Une autre épicerie ferme ses portes à Sainte-Anne-des-Monts

Le commerce, auparavant connu sous le nom de L'armoire à vrac, a pignon sur rue à Sainte-Anne-des-Monts depuis juin 2016.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Les résidents de Sainte-Anne-des-Monts ont de moins en moins d’options pour garnir leur garde-manger. Les propriétaires de L’armoire épicerie santé ont annoncé récemment qu’ils cessaient leurs activités.
Exploiter un commerce indépendant d’alimentation biologique en Haute-Gaspésie n’était plus tenable, selon Nataly Ferland, copropriétaire de l’épicerie.

Nataly Ferland et René Thériault, copropriétaires de L'armoire épicerie santé
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Le contexte inflationniste, une perte d’achalandage, un approvisionnement épineux et des factures de transport onéreuses : c’est ce cocktail de défis qui les a poussés à mettre la clé sous la porte.
On aurait pu comme entrepreneurs décider de garder l’entreprise en vie en injectant des fonds, mais au final, ça ne règle pas les problèmes de fond que sont l’achalandage et les problématiques de distribution
, avoue-t-elle.
L’acheminement des marchandises jusqu’en Haute-Gaspésie est devenu un vrai casse-tête pour les commerces indépendants, selon elle.
Pour avoir des fruits et légumes bio, c’est très, très compliqué. Le transport n’est pas facile à trouver et, puisqu’on n’est pas une grande chaîne, on a peu de fournisseurs dans notre créneau, ce qui restreint notre diversité de produits
, explique Mme Ferland.
L’approvisionnement de denrées fraîches nécessite un transport dans un camion réfrigéré. Pour L'armoire, qui faisait affaire avec un grossiste de fruits et légumes biologiques basé à Montréal, la facture pour effectuer les quelque 700 kilomètres entre Sainte-Anne-des-Monts et la métropole s’avérait salée.
Quand on est une épicerie indépendante, on ne bénéficie pas d’un montant forfaitaire. On nous charge à gros prix! Transporter une palette de légumes bio nous coûte entre 250 $ et 350 $ par palette
, s'indigne Nataly Ferland.
Ce n’est plus payant à ce prix-là.
Pris dans l’engrenage de l’inflation et de la compétition
Outre les coûts afférents au transport des marchandises, la conjoncture économique a aussi son effet.
Le créneau du bio étant plus dispendieux que le conventionnel, les gens ont changé la teneur de leur panier d’épicerie. On a vu notre clientèle substantiellement diminuer
, avoue la copropriétaire.
L’accessibilité et la disponibilité d’aliments biologiques dans les grandes surfaces viennent aussi brasser les cartes des commerces de la niche biologique, qui ne peuvent souvent pas égaler les prix et les promotions des épiceries traditionnelles.

Les aliments biologiques sont de plus en plus présents sur les étalages des épiceries de grandes surfaces. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Auparavant, les bannières étaient peu portées vers le bio et ils avaient très peu de choix. Depuis quelques années, la donne a changé. Beaucoup tiennent maintenant la sélection de produits que nous avons nous-mêmes en magasin
, indique Mme Ferland.
Je ne crois pas que ce soit pour compétitionner les petites épiceries, mais plutôt une compétition entre grandes surfaces, mais qui par la bande, impacte les petites épiceries du créneau bio.
L'épicière croit qu’au final, c’est le consommateur qui est perdant.
Il va y avoir moins de choix, le prix du produit va être aussi cher ou plus cher qu’il l’était
, croit-elle. Mme Ferland est d'avis que les commerces indépendants connaissent davantage les produits et offrent de précieux conseils à la clientèle.
Inquiétudes
L’arrêt des activités de L’armoire ne passe pas inaperçu. Plusieurs s’inquiètent de voir l’offre et la diversité alimentaire s’amenuiser.
Pour la présidente de la Chambre de commerce de la Haute-Gaspésie, la fermeture de l’épicerie est une grande perte pour l’écosystème alimentaire annemontois.
C’était un point de vente pour nos producteurs d’ici, c’était aussi un endroit où on allait chercher des produits qui ne se retrouvaient pas ailleurs et où on avait un service familier. C’est tout ça qu’on perd malheureusement.

La présidente de la Chambre de commerce de la Haute-Gaspésie, Paule Ménard-Pelletier (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares
Le préfet de la MRC de la Haute-Gaspésie, Guy Bernatchez, souligne que le transport est un défi qui fait aussi mal à d'autres commerces de sa région.
On doit trouver des solutions, tout le monde ensemble. Sinon, on s’en va vers un mur au niveau des coûts de transport et c’est vraiment inquiétant.
On veut garder nos commerces de proximité pour demeurer bien vivant économiquement et attractifs pour continuer d’avoir un seuil migratoire positif et continuer d’attirer les touristes en Haute-Gaspésie
, fait-il valoir.
M. Bernatchez assure que la MRC sera impliquée pour trouver des solutions pour éviter que cette situation ne se reproduise.[...] Mais à court terme rapidement comme ça, on n’a malheureusement pas les outils à la MRC pour régler le problème d’un coup de baguette magique
, avoue-t-il.