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Est-ce que le Québec peut réduire de moitié son nombre d’autos?

Vue d'une autoroute embouteillée.

Durant les dernières décennies, la grandeur du parc automobile et le nombre de routes n'a cessé d'augmenter.

Photo : Radio-Canada

Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a déclaré en entrevue mardi que la province devrait avoir deux fois moins d’autos. La déclaration a beaucoup fait réagir et des groupes environnementaux étaient bien heureux de voir un ministre mettre à l’ordre du jour la « dépendance à l’automobile » du Québec; maintenant, il faudra des actions pour la réduire.

Pierre Fitzgibbon a rappliqué lors de son arrivée au conseil des ministres, mercredi matin à Québec. Je dis toujours ce que je pense. Si on veut être cohérents et qu’on veut avoir une carboneutralité en 2050, il faut que les habitudes des consommateurs changent, a-t-il affirmé.

Le ministre Pierre Fitzgibbon à l'Assemblée le 8 juin dernier. (Photo d'archives)

Le ministre Pierre Fitzgibbon

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Ça paraît ambitieux, mais en même temps, ce n’est pas dénué de sens en termes d’objectif collectif, a dit Alexandre Turgeon, directeur général et vice-président exécutif du Conseil régional de l’environnement (CRE) de la région de la Capitale-Nationale, en entrevue à l’émission Première heure.

Comme l’a mentionné le ministre, l’électrification des transports ne pourra pas à elle seule permettre d’atteindre la carboneutralité. Il est sur la bonne piste. Il faut réduire notre consommation d’énergie à la source et viser la sobriété, explique Anne-Catherine Pilon, analyste en mobilité durable pour Équiterre.

Le sujet est toutefois délicat; déjà, des concessionnaires se sont dits inquiets, et le chef du Parti conservateur, Éric Duhaime, l’a accusé de faire la guerre à l’auto. Le ministre veut tout de même se faire rassurant : pas question de dire aux Québécois ce qu’ils peuvent acheter ou pas.

Il croit donc que le changement des habitudes de consommation s’imposera de lui-même, naturellement. Je pense que les Québécois vont penser différemment. Ce n’est pas de la provocation, c’est la réalité, si on veut être cohérents, a ajouté le ministre.

La carotte et le bâton

Anne-Catherine Pilon et Alexandre Turgeon croient que le gouvernement ne va pas assez loin, s’il compte vraiment réduire le nombre d’autos sur les routes. Selon eux, il faut plus que de la communication et des incitatifs. Il faut développer des alternatives à l’auto solo et, même, des mesures de découragement de la possession et de l'utilisation des véhicules, résume l’analyste en mobilité durable pour Équiterre.

L'autoroute Félix-Leclerc (A-40) est le secteur le plus achalandé dans la région de Québec. Les bouchons de circulation le matin et le soir sont presque systématiques.

Au Québec, le transport routier représente la source la plus importante de GES, soit 34 % des émissions totales.

Photo : Radio-Canada

Pierre Fitzgibbon donne entre autres exemples le lancement du Réseau express métropolitain (REM) et d’autres projets de réseaux de transport structurant comme des moyens qui permettent de remplacer l’utilisation de l’auto. Anne-Catherine Pilon ajoute toutefois qu’il y a du rattrapage à faire en matière de financement. En ce moment, pour deux dollars investis dans le transport routier, on en investit un dans le transport collectif. Donc, ça pourrait déjà être une belle mesure du gouvernement de rééquilibrer ce déséquilibre budgétaire, indique-t-elle.

Pour que le changement d’habitude se fasse, il faut des solutions de rechange efficaces et confortables. Si on veut rendre les autres modes de transport plus compétitifs, d’abord les transports actifs, ça demande qu’on y consacre des espaces sécuritaires, pour que ça soit agréable de circuler à vélo et à pied, illustre Alexandre Turgeon.

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Le Réseau express vélo (REV) offre aux cyclistes une voie entièrement séparée de la circulation automobile.

Photo : Radio-Canada / Daniel Thomas

L’analyste à Équiterre mentionne quelques mesures d’écofiscalité qui pourraient être mises en place, comme une révision de la taxation sur l’essence, ou encore l’instauration d’une taxe kilométrique ou sur la taille des véhicules.

Pierre Fitzgibbon ne semble pas favorable à cette idée. C’est la question de la carotte et du bâton; nous, on a pris la décision à ce moment que ce ne serait pas un bâton. À ce moment-ci au gouvernement, on ne veut pas surtaxer, a-t-il dit.

Dans ses recherches, Dominic Villeneuve, professeur en transport et mobilité à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval, a observé que c’est la combinaison des incitatifs et des contraintes qui fonctionne le mieux pour changer les modes de transport.

On a fait une revue de la littérature de toutes les recherches qui ont été faites sur le report modal, donc, les gens qui quittaient la voiture, entre 2010 et 2020. Lorsqu’on combinait la carotte et le bâton, on était à 75 % de report modal. En faisant les deux, on met toutes les chances de notre côté, observe-t-il.

Revoir le territoire et repartager la route

Le directeur général du CRE croit que l’espace au sein des villes doit être repensé. Il y a des gestes à poser en matière de mobilité qui vont demander à ce qu’on change nos habitudes de vie et repartage notre espace public. Oui, ça veut nécessairement dire qu’il faudra en enlever à l’automobile, souligne-t-il.

Même pour ce qui est de la façon de développer les villes, il y a des contradictions avec les objectifs environnementaux, selon lui. Si on continue d'ouvrir de nouveaux développements dans différents arrondissements qui sont dépendants de l’automobile, on n'y arrivera pas. On a accru le nombre de quartiers dépendants à l’automobile.

Des terres agricoles et un développement résidentiel.

Un développement résidentiel se mêle à des terres agricoles.

Photo : Radio-Canada / Josianne Thériault

Évidemment, l’enjeu n’est pas le même selon la grandeur et la densité de la municipalité. Ça va être compliqué de réduire en Gaspésie, c’est sûr, mais quand on regarde où est la concentration des véhicules, il y en a pas mal plus dans les milieux urbains, nuance le ministre de l’Économie.

D’améliorer le système, c’est un gros défi quand on quitte les grandes villes. On a 10 villes de plus de 100 000 habitants; qu’on commence par là. Il y a moyen de faire mieux sans causer d’injustice, estime le professeur Dominic Villeneuve.

De son côté, Alexandre Turgeon croit que la mission n’est pas non plus impossible même pour les plus petites villes plus éloignées des centres urbains. La majorité de nos villes au Québec sont nées autour d’une infrastructure de chemin de fer. Des pays vastes dans le monde avec de grands territoires, il y en a partout, et on pense autrement, remarque-t-il.

On a déjà une situation problématique, et transformer les lieux habités, ça ne se fait pas du jour au lendemain; ça se fait sur plusieurs décennies.

Changer une culture

Les Québécois entretiennent un lien particulier avec l’automobile, ce qui peut expliquer en partie les réactions qui fusent dès que le sujet du changement des modes de transport est abordé. 

C’est sûr qu’on s'attaque à une habitude qui est vraiment bien ancrée et à une culture qui fait presque partie de notre identité au Québec, concède Anne-Catherine Pilon.

Une illustration avec des voitures.

La voiture électrique est présentée comme l’une des solutions efficaces pour diminuer la production de gaz à effet de serre. Cependant, des experts déplorent que son utilisation à large échelle ne fasse que perpétuer les nombreux problèmes liés à la voiture.

Photo : Radio-Canada / François Dubuc

Dominic Villeneuve fait remarquer qu’ailleurs, comme en Europe, les gens n'ont pas ce lien aussi fort avec la voiture comme une représentation sociale de soi. C’est un peu comme la mode; ça permet d'exprimer visuellement aux autres son statut social, ses valeurs et ses croyances, explique-t-il.

Selon lui, pour changer les mentalités, il faudra de la volonté politique, et il ne semble pas y avoir de consensus au gouvernement sur la question.

Avec des informations de La Presse canadienne

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