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Insécurité dans le Village, à Montréal : des terrasses ferment avant l’heure

Agressions physiques et verbales, vols, harcèlement… Excédés par l’insécurité grandissante dans le Village, dans le centre-ville de Montréal, des propriétaires de restaurants et de bars ferment leur terrasse alors que la saison estivale n’est pas encore finie. D'autres songent carrément à ne pas la rouvrir l'an prochain.

Une terrasse désertée.

La terrasse du Yamato Dumpling est fermée depuis mercredi, alors qu'un homme a physiquement agressé les propriétaires de l'établissement.

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

Émilie Yu s'affaire derrière son comptoir, occupée à répondre au téléphone et à prendre des commandes. Il y a trois jours, la propriétaire du restaurant Yamato Dumpling, sur la rue Sainte-Catherine, et son mari se sont fait agresser par un homme en crise.

Ce n’est que grâce à l'intervention des employés et de clients de l’établissement voisin que l’assaillant a pu être maîtrisé.

Depuis cet incident, la terrasse du Yamato Dumpling est fermée. Et Mme Yu, qui a ouvert son restaurant il y a à peine cinq mois, ne compte plus la rouvrir l’année prochaine. Certains de ses employés ont maintenant peur de travailler le soir.

Encore aujourd’hui, j’ai dû appeler la police vers 17 h, parce qu’il y avait une femme qui s’était installée sur la terrasse alors qu’elle est fermée et elle refusait de partir. Elle m’a dit que la police ne lui faisait jamais rien, dit la restauratrice. Et plus tôt, aujourd'hui, une autre femme est rentée par la porte arrière, elle a traversé le restaurant sans regarder personne, comme si elle était dans sa maison, et puis elle est sortie par la porte d’entrée.

Une femme souriante derrière un comptoir.

Émilie Yu, la propriétaire du Yamato Dumpling.

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

On a décidé d’ouvrir notre restaurant dans ce quartier parce qu’il est très touristique et parce qu’il n’y a pas beaucoup de restaurants asiatiques, donc peu de compétition, [...] mais il y a clairement un problème de drogue dans le quartier. Ceux qui consomment sont comme sur une autre planète, on ne sait pas comment ils vont se comporter.

Une citation de Émilie Yu, propriétaire du restaurant Yamato Dumpling

En face de son établissement, la terrasse du bar Le Cocktail est complètement déserte. À l’intérieur, quelques clients dégustent leur bière, attablés devant le bar.

Pour Luc Généreux, le propriétaire, les incidents impliquant des personnes intoxiquées, c’est tous les jours, c’est notre quotidien.

La situation sécuritaire s’est beaucoup détériorée cette année, c’est définitivement pire que les années précédentes.

Un homme assis à une terrasse vide de clients.

Luc Généreux, assis à la terrasse de son bar. Ses clients préfèrent rester à l'intérieur.

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

Face à la hausse de la violence, M. Généreux dit avoir embauché un agent de sécurité pour assurer la surveillance à l’intérieur du bar, ouvert dans le quartier depuis 2006. Mais les problèmes se passent souvent dans la rue, dit-il. Les clients sur la terrasse ne se sentent pas en sécurité.

Compte-t-il la fermer lui aussi? Cette année, la saison est presque finie, mais on est en réflexion pour l’année prochaine. Ça n’a pas vraiment valu la peine de l’ouvrir.

Le concept des terrasses dans le quartier ici est inutile. C’est vraiment malheureux. Il y a eu peu d’achalandage, les gens préfèrent être à l’intérieur parce que, dehors, c’est rendu désagréable et pas sécuritaire.

Une citation de Luc Généreux, propriétaire du bar Le Cocktail

Les clients se font quémander, ils se font voler leur téléphone... Hier, un client s’est même fait voler sa bouteille de bière sur la terrasse. Ce n’est pas grave, on va lui en donner une autre, mais il y a un sentiment d’insécurité qui est présent.

Qu’en est-il de la police? M. Généreux dit avoir remarqué une plus grande présence des forces de l’ordre, mais visiblement, ce n’est pas suffisant. Je ne sais pas ce que ça prend, ajoute-t-il navré.

La terrasse du café La mie matinale, sans clients.

La terrasse du café La mie matinale, sans clients.

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

Pour la plupart des commerçants interrogés sur la rue Sainte-Catherine Est, entre les rues De Champlain et l’avenue Papineau, le problème, ce sont les trafiquants de drogue qui ont élu domicile dans le quartier.

François, un employé du café La mie matinale, se dit à la fois triste et enragé.

Il y a deux semaines, l’un des propriétaires du café s’est fait physiquement agresser par un vendeur de drogue à l’arrière de son établissement alors qu’il déchargeait sa marchandise.

Le type lui a mis un couteau sous la gorge. Vous vous imaginez avec un couteau sous la gorge? Ça fait peur!

Une citation de François, employé du café La mie matinale

Selon lui, le SPVM a été averti, mais les policiers ne sont jamais venus.

Souvent, il y a au moins dix personnes à l’arrière du café qui consomment de la drogue, qui se piquent, ajoute-t-il.

Injection de drogue dans la rue

La crise des opioïdes a atteint des niveaux sans précédent à Montréal.

Photo : Getty Images / Spencer Platt

La terrasse de La mie matinale est vide, le café est sur le point de fermer ses portes pour la journée. Des fois, il y a des clients qui se font agresser. Ils se font voler leur téléphone, leur nourriture.

Sera-t-elle ouverte l'an prochain? On va espérer que quelque chose sera fait d’ici là, dit-il. Il ne suffit pas d’envoyer des travailleurs sociaux et des policiers à vélo. On veut des actions concrètes.

En face, la terrasse du bar Rocky fait contraste : elle est pleine. Des dizaines de clients sont attablés dehors, en train de siroter leur boisson et de bavarder. Paolo, le barman, est seul à travailler ce soir. Il prend les commandes, sert les cocktails et échange quelques mots et sourires avec les clients.

Quel est son secret? Peut-être que c’est parce que cela fait 31 ans que je travaille ici, il y a beaucoup de clients qui viennent me voir, dit-il entre deux services. Ce sont tous des réguliers, ici, ajoute-t-il.

Des clients assis à la terrasse d'un bar.

Une dizaine de clients profitent de la terrasse du bar Rocky sur la rue Sainte-Catherine est, malgré la montée de la violence dans le quartier.

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

Son voisin, Béchir ben Khalifa, le propriétaire du restaurant moyen-oriental La Couscoussière, est debout devant son établissement, ouvert dans le quartier il y a 25 ans. Il n'y a pas un chat sur sa terrasse.

Sa terrasse a été saccagée il y a deux semaines par des hommes qui se bagarraient dans la rue. Ça s’est produit vers 2 h du matin, il y a les images de la caméra de surveillance que nous avons montrées à la police, mais rien n’a été fait, dit-il.

Dans un message envoyé à l’émission Le 15-18, la Ville de Montréal qualifie les agressions physiques contre les commerçants du Village d’inacceptables. Il faut redoubler d’efforts pour assurer la sécurité dans le Village, dit-on. S'adressant aux habitants du quartier, la Ville se veut rassurante : On ne vous laissera jamais tomber.

Depuis la pandémie et l'intensification de la crise du logement, le Village et ses stations de métro sont devenus un refuge quatre saisons pour un grand nombre de personnes vulnérables. Certains résidents excédés évoquent un asile à ciel ouvert.

Une terrasse vide avec un rempart qui manque.

Une partie de la terrasse du restaurant La Couscoussière a été saccagée.

Photo : Radio-Canada / Rania Massoud

En janvier dernier, le Groupe Archambault a annoncé la fermeture définitive de son magasin presque centenaire de la rue Sainte-Catherine Est, en invoquant la détérioration croissante des perspectives commerciales dans le secteur, qui est devenu, selon la direction, un laboratoire de mixité urbaine.

Avant le début de la saison estivale et la piétonnisation de la rue Sainte-Catherine, des restaurants et cafés du quartier avaient menacé de se mettre en grève et de ne pas ouvrir leur terrasse. En réaction, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé en juin le lancement de sa Stratégie d’intervention collective pour le Village, promettant des sommes et des ressources supplémentaires pour sécuriser les rues et les parcs du quartier.

Mais en dépit des policiers plus visibles dans les rues et du travail des équipes communautaires, la cohabitation demeure des plus problématiques dans le quartier, où les trottoirs et les espaces publics servent de refuge aux itinérants et aux toxicomanes.

Vendre de la drogue, c’est illégal, mais on voit tellement de trafiquants tous les jours dans le quartier, résume Luc Généreux. On a l’impression qu’un citoyen qui brûle un feu rouge a plus de chances d’être sanctionné qu’un vendeur de drogue au coin de la rue, ce n’est pas normal.

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