La majorité des Canadiens ont acquis une immunité hybride contre le SRAS-CoV-2
Une immunité hybride correspond à une combinaison d'infection et de vaccination.

La molécule, composée d'anticorps, cible la protéine Spike du SRAS-CoV-2.
Photo : SickKids
La plupart des Canadiens ont désormais une immunité hybride contre le SRAS-CoV-2, selon des chercheurs du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19.
Dans leur étude, publiée lundi dans le Journal de l'Association médicale canadienne (Nouvelle fenêtre), les chercheurs ont estimé les niveaux de séropositivité au SRAS-CoV-2 dans la population. Ils ont analysé plus de 900 000 échantillons provenant d’adultes des quatre coins du pays qui ont soit fait un don de sang, soit participé à l’une des campagnes d'échantillonnage.
Les enquêtes sérologiques déterminent le taux de séropositivité au SRAS-CoV-2 dans une population donnée en mesurant la présence d’anticorps dans le sang d’un individu. Les chercheurs peuvent déterminer si les anticorps se sont développés à la suite d’une infection ou d’un vaccin.
Ces chercheurs canadiens ont analysé les données en fonction de trois périodes, soit avant la vaccination (de mars à novembre 2020), lorsque le vaccin a été rendu disponible (de décembre 2020 à novembre 2021) et après l’arrivée du variant Omicron (de décembre 2021 à mars 2023).
Jusqu’à l'apparition d’Omicron au Canada à la fin de l’année 2021, le nombre de Canadiens infectés par le SRAS-CoV-2 est demeuré très bas. En juillet 2020, moins de 0,3 % des adultes canadiens avaient été exposés au virus. Le taux d’immunité acquise par infection a graduellement augmenté, pour atteindre 9 % en novembre 2021.
Selon l’un des auteurs de l’étude, le Dr Bruce Mazer, les données de séroprévalence montrent que les tests PCR ont somme toute bien estimé le nombre réel d’infections durant les premiers mois de la pandémie.
Initialement, on craignait de manquer beaucoup de cas asymptomatiques, mais on voit au début de la pandémie que les niveaux d’infections détectés par les tests PCR sont très près des données de séroprévalence
, observe cet immunologiste, professeur de l'Université McGill et directeur scientifique associé du Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19.
Les niveaux d’immunité ont toutefois augmenté en flèche dès l’arrivée du vaccin. Les Canadiens ont répondu merveilleusement à l’appel [de la vaccination]
, dit le Dr Mazer.
Puis, Omicron est venu complètement changer la situation.

Le variant Omicron du SARS-CoV-2, vu au microscope électronique.
Photo : NIAID
Rappelons d’abord que face à un nombre extrêmement élevé d’infections, les gouvernements ont rapidement abandonné l’usage des tests PCR à l’hiver 2022, puisqu’ils étaient incapables de suffire à la demande. Depuis, le nombre de cas rapportés est largement sous-estimé.
Les données en séroprévalence donnent ainsi une meilleure idée de ce qui s’est passé depuis l’arrivée d’Omicron, explique le Dr Mazer.
Le taux de séropositivité acquise par infection a augmenté de 6,4 % par mois entre le 15 décembre 2021 et juillet 2022. À la mi-juin 2022, la séropositivité induite par l’infection a atteint 47 %. Puis, à la fin avril 2023, le taux de séropositivité a atteint 79,5 %.
Malgré une couverture vaccinale élevée au Canada, les augmentations antérieures de la séropositivité due à l'infection ont été éclipsées par les infections causées par le variant Omicron. Les gens ont été infectés deux, trois fois. Donc, les niveaux d’immunité acquise par infection ont explosé en 2022.
Ainsi, avec autant d’infections et de vaccinations, le Dr Maker estime que la majorité des personnes au Canada ont désormais une immunité hybride (infection + vaccination) contre le SRAS-CoV-2.
En revanche, il précise qu’il y a des variations selon l’âge, la géographie, le groupe racial et la situation socioéconomique.
Par exemple, les taux d'immunité acquise par infection ont augmenté plus rapidement chez les jeunes adultes. Au printemps 2023, le taux de séropositivité était d’environ 80 % chez les adultes de moins de 25 ans, comparativement à 75 % chez les 25 à 39 ans, 70 % chez les 40 à 59 ans et 60 % chez les 60 ans et plus.
À la fin d’avril 2023, la séropositivité induite par l’infection s’est établie à 79,5 % dans les provinces de l’Ouest. En Ontario, elle était de 77,8 % et au Québec, de 80,6 %. Les provinces de l’Atlantique ont maintenu la séropositivité acquise par l’infection la plus faible au Canada pendant la majeure partie de la pandémie, notamment en raison des mesures strictes mises en place. Ce taux a augmenté avec Omicron, mais il demeure plus bas (71,2 %) que dans le reste du pays.
Le nombre d’infections commence à ralentir
Les niveaux d’immunité induite par l’infection ont atteint un plateau à la fin de 2022 et sont restés relativement élevés et stables jusqu’à tout récemment - entre 73 et 79,5 %.
Selon le Dr Mazer, cela est signe que le nombre de nouveaux cas est demeuré élevé tout au long du printemps 2023. Il y avait encore assez d’infections pour garder les taux [d’immunité conférée par l’infection] stables.
Par exemple, au Québec, l'Institut national de Santé publique du Québec estime (Nouvelle fenêtre) que depuis la dernière année, le nombre de nouveaux cas par semaine n'a jamais été sous la barre des 85 000 individus.
Ce n'est que dans les dernières semaines de juin que le Dr Mazer et son équipe ont observé une première légère baisse dans le taux de séropositivité acquise par l'infection (77,8 % au 30 juin), signe que la situation commence à s’améliorer.
Il prévient toutefois que ce taux risque de nouveau d’augmenter dans les prochaines semaines et mois, avec l’arrivée du nouveau variant Eris.
On ne sait pas exactement ce qui va se passer cet automne et cet hiver. Je pense qu’on risque d’avoir encore beaucoup d’infections
, dit-il, en ajoutant qu’il ne s’attend pas à une vague aussi importante que celle causée par Omicron.
L’immunité hybride ne garantit pas une immunité à long terme
Selon lui, la vaccination demeure importante. Et même si la vaccination ne prévient pas toutes les infections, elle limite les complications et les décès liés à la COVID-19 et réduit les risques de COVID longue, rappelle le Dr Mazer.
Avant la vaccination, nous avions moins d'infections, mais nous avions de hauts taux de mortalité. Maintenant, nous avons un plus haut taux d’infection, mais un plus bas taux de mortalité.
Si le gouvernement du Canada a émis ses recommandations concernant la campagne de vaccination contre la COVID-19 cet automne, les provinces n’ont pas encore indiqué quels groupes de personnes auraient accès au vaccin.
Est-ce que tous les Canadiens devraient aller chercher une nouvelle dose? Je pense que plus il y a de gens qui reçoivent une nouvelle dose, mieux c’est. Mais je sais que ce sera difficile de convaincre tout le monde.
L’immunité, soit celle conférée par la vaccination ou par une infection, diminue avec le temps, rappelle le Dr Mazer. L’immunité ne dure pas très longtemps dans le cas des coronavirus, contrairement à d’autres maladies comme la rougeole ou la variole.
C’est encore plus le cas chez les personnes vulnérables, comme les aînés, les personnes immunodéprimées ou les diabétiques. On doit s’assurer d’abord et avant tout que les personnes vulnérables reçoivent une dose.
Il ajoute que les personnes qui ne sont pas considérées à risque devront évaluer leur risque individuel. Vous n’avez pas eu de vaccin depuis six ou neuf mois? Vous travaillez auprès du public ou des enfants, ou vous pensez aller en voyage? Vous êtes un bon candidat pour recevoir une autre dose.
Moins de 6 % des Canadiens ont reçu une dose de vaccin contre la COVID-19 dans les six derniers mois.
L’équipe du Dr Mazer prévoit d’analyser les données de séroprévalence au moins jusqu’en mars 2024. Le chercheur espère que le gouvernement continuera de subventionner à long terme ces travaux collaboratifs.
Nous avons un système [de collecte de données] qui est prêt. Ça peut être utile non seulement si nous sommes confrontés à une nouvelle pandémie, mais aussi pour surveiller d’autres épidémies, comme celles du virus respiratoire syncitial (VRS) ou de la variole simienne.
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