2000 manifestants contre les violences policières à Paris, malgré l’interdiction

De nombreuses personnes se sont réunies sur la place de la République, à Paris, pour dénoncer les violences policières le 8 juillet 2023.
Photo : AFP / BERTRAND GUAY
Au moins 2000 personnes se sont rassemblées samedi à Paris contre les violences policières, malgré une interdiction des autorités, et d'autres se sont mobilisées ailleurs en France pour exprimer leur « colère » après la mort d'un adolescent lors d'un contrôle routier, catalyseur de plusieurs nuits d'émeutes dans le pays.
Au total, 5900 personnes ont défilé dans le pays, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
À Paris, les manifestants se sont massés dans le calme sur la place de la République, une des plus grandes de la capitale, en mémoire d'Adama Traoré, un jeune homme décédé peu après son interpellation par des gendarmes en juillet 2016.
Cette manifestation avait pourtant été interdite dans la matinée par la préfecture de police, qui avait mis en avant des risques de troubles à l'ordre public
et une pénurie de forces de l'ordre, mobilisées par les émeutes, pour sécuriser le cortège.

La militante Assa Traoré
Photo : AFP / BERTRAND GUAY
Assa Traoré, sœur d'Adama devenue depuis la mort de ce dernier une figure du combat contre les violences policières, a pris la parole sur un banc de la place de la République devant plusieurs élus du parti d'opposition La France insoumise
(LFI) et entourée d'un imposant dispositif des forces de l'ordre.
On marche pour la jeunesse, pour dénoncer les violences policières. On veut cacher nos morts. La France ne peut pas donner des leçons de morale. Sa police est raciste, sa police est violente.
Le gouvernement a décidé de mettre de l'huile sur le feu
et de ne pas respecter la mort de mon petit frère
, a ajouté Mme Traoré. Une enquête a été ouverte contre elle pour l'organisation de ce rassemblement.
Assa Traoré a ensuite demandé aux manifestants, qui scandaient notamment Justice pour Nahel
, de se disperser sans violence
. La majorité d'entre eux étaient partis vers 16 h 30, heure locale.
Deux personnes ont été interpellées, dont le frère d'Assa Traoré, Youssouf.
Il a été placé en garde à vue pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion, a indiqué le parquet de Paris à l'Agence France-Presse (AFP). Selon une source proche du dossier, il est accusé d'avoir porté un coup
à une commissaire de police.
Plusieurs journalistes ont par ailleurs dénoncé sur les réseaux sociaux, preuves en images à l'appui, avoir été violemment repoussés par des policiers en couvrant ces interpellations.
Plusieurs journalistes ont par ailleurs dénoncé sur les réseaux sociaux, preuves en images à l'appui, avoir été violemment repoussés par des policiers en couvrant ces interpellations.

Des policiers antiémeute montent la garde à la gare de l'Est, à Paris, le 8 juillet 2023.
Photo : AFP / BERTRAND GUAY
La mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier le 27 juin à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris, a été le point de départ de cinq nuits consécutives de violences urbaines en région parisienne et dans plusieurs villes de France.
Une trentaine de manifestations
Les violences urbaines qui ont suivi, sans précédent depuis 2005, ont jeté une lumière crue sur les maux de la société française, des difficultés des quartiers populaires aux relations houleuses entre jeunes et forces de l'ordre.
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Une trentaine d'autres manifestations contre les violences policières ont été répertoriées en France, de Paris à Marseille et de Nantes à Strasbourg. Le rassemblement prévu à Lille a quant à lui été interdit.
À Strasbourg, ils étaient environ 400, selon une journaliste de l'AFP. Ça suffit, les coups de fusil, les LBD [lanceurs de balles en caoutchouc, utilisés pour disperser des manifestations et accusés de causer de graves blessures, NDLR]. On a besoin de policiers de proximité
, y a déclaré Geneviève Manka, une retraitée.

Un imposant dispositif policier a été déployé dans les rues de Paris lors de la «Marche pour Adama Traoré».
Photo : AFP / BERTRAND GUAY
Au total, près d'une centaine d'associations, de syndicats et de partis politiques classés à gauche avaient appelé à des marches citoyennes
pour exprimer leur deuil et [leur] colère
et pour dénoncer des politiques jugées discriminatoires
contre les quartiers populaires.
Ces organisations demandent notamment une réforme en profondeur de la police, de ses techniques d'intervention et de son armement
.
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait critiqué vendredi les appels d'organisations dont la seule proposition
est selon lui d'appeler à manifester [...] samedi dans les grandes villes qui ne se sont pas encore remises des saccages
. Il a particulièrement pointé du doigt la responsabilité des élus, dont ceux de La France insoumise
.

Le porte-parole du gouvernement français, Olivier Véran (Photo d'archives)
Photo : AFP / JULIEN DE ROSA
Samedi, le Quai d'Orsay a fortement réagi aux critiques d'un comité d'experts des Nations unies (ONU) qui avait lourdement critiqué la gestion des émeutes par les forces de l'ordre, réclamant notamment l'interdiction du profilage racial
.
La France conteste des propos qu'elle juge excessifs
et infondés
, a répondu le ministère des Affaires étrangères, soulignant notamment que la lutte contre les dérives de contrôles dits "au faciès" [s'était] intensifiée
.
Samedi en début de soirée, la première ministre Élisabeth Borne a promis des moyens massifs pour protéger les Français
lors de la fête nationale du 14 juillet. Elle a notamment annoncé l'interdiction de la vente aux particuliers de feux d'artifice, avec lesquels des émeutiers visent parfois les forces de l'ordre, afin d'empêcher de nouvelles violences ce week-end-là.
Depuis le 27 juin, plus de 3700 personnes ont été placées en garde à vue en rapport avec les émeutes, dont quelque 1160 mineurs, selon des chiffres du ministère de la Justice, qui a fait état vendredi de près de 400 incarcérations.