•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Efficace de taxer les boissons sucrées? Après un an, des experts émettent des doutes

Santé Canada veut mieux encadrer la vente de boissons sucrées à haute teneur en alcool.

Terre-Neuve-et-Labrador a adopté une taxe sur les boissons édulcorées il y a un an. Des experts doutent de son efficacité.

Photo : iStock / iStock

Un an après la création d’une taxe sur des boissons sucrées à Terre-Neuve-et-Labrador, des experts dressent un bilan mitigé des impacts de cette mesure, la première du genre au Canada.

Une preuve que la taxe – qui vise à réduire la consommation des boissons sucrées en les rendant plus chères – n'a pas eu les effets escomptés, c'est qu'elle a rapporté dans la dernière année environ 22 % de plus que prévu, soit 11 millions de dollars.

De plus, des données préliminaires d’une étude indépendante montrent que le prix affiché sur les produits assujettis à la nouvelle taxe n’a pas changé de beaucoup dans la dernière année. L'effet sur les consommateurs est donc moindre.

Ce qu’on observe à Terre-Neuve, c’est que la taxe n’a pas eu d’impact sur le prix affiché et apparaît plutôt sur le reçu à la caisse. Le consommateur paie la taxe, mais il ne s’en rend pas compte au moment où elle pourrait avoir une incidence sur son comportement.

Une citation de Rachel Prowse, professeure adjointe à l’Université Memorial

Rachel Prowse, dont l’étude sur deux ans est financée par la Société canadienne du cancer et les Instituts de recherche en santé du Canada, a passé la dernière année à analyser les prix des boissons édulcorées dans les dépanneurs et les supermarchés.

Les prix sur les tablettes sont plus ou moins les mêmes qu’avant, affirme-t-elle.

Ce sont les grossistes qui versent la taxe au gouvernement, explique Rachel Prowse. Elle précise que ces derniers et le détaillants semblent absorber une partie de la facture, mais qu'environ 85 % des nouveaux revenus gouvernementaux semblent provenir directement des consommateurs.

La nouvelle taxe, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2022, s'élève à 20 ¢ le litre sur les boissons sucrées. La taxe est plus élevée pour les jus concentrés congelés (80 ¢ le litre) ainsi que les sirops (1,20 $ le litre). Les jus sans sucre ajouté et le lait au chocolat sont exemptés.

L’argent est réinvesti dans des programmes visant à améliorer la santé des Terre-Neuviens et des Labradoriens, dont des crédits d’impôt pour l'activité physique et les repas scolaires gratuits.

Difficile de savoir si la quantité de boissons vendues a diminué

Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire des sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie, affirme que les autres provinces surveillent de près les résultats de la taxe à Terre-Neuve-et-Labrador.

Il souligne que, sans savoir s’il y a eu une réduction marquée du nombre de boissons achetées, il est difficile d’évaluer l’efficacité de la mesure. Selon le chercheur, pour bien évaluer l’efficacité, ce qui est le plus important à mon avis, c'est de savoir si justement les ventes de ces produits-là diminuent.

Radio-Canada a demandé ces données au gouvernement provincial, mais n’a pas eu de réponse à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Un homme portant un veston et des lunettes.

Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l'Université Dalhousie.

Photo : Radio-Canada / Marie-Jeanne Boulet

Il faut du temps pour voir l'impact des politiques ou des programmes sur les résultats en matière de santé, affirme la ministre des Finances, Siobhan Coady, dans une déclaration.

Rachel Prowse cherche elle aussi à obtenir des données des détaillants sur l’évolution des ventes de boissons sucrées depuis l’entrée en vigueur de la taxe. Elle s’inquiète pourtant que les revenus gouvernementaux générés par la taxe dépassent les prévisions.

S’ils reçoivent plus d’argent que prévu, il est possible que les gens continuent d’acheter les boissons, ce qui correspondrait aux données qu’on a sur les affiches des boissons au point de vente, affirme-t-elle. C’est une possibilité bien réelle. Je ne peux pas le confirmer, mais c’est beaucoup de revenus.

Pour des raisons commerciales, Krista Scoldwell, présidente de l’Association canadienne des boissons, une association commerciale représentant les producteurs de boissons non alcoolisées, n'a pas voulu divulguer des données sur les ventes de boissons sucrées à Terre-Neuve-et-Labrador.

Siobhan Coady, debout à un lutrin, des documents devant elle, prononce une allocution à la Chambre d'assemblée.

Siobhan Coady, la ministre des Finances de Terre-Neuve-et-Labrador, en mars dernier. (Archives)

Photo : La Presse canadienne / Paul Daly

Elle précise aussi que l’inflation aurait pu avoir un impact sur la quantité de revenus générés par la nouvelle taxe.

Mme Scaldwell soutient toutefois que la taxe n’est pas nécessaire et que les consommateurs se tournent déjà vers des boissons diètes ou non sucrées. Elle remet en question la décision de taxer seulement les boissons et non les autres aliments sucrés.

Mieux vaut informer que de taxer?

Sylvain Charlebois doute de l’efficacité de la taxe et croit plutôt que la nouvelle réglementation de Santé Canada, qui modifiera à compter de 2026 l'étiquetage des aliments transformés, sera une mesure plus propice à aider les consommateurs à faire de meilleurs choix.

On informe le public par rapport aux produits qui ont trop de sodium, trop de sucre ou trop de gras, explique-t-il. De taxer simplement, à mon avis, le seul objectif qu'on atteint, c'est d'augmenter les revenus de l'État. […] Pour moi, l'outil le plus efficace, c'est l'information au point de vente et l’éducation en même temps.

Le gouvernement provincial rappelle que plusieurs pays d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine ont adopté une taxe sur les boissons sucrées et que l’Organisation mondiale de la santé recommande la taxation des boissons sucrées.

Selon une étude (Nouvelle fenêtre) publiée en 2019, Terre-Neuve-et-Labrador est parmi les provinces les plus consommatrices de boissons édulcorées. Les Terre-Neuviens et Labradoriens sont aussi les moins disposés à boire de l’eau, ce qui s’explique en partie par les centaines d’avis d'ébullition à long terme qui existent dans la province, selon Rachel Prowse.

Les gens n’ont souvent pas une attitude favorable par rapport à l’eau, explique-t-elle. Même si elle est propre, ils n’aiment pas le goût ou l’odeur ou la couleur.

Depuis 1975, le taux d’obésité a presque triplé à Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui a fait augmenter le taux de cancer, de maladies cardiovasculaires et de diabète.

Depuis l'adoption de la taxe, le Parti progressiste-conservateur de Terre-Neuve-et-Labrador demande qu’elle soit éliminée.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Acadie

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Acadie.