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Inconduites sexuelles dans les écoles : Bernard Drainville « extrêmement préoccupé »

Le ministre de l'Éducation présentait vendredi les conclusions de l’enquête qu'il avait ordonnée en mars sur la gestion des inconduites sexuelles et des comportements inadéquats dans les écoles du Québec.

Bernard Drainville s'adresse aux journalistes.

Bernard Drainville, ministre de l'Éducation du Québec (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Le ministre de l'Éducation du Québec Bernard Drainville, qui commentait vendredi les conclusions de l'enquête générale qu'il avait demandée sur la gestion administrative des inconduites sexuelles et des comportements inadéquats dans les écoles, a déclaré que la gravité des constats du rapport commande une réponse urgente.

L'enquête en question a été ordonnée en mars par le ministre dans le but d'avoir un portrait global du processus de traitement des plaintes d'inconduite sexuelle ou de violence dans les établissements d'enseignement du Québec, autant privés que publics. Or, ce qu'il a lu dans le rapport est loin de l'avoir rassuré.

Je suis extrêmement préoccupé par ce que j’ai lu, a lancé d'entrée de jeu Bernard Drainville, en affirmant que la sécurité des enfants à l'école est la priorité en éducation.

Il y a des lacunes importantes dans la manière dont les organismes scolaires et le ministère traitent les plaintes. Mais aussi des lacunes dans la façon dont sont gérés les dossiers des personnes visées par des allégations d’inconduite.

Une citation de Bernard Drainville, ministre de l'Éducation du Québec

Partage défaillant de l'information

Parmi les constats les plus problématiques soulevés dans le rapport, le fait que les centres de services scolaires (CSS) ne partagent pas systématiquement entre eux les informations sensibles dans les dossiers du personnel lors de l'embauche ou de transferts dans d'autres CSS irrite particulièrement le ministre.

C’est un non-sens qu’un enseignant et, plus largement, un employé de centre de services puisse commettre des gestes à caractère sexuel ou des gestes violents et se déplacer d’un centre de services à un autre sans conséquence.

Il est pourtant essentiel, a-t-il souligné, que le ministère de l'Éducation et les CSS puissent disposer de toutes les informations pertinentes lors de l'embauche d'un nouvel employé dans les écoles.

Le manque d’information et le manque de partage de ces informations constituent un grave problème qui limite notre capacité de prévenir ce genre d’actes [inconduite sexuelle et violence] et j’ai l’intention d’y remédier.

Une citation de Bernard Drainville, ministre de l'Éducation du Québec

Entrevue avec le ministre de l'Éducation du Québec, Bernard Drainville

Les clauses de retrait

Le ministre compte également s'attaquer de front aux clauses de retrait ou d'effacement dans les conventions collectives en éducation qui permettent à un employé qui a commis un acte répréhensible de voir cet acte retiré de son dossier disciplinaire après un certain temps.

[Cela] soulève de sérieuses questions, surtout lorsqu’il est question de gestes à caractère violent ou sexuel à l’endroit de nos élèves, s'est exclamé le ministre. On permet donc à des personnes d’évoluer dans le système scolaire en commettant des gestes graves sans en garder une trace à long terme.

Cela ouvre la porte à ce que des employés des centres de services perpétuent des actes répréhensibles de façon répétée, tout en gardant un dossier vierge. Parce que ça s’efface au fil du temps.

Une citation de Bernard Drainville, ministre de l'Éducation du Québec

Promettant le dépôt prochain d'amendements au projet de loi 23 sur le système scolaire – dont l'étude commence bientôt –, Bernard Drainville a requis la collaboration des partis d'opposition, mais également des syndicats qu'il compte rencontrer prochainement pour s’assurer que ce qui constitue le dossier personnel des employés ne soit pas un obstacle à la protection des enfants.

Vérification des antécédents judiciaires

Lorsqu’une personne décroche un emploi en éducation, on ne vérifie ses antécédents judiciaires qu’une fois, soit lors de son embauche. Ce qui signifie que si cette personne commet des actes répréhensibles ou est l’objet d’accusations dans les années suivant son embauche, son employeur ne le saura pas.

Or, la vérification des antécédents judiciaires du personnel devrait être faite non seulement à l’embauche, mais à intervalles réguliers au cours de la période d’emploi, recommande le rapport.

Ce genre de vérification est essentiel pour assurer la sécurité de nos élèves, mais ce n’est pas suffisant. Je veux mettre en place des mécanismes plus stricts en cours d’emploi, pas juste au début, a assuré le ministre.

Conformément aux autres constats contenus dans le rapport, le ministre s’est aussi engagé à améliorer le traitement des plaintes, le processus d’accompagnement des victimes, de même que la rétroaction aux victimes et aux dénonciateurs qui est souvent absente.

Apporter un soutien adéquat aux victimes avant, pendant et après la plainte est aussi important que la plainte elle-même, a rappelé Bernard Drainville.

Ce dernier n’exclut pas, par ailleurs, d’instaurer des formations obligatoires en éducation pour les personnes qui sont chargées de traiter les plaintes de façon à uniformiser et à perfectionner les pratiques autant dans les directions d’école que dans les CSS.

Québec promet aussi de renforcer l’utilisation, la diffusion et la mise à jour des codes d’éthique dans le réseau et augmenter l’encadrement du personnel des CSS.

Je vous le dis d’emblée, j’ai la ferme intention de donner suite aux recommandations du rapport, a promis le ministre.

Réactions positives du milieu

Réagissant au rapport sur son compte X, la députée libérale Marwah Rizqy, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’éducation et d’enseignement supérieur, a répondu à Bernard Drainville : Vous pouvez compter sur ma pleine collaboration. Protégeons mieux nos élèves. Éliminons rapidement les clauses d’amnistie.

Au collectif La voix des jeunes compte, on réclame une loi entièrement dédiée à la question des agressions sexuelles en milieu scolaire dont la philosophie reposerait non pas sur la bureaucratie et la gouvernance, mais sur l’aide à apporter aux jeunes qui dénoncent une agression sexuelle.

La présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Mélanie Hubert, de son côté, a affirmé sur les ondes d’ICI RDI que ses membres étaient déjà préoccupés par la situation. On était en faveur de notre côté de l’adoption d’une loi-cadre pour prévenir les violences sexuelles, et on l’était aussi au moment où on a repensé le protecteur national de l’élève. On se disait qu’il faudrait des dispositions particulières notamment en matière d’agression et d’abus sexuels.

En ce qui a trait aux clauses de retrait, Mme Hubert croit que les gens ont le droit dans le cadre du travail d’avoir une chance de s’amender à la suite de certaines fautes, mais que dans les cas d’agressions sexuelles son syndicat ne cautionne pas de telles choses.

La présidente de la FAE a du même souffle ajouté que son syndicat sera au rendez-vous pour travailler avec le ministre Drainville. On va mettre tous les efforts, a-t-elle assuré.

À la Fédération des comités de parents du Québec, la présidente, Mélanie Laviolette, a déclaré qu'elle n'était pas surprise des constats faits dans le rapport. Les parents se sentent impliqués et interpellés et demandent depuis longtemps une meilleure protection contre les violences à caractère sexuel chez les enfants.

C’est encourageant de savoir que le ministre prend ça au sérieux et avec le projet de loi 23 qui est à l’étude, c’est une belle opportunité qu’il a de pouvoir sévir et de resserrer les règles, croit Mme Laviolette.

Le Regroupement des comités de parents autonomes du Québec demande pour sa part au ministre de ne pas limiter le recours à l'article 26 de la LIP qu’aux enseignants puisque plusieurs adultes, autres que des enseignants, évoluent autour de nos enfants dans le milieu scolaire. Une réflexion devrait être entamée sur un moyen pertinent d'encadrer ces adultes à qui l’on ne peut suspendre leur brevet d’enseignement, explique-t-on.


Principaux constats du rapport :

  • L’information ne chemine pas entre les différents employeurs en éducation de sorte qu'il est parfois difficile pour les CSS ou les directions d'école de connaître avec précision les antécédents du personnel.
  • Il n’existe pas de vision globale et cohérente du système d’encadrement des enseignants. Les différentes visions du processus disciplinaire qui coexistent dans le domaine de l’éducation, soit celles des plaignants et des témoins, des CSS et du Ministère, ne sont ni complémentaires, ni cohérentes, ni exhaustives, explique le rapport.
  • Le processus de plainte en vertu de l’article 26 de la Loi sur l'instruction publique (Nouvelle fenêtre) est sous-utilisé. Les CSS hésitent à recourir à cet outil parce qu’il semble parfois difficile pour les employeurs de reconnaître ou d’établir qu’un comportement peut être qualifié de faute grave ou d’acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la fonction enseignante.
  • La formation des intervenants est limitée. Les ressources mises à la disposition des personnes chargées de traiter les plaintes sont limitées et ceux-ci ont des profils variés selon les organisations.
  • Il faut éliminer les clauses d’amnistie prévues dans les conventions collectives relativement aux inconduites sexuelles et aux comportements violents qui peuvent disparaître des dossiers d'employés après une certaine durée. Cette durée varie en fonction de l’offense.
  • Le rapport de force entre le plaignant et la personne incriminée est déséquilibré. Les services d’accompagnement des victimes et des dénonciateurs doivent être renforcés afin d'améliorer les processus de plainte.
  • Les victimes et les dénonciateurs ne sont pas toujours informés du traitement de la plainte ou du signalement.
  • Il n’y a pas de suivi systématique sur la vérification des antécédents judiciaires en cours d’emploi. Souvent, les vérifications ne sont faites qu'une fois, lors de l'embauche, et plus jamais en cours d'emploi.
  • L’adoption, la diffusion et l’utilisation des codes d’éthique ne sont pas systématiques dans le réseau de l'éducation.

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