La Cour supérieure du Québec s’autorise à examiner la légitimité de la GG Mary Simon
Sans succès, le procureur général du Canada a tenté de dire que seule la Cour fédérale pouvait se pencher sur une éventuelle révocation de la gouverneure générale. Au cœur de la poursuite : le niveau de français de Mme Simon.

Mary Simon occupe la fonction de gouverneure générale du Canada depuis maintenant plus de deux ans. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Mathieu Thériault
La Cour supérieure du Québec a tout à fait la compétence de se prononcer sur la validité de la nomination de la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, a statué la juge Catherine Piché dans une décision passée largement inaperçue en juin dernier.
Contrairement aux arguments soulevés par les avocats d'Ottawa, la cause ne relève pas exclusivement de la Cour fédérale, a-t-elle tranché, donnant ainsi raison aux instigateurs de la poursuite lancée pour obtenir la révocation de la représentante du roi Charles III au Canada.
Ces derniers aimeraient voir la nomination de Mme Simon invalidée parce qu'elle ne maîtrise pas le français, l'une des deux langues officielles du pays, et ont, à ce titre, demandé à la Cour supérieure du Québec de se pencher sur le dossier.
Pour contrecarrer l'initiative, les avocats du gouvernement fédéral avaient déposé une demande en exception déclinatoire
, une procédure visant à faire déclarer que la requête doit être entendue devant une autre instance.
Or, cette demande a été rejetée par la juge Piché dans un jugement de 15 pages rendu le 13 juin.
La cause pourra donc suivre son cours devant la Cour supérieure du Québec. Les procédures devraient reprendre à l'automne, selon l'avocat de la poursuite, Me François Boulianne.
Pour justifier leur demande, les avocats du procureur général du Canada citaient entre autres l'article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, qui prévoit que la Cour fédérale a compétence exclusive [...] pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral
.
Or, la gouverneure générale ne peut être considérée comme un office fédéral
, car elle a été nommée par la reine Élisabeth II – la prédécesseure de Charles III – et que la Couronne ne relève pas du gouvernement, a statué en substance la juge Piché.
Dans ce contexte, le tribunal est d'avis que le présent dossier est de la compétence de la Cour supérieure et que l'exception déclinatoire doit être rejetée
, a conclu la magistrate.
Les avocats du procureur général du Canada avaient 30 jours pour faire appel du jugement. Or, ils ne l'ont pas fait, a indiqué Me Boulianne, mardi.

Décédé le printemps dernier, l'ex-candidat à la chefferie péquiste Frédéric Bastien faisait partie des instigateurs de la poursuite. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson
La décision rendue par la juge Piché représente en quelque sorte une victoire posthume pour l'enseignant en histoire, auteur, chroniqueur et militant Frédéric Bastien, décédé le 16 mai dernier, quelques semaines avant la publication du jugement.
Cet ancien candidat à la chefferie du PQ, qui s'était incliné face à Paul St-Pierre Plamondon en 2020, faisait partie du groupe ayant demandé à la Cour supérieure de se pencher sur la question. La poursuite avait été déposée l'été dernier.
La cause devrait suivre son cours malgré le décès de M. Bastien. D'autres demandeurs sont impliqués, dont l'ex-député péquiste Étienne-Alexis Boucher, qui dirige aujourd'hui l'organisme Droits collectifs Québec.
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Les instigateurs de la poursuite, qui vise à rendre nulle, inapplicable et invalide
la nomination de Mary Simon, estiment que celle-ci contrevient aux dispositions linguistiques de la Charte canadienne des droits et libertés prévues aux articles 16(1) et 20(1).
Selon eux, le titulaire de la charge et de la fonction de gouverneur général du Canada est lié par les lois et coutumes du Canada qui prévoient que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et doit, en conséquence, pouvoir communiquer dans ces deux langues au moment de sa nomination
.
Or, Mary Simon ne parle pas français. Tout au plus a-t-elle promis de l'apprendre après avoir été nommée.

La gouverneure générale, Mary Simon, lors de son premier discours du Trône (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Inuk, Mme Simon, 75 ans, est devenue le 26 juillet 2021 la première gouverneure générale autochtone du Canada.
Parce qu'elle ne maîtrise pas le français, sa nomination avait soulevé l'indignation dans plusieurs communautés francophones, y compris au Québec.
Malgré de nombreuses plaintes, le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, n'en avait pas moins déterminé, à l'automne 2021, que la nomination de Mary Simon ne violait pas la Loi sur les langues officielles.