquérir des subventions. Je ne pensais pas faire ça dans la vie, mais je me rends compte que c’est quelque chose que je sais faire, dit-il en riant.

Construire la cuisine, on n'aurait pas été capables de le faire tout seuls, explique-t-il. Elle a coûté 170 000 $, dont 80 % proviennent de diverses subventions, notamment du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et du Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue.

On a le droit de demander des choses. Il existe toutes sortes de programmes gouvernementaux, donc nous, on est bien réputés pour faire des demandes sur plusieurs programmes.

Une citation de Alexandre Binette, maire de Moffet

Le budget municipal de la Ville s'élève aujourd’hui à 440 000 $ par année. Avec trois employés, une vingtaine de kilomètres de chemin et pas de réseau d’aqueduc, le budget de fonctionnement demeure faible.

Le bâtiment qui abrite les services municipaux est chauffé à la biomasse, ce qui a permis de diminuer par deux la facture de chauffage.

Le bâtiment qui abrite les services municipaux est chauffé à la biomasse, ce qui a permis de diminuer par deux la facture de chauffage.

Photo : Radio-Canada / Aude Garachon

Un maire à temps plein

Un des avantages de Moffet par rapport à d'autres villages, c'est de pouvoir compter sur un maire qui consacre au moins 25 heures par semaine à la Municipalité, malgré un salaire annuel de 9200 $. On comprend qu'Alexandre Binette n'a pas de problèmes d'argent.

Conduisant une Tesla, le consultant informatique de 40 ans, formé en génie logiciel à l'École de technologie supérieure de Montréal, a quelques réussites professionnelles à son actif qui lui permettent de libérer beaucoup de son temps. Je suis chanceux, concède-t-il, alors que bien des maires de villages n'ont pas le choix de travailler à côté pour vivre.

Une vie démocratique dynamique

Lors du dernier conseil municipal du village, il y avait 11 personnes dans l'assistance. En proportion, c'est comme si 88 000 citoyens assistaient à la réunion du conseil de ville de Montréal. À Moffet, cette année, un poste de conseiller s'est libéré. Trois personnes ont convoité le siège et l'élection a attiré un taux de participation de 48 %.

Linda Roy, directrice générale de Moffet, depuis 33 ans.

Linda Roy, directrice générale de Moffet depuis 33 ans

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

La directrice générale de la Municipalité, Linda Roy, raconte que, depuis peu, des représentants de divers villages se rendent à Moffet pour demander conseil, certains venant même de l'Ontario. Quel est son secret? On divise un 25 cents en quatre et on s'arrange avec, répond-elle en souriant.

Elle ajoute que les gens s'impliquent beaucoup; ça aide et vante le dynamisme du maire.

Ce dernier ne cache pas qu'il a développé un excès de fierté qui a contaminé ses concitoyens. À Moffet, on n’a plus de complexe d’habiter au fin fond du Témiscamingue. On ne se considère plus rural profond, mais profondément rural, revendique le maire.

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