Des Wet’suwet’en saisissent la Commission interaméricaine des droits de l’homme

Le gazoduc permettra de transporter du gaz naturel sur 670 km entre Dawson Creek et Kitimat, dans le nord de la Colombie-Britannique.
Photo : Layla Staats
Sur fond de vives tensions liées au gazoduc Coastal GasLink, en Colombie-Britannique, des Wet’suwet’en ont dénoncé la violation de leurs droits, l'intimidation et la surveillance qu'ils disent subir « au quotidien » sur leur territoire traditionnel, devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
Nous ne manifestons pas, nous protégeons [notre territoire]
, a soutenu le chef héréditaire Na'moks de la Nation Wet’suwet’en, lors d’une première journée d’audience virtuelle, devant cette commission de l'Organisation des États américains, qui veille au respecter des droits de la personne dans les Amériques.
Depuis 2019, les chefs héréditaires de la Première Nation s’opposent au projet de construction de gazoduc qui traverse les terres non cédées de la communauté. De nombreux Autochtones ont été arrêtés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) lors de manifestations contre ce projet de la compagnie TC Énergie.

Molly Wickham, aussi appelée Sleydo, l'une des plus importantes figures de la lutte des Wet'suwet'en contre le pipeline de Coastal GasLink.
Photo : Radio-Canada / Mia Sheldon
Lundi, la porte-parole du point de contrôle Gidimt'en, Sleydo, a dénoncé l’omniprésence de la GRC et de son Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie dans la région.
Que suis-je censée dire à mes enfants, lorsque l’on m’envoie en prison parce que je respecte nos lois et je veux préserver leur futur?
Qu’est-ce que cela veut dire pour le Canada aux yeux du monde entier? Que rien n’a changé après 150 années de génocide contre notre peuple.
À lire aussi :
En 2022, des Wet’suwe’ten ont lancé un appel à l'aide à l'Organisation des Nations unies contre ce qu’ils considèrent être des violations perpétuelles
de leur territoire de la part des gouvernements fédéral et provincial.
On parle d’environnement et de changement climatique. Nous sommes en première ligne, et regardez comment nous sommes traités. Comment nos femmes sont traitées, parce qu’elles font ce qu’il faut faire
, a dénoncé le chef héréditaire Na’moks, devant la Commission.
C’est notre devoir de protéger ce territoire.

Le chef héréditaire Na’moks (John Ridsdale) de la Nation Wet'suwet'en.
Photo : Radio-Canada / Camille Vernet
Nous sommes les décideurs sur notre territoire
Le chef héréditaire Na’moks a également dénoncé les accords de bénéfices que la compagnie et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont signés avec le conseil de bande de la Première Nation, un système de gouvernance dans les réserves autochtones introduit par la Loi sur les Indiens de 1876.
Seuls les chefs héréditaires peuvent consentir à de tels projets, selon le chef Na’moks. Le conseil de bande n’a juridiction que sur le territoire de la réserve, tout comme les municipalités
, et non à l’échelle du territoire traditionnel revendiqué, selon lui.
Le chef Na’moks soutient que l'arrêt Delgamuukw, de 1997, a permis aux chefs héréditaires de la Première Nation de s'affirmer comme gouvernement de la communauté. Nous sommes les décideurs sur notre territoire.

Les chefs héréditaires de Wet'suwet'en Rob Alfred, John Ridsdale et Antoinette Austin, qui s'opposent au pipeline Coastal GasLink, participent à un rassemblement à Smithers, en Colombie-Britannique.
Photo : La Presse canadienne / Jason Franson
Des problématiques complexes
pour le Canada
Hugh Adsett, ambassadeur du Canada à l’Organisation des États américains, a assuré que le Canada prend bonne note des allégations des Wet’suwet’en. Il souligne que des problématiques complexes
ont été mises en évidence par les requérants, devant la Commission.
Le Canada travaille avec les communautés autochtones, incluant les Wet’suwet’en, pour reconnaître l’autodétermination de ces peuples, a-t-il assuré. À l’issue de ce dialogue, il dit espérer que toutes les parties auront une meilleure compréhension de la situation.
Pour sa part, Colette Lelièvre, responsable des campagnes et des actions chez Amnistie internationale pour le Canada francophone, déplore qu’un seul ambassadeur ait été présent pour représenter le Canada à la Commission : Il n’était même pas préparé, il n’a dit que des généralités, ça nous indique que le Canada ne veut pas vraiment prêter attention à cette situation.

Des Wet'suwe'ten dénoncent la construction du pipeline Coastal GasLink
Photo : Radio-Canada / Craig Ryan
Une réputation en jeu?
À l’issue des audiences lundi, la Commission s’est entendue pour envoyer une lettre au gouvernement canadien afin de lui demander des réponses précises sur des points clefs du dossier, comme l’explique Colette Lelièvre.
Si le gouvernement n’y répond pas sérieusement, la réputation du Canada pourrait en pâtir, selon elle.
À l'échelle internationale, peut-être que l'on verra le Canada d’un autre œil. Comme d'un pays qui parle beaucoup, qui dit qu’il respecte les communautés autochtones, mais en fait, ne le fait pas du tout.
D’après la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (Nouvelle fenêtre), qui a été adoptée en Colombie-Britannique et par le fédéral, les États doivent avoir le consentement des peuples autochtones concernés, pour tout projet ayant des incidences sur leurs terres, notamment en termes d’exploitation de ressources naturelles.
Au moment de publier cet article, la GRC n'avait pas répondu à la demande de commentaire de Radio-Canada face à ces allégations.
Avec des informations de l'émission de radio Panorama