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Pourquoi tant de bâtons dans nos roues? se demandent de futures enseignantes

Des étudiantes inscrites à un programme court en enseignement dit « qualifiant » déplorent que le chemin vers le brevet soit aussi éprouvant, alors que le ministre de l’Éducation du Québec Bernard Drainville les incite fortement à aller se qualifier. Désillusionnées, elles remettent en question leur avenir professionnel.

Trois étudiantes posent devant une cour d'école à Montréal

Myriam Richer, Rafaëlle Tourangeau-Laberge et Marie-Pier Richard souhaitent prêter main-forte dans les écoles québécoises en tant qu'enseignantes qualifiées le plus rapidement possible, mais elles se heurtent à plusieurs obstacles.

Photo : Radio-Canada / Fannie Bussières McNicoll

Myriam Richer, Raphaëlle Tourangeau-Laberge et Marie-Pier Richard se sont toutes les trois lancées dans la maîtrise qualifiante au préscolaire et primaire à l’Université de Montréal l’an dernier.

Toutes trois pensaient avoir trouvé le parfait chemin pour les guider vers une réorientation réussie en enseignement.

Mais, à l’aube de leur deuxième année d’études dans ce programme, elles sont complètement désenchantées par leur expérience, si bien qu’elles viennent d’ailleurs d’écrire au ministre Drainville et à d’autres élus pour leur demander d’agir de manière urgente pour les épauler dans leur quête d’un brevet en enseignement.

Les seules options qui s’offrent à nous sont le surendettement ou l’abandon de notre désir de devenir des enseignantes qualifiées et reconnues.

Une citation de Extrait de la lettre envoyée par les trois étudiantes

Il est temps de prioriser et de soutenir la qualification des enseignantes, écrivent-elles. Il faut réduire la pénurie d’enseignantes, mais pas à n’importe quel prix et surtout pas aux dépens de la qualité de l’éducation de nos enfants.

Devenir enseignant légalement qualifié : plus facile à dire qu’à faire!

Deuxième texte d’une série de trois

Des enseignants non légalement qualifiés se retrouvent devant les salles de classe en raison d’une pénurie de professeurs dans le réseau scolaire. Le ministre de l’Éducation du Québec, Bernard Drainville, les invite à aller sur les bancs des universités pour obtenir leur brevet d’enseignement. Mais voilà qui est plus simple à dire qu’à faire.

Premier volet : Enseignement : « Je veux me qualifier, mais les portes des universités sont fermées! »

Troisième volet : Des programmes courts pour former des enseignants bloqués

Conciliation travail-études plus difficile que ce qu'on leur a promis

Leur enjeu principal est d’ordre financier. La maîtrise qualifiante à temps partiel a été conçue pour ceux et celles qui veulent faire de l’enseignement une deuxième carrière.

Pour s’y inscrire, il faut avoir en main un baccalauréat reconnu; un baccalauréat spécialisé pour ceux qui veulent enseigner au secondaire.

Ainsi, les étudiants sont essentiellement en réorientation, ils n’ont plus la jeune vingtaine, et ils ont des responsabilités financières importantes.

Myriam Richer et Marie-Pier Richard ont chacune deux enfants et elles doivent absolument assurer un revenu familial pendant leurs études pour devenir enseignantes qualifiées.

Une jeune femme écoute une collègue parler.

Myriam Richer est mère monoparentale. Elle est devenue intéressée par l'enseignement en s'impliquant dans les écoles de ses deux enfants.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Barzeele

On nous avait promis une conciliation travail-études flexible. Ce n’est pas du tout le cas.

Une citation de Myriam Richer, étudiante à la maîtrise qualifiante en enseignement

Le programme à temps partiel est plus exigeant que prévu, et certaines sessions sont finalement à temps plein et non à temps partiel, déplore-t-elle.

Sur le marché du travail, elle ne réussit pas à trouver un contrat à temps partiel dans les écoles, alors qu’elle est plus qualifiée que bien d’autres employés.

Pourquoi? Parce que les centres de services scolaires sont rébarbatifs à l’idée de l’engager en sachant à l’avance qu’elle ne sera pas disponible pour travailler pendant plusieurs semaines à l’hiver, puisqu’elle doit s’absenter pour faire son stage obligatoire.

Une jeune femme écoute quelqu'un d'autre parler.

Pour Marie-Pier Richard, l'enseignement est une deuxième carrière, après avoir travaillé dans la gestion des ressources humaines pendant plusieurs années.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Barzeele

Même scénario chez Marie-Pier Richard, aussi mère de deux enfants. Je trouvais que c'était nécessaire de m’outiller, et la maîtrise me permettait de le faire. Je ne voulais pas me sentir comme une impostrice dans une classe devant les élèves, avoue-t-elle.

C’est compliqué pour les centres de services scolaires de m’embaucher, et c’est compliqué pour moi de trouver un emploi et de subvenir aux besoins de ma famille tout en étudiant. Je me sens coincée! admet Marie-Pier Richard.

Exclues des bourses Perspective Québec

Leurs stages sont, par ailleurs, non rémunérés. Et parce que leur programme est considéré à temps partiel, elles ne sont pas admissibles au Programme de bourses Perspective Québec, qui a pourtant pour objectif d’appuyer ceux et celles qui étudient dans un secteur d’activités particulièrement touché par la pénurie de main-d'œuvre, à savoir les technologies de l’information, le génie, l’éducation de la petite enfance et... l’enseignement.

Une jeune femme écoute une autre collègue parler.

Rafaëlle Tourangeau-Laberge avait fait des études en gestion de projets, mais c'est en faisant du remplacement dans une école primaire qu'elle a eu la piqûre pour l'enseignement.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Barzeele

Le message qu’on entend, c’est qu’on a tellement besoin de nous. D’accord, je suis là pour aider, mais finalement, ce qu’on me dit, c’est : "Arrange-toi, puis endette-toi".

Une citation de Rafaëlle Tourangeau-Laberge, étudiante à la maîtrise qualifiante en enseignement

Disons que ça ne nous donne pas envie d'aller jusqu'au bout, alors que c'est vraiment important de le faire, renchérit Myriam. On savait qu’en se réorientant, il y avait des sacrifices à faire, mais devoir remettre tout ça en question pour des questions financières, c’est vraiment triste.

C’est plus des bâtons dans les roues que de l’aide qu’on reçoit. Si j’avais le ministre Drainville devant moi, je lui demanderais pourquoi il facilite autant la vie des enseignants non légalement qualifiés et rend la vie si compliquée pour ceux qui veulent se former, dénonce Mme Richer.

L’Université de Montréal consciente des problèmes

En entrevue avec Radio-Canada, la doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, Ahlem Ammar, reconnaît qu'elle a entendu les doléances de plusieurs étudiants inscrits dans ce programme, qui a démarré il y a deux ans.

On est conscients de ça; nos étudiants nous posent des questions à propos des défis financiers, concède-t-elle.

Elle rappelle que les étudiants sont admissibles à des bourses de persévérance conçues pour les étudiants à temps partiel. Cependant, elle convient que cet autre système de financement est moins avantageux.

Elle précise au passage qu’elle n’hésite pas à aborder ce point lors de ses représentations qui sont faites auprès des ministères à Québec.

Ahlem Ammar en gros plan dans un bureau.

Ahlem Ammar est doyenne de la Faculté de l’éducation de l’Université de Montréal.

Photo : Radio-Canada

De plus, Ahlem Ammar estime qu’il faut s’assurer que ces étudiantes et étudiants qui ont pris une décision très courageuse [puissent] jouir des meilleures conditions pour pouvoir terminer leurs études dans des conditions optimales et dans des délais raisonnables.

Pour moi, c’est important. C’est une question sur laquelle il va falloir se pencher, pour éviter que ces gens-là abandonnent les programmes pour des raisons purement financières.

Une citation de Ahlem Ammar, doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation à l’Université de Montréal

Mme Ammar souligne que moins de 10 % du nombre total d’étudiants inscrits à la maîtrise qualifiante en éducation préscolaire et en enseignement primaire depuis son lancement ont abandonné le programme.

Elle mentionne que son équipe se penche actuellement sur la flexibilisation du programme, surtout en lien avec les stages. Des discussions sont en cours avec les centres de services scolaires à ce sujet, assure-t-elle.

Une ouverture à Québec

Par écrit, le cabinet du ministre de l’Éducation et celui de la ministre de l’Enseignement supérieur se disent sensibles à la situation de ces étudiants.

La ministre salue leur désir de prêter main-forte au réseau scolaire, tout en étant consciente des défis que représente la conciliation travail-famille-études, déclare le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.

Il rappelle que les étudiants sont admissibles à des bourses de persévérance qui sont adaptées, dit-il, à la situation de ces étudiants à temps partiel.

L’équipe de la ministre Déry soutient que l’ajout des programmes de maîtrise et de diplômes d’études supérieures spécialisées en enseignement n’est pas pour le moment dans [ses] cartons.

Mais l’inclusion de programmes et d’étudiants à temps partiel fait toujours partie de la réflexion, ajoute-t-il.

En attendant, Myriam, Rafaëlle et Marie-Pier espèrent que les autorités entendront leur appel.

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