Toronto : les défis qui attendent la mairesse Olivia Chow

Olivia Chow doit prêter serment mercredi. Elle devient la 66e personne à diriger Toronto depuis 1834. Elle est également la première femme issue d'une minorité à occuper cette fonction.
Photo : CBC/Alex Lupul / Alex Lupul
Olivia Chow entre en poste le mercredi 12 juillet en tant que mairesse de Toronto. Elle promet de s'attaquer immédiatement à la violence et à la crise du logement. Mais entre les déboires financiers de la Ville et ses appuis pour le moins incertains au sein du conseil municipal, mettre son programme en œuvre ne sera pas simple, selon des experts.
Construire 25 000 logements abordables sur des terrains publics, améliorer les services quitte à hausser les impôts et les taxes : la vision d'Olivia Chow a séduit les électeurs. Toutefois, le premier obstacle pour la réaliser est évident aux yeux de plusieurs observateurs.
Redresser les finances de la Ville
Olivia Chow fait face à un véritable gouffre financier en prenant les commandes de la Ville. Les dépenses supplémentaires et les baisses de revenus liées à la COVID-19 ces dernières années ont laissé la Ville Reine avec près d'un milliard de dollars de déficit.
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Il lui faut donc trouver d'urgence un moyen de le combler, considère le politologue Peter Graefe.
Ses promesses en matière de logement, il va falloir de l'argent pour les réaliser. Même chose pour le transport en commun.
Rallier le conseil municipal
Pour s'y attaquer, Olivia Chow devra d'abord mettre les conseillers municipaux de son côté. Ce ne sera pas une mince tâche, selon M. Graefe. M. Tory n'était pas un homme de grands projets coûteux. Il n'avait pas un programme très audacieux
, et donc pas forcément clivant, dit-il. Ce sera un peu plus difficile pour Mme Chow.
La nouvelle mairesse a aussi promis de ne pas utiliser les pouvoirs de maires forts (Nouvelle fenêtre), qui lui permettraient de prendre des décisions sans l'appui de la majorité du conseil et donc de faire adopter plus facilement ses projets.
D'ailleurs, seuls cinq élus de ce conseil l'ont appuyée lors de la campagne à la mairie, contre huit pour sa principale adversaire Ana Bailão.
Plusieurs sont farouchement opposés à toute hausse d'impôts fonciers supérieure à l'inflation. Ces impôts fournissent actuellement environ 30 % des revenus municipaux.
C'est peut-être là qu'il va y avoir des difficultés à rallier le conseil exécutif, qui était en fin de compte assez proche de M. Tory et de son approche de ne pas augmenter les impôts fonciers
, analyse Peter Graefe.

Le conseil municipal de Toronto (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
La mairesse adjointe Jennifer McKelvie, qui a assuré l'intérim entre la démission de John Tory et la passation de pouvoirs de mercredi, fait partie des élus qui n'ont pas soutenu Mme Chow.
Elle reste toutefois diplomate à l'orée du virage politique que promet la nouvelle mairesse. Je suis certaine que nous trouverons des moyens de travailler ensemble pour faire avancer notre ville
, a-t-elle affirmé au micro de CBC mardi. Chaque conseiller veut ce qu'il y a de mieux pour la Ville. Je ne doute pas que nous continuerons à parvenir à un consensus.
Le jeu, toutefois, pourrait en valoir la chandelle.
Si elle trouve une manière de rallier ces gens-là, je crois qu'elle pourra aller chercher la majorité au conseil municipal parce qu'elle aura la capacité de ratisser plus large
, reprend Peter Graefe.
Négocier avec la province et Ottawa
Pour affronter les soucis financiers, la crise du logement ou même les problèmes des transports en commun, Olivia Chow devra également entretenir de bonnes relations avec les autres ordres de gouvernement afin d'obtenir des transferts d'argent.
L'ancien conseiller municipal Adam Vaughan pense que ce ne sera pas le moindre de ses défis.
Elle doit donc conclure un nouvel accord avec Ottawa et la province, et ce nouvel accord doit porter sur des domaines d'intérêt commun. Le logement est le plus important. Donc, elle doit décider si elle veut passer son temps à attaquer [Justin Trudeau et Doug Ford pour leur manque de soutien] ou trouver un moyen de travailler avec eux.
L'ancien conseiller estime que c'est une bonne chose qu'Olivia Chow, qu'il connaît personnellement, semble plus portée vers la deuxième option. Historiquement, elle a été très douée pour conclure ce genre d'ententes
, et ce, avec des politiciens de tous horizons, convient-il.
D'ailleurs, après l'avoir fustigée pendant les élections, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a déjà adouci le ton et promis de coopérer pour le bien de Toronto.
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Vaincre les préjugés
Pour Adam Vaughan, une chose est claire : Olivia Chow vient peut-être de gagner l'élection, mais son opération séduction est loin d'être terminée. Le fait d'être une femme, d'une part, et racisée, d'autre part, est une nouveauté dans ce poste.
Elle va avoir des défis, c'est certain
, assure la sénatrice et ex-mairesse de Cornwall, Bernadette Clement. J'en ai vécu moi aussi, en tant que première femme noire mairesse en Ontario.
On a des fois des approches différentes. On peut se faire critiquer pour des choses pour lesquelles nos collègues masculins ne se font pas critiquer.
Mme Clement demeure toutefois optimiste quant à la capacité de Mme Chow de connaître du succès à la tête de la métropole.
C'est dans ce rôle qu'on se sent inspirée. On ne veut pas être la dernière femme racisée dans ce rôle-là, donc on va faire de notre mieux
, affirme-t-elle.
Avec les informations de Mirna Djukic