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La livraison de bombes à sous-munitions aux Ukrainiens, source d’embarras pour Ottawa

Un homme tient une petite bombe dans sa main.

Un militaire exhibe une sous-munition non explosée retrouvée à Kharkiv, en Ukraine, à la suite d'un bombardement russe.

Photo : Reuters / CLODAGH KILCOYNE

Radio-Canada

La décision des États-Unis de livrer des armes à sous-munitions aux forces ukrainiennes pourrait mettre le Canada et d'autres pays dans l'embarras en raison de la convention internationale qui bannit l’usage de ces armes.

Cette décision suscite l'indignation des groupes humanitaires qui s'opposent depuis longtemps à l'utilisation de ce type d’armes en raison notamment des nombreux dispositifs non explosés que laissent ces munitions au sol après leur usage.

Qu'est-ce qu'une arme à sous-munitions?

Connue sous le nom de cluster bomb en anglais, l’arme à sous-munition, lorsqu’elle est larguée, s’ouvre pendant sa descente en libérant un nuage de petites bombes qui explosent en grappes au contact du sol, permettant d’étendre les dégâts sur une plus grande superficie qu’une bombe classique.

Ces bombes sont conçues pour détruire des chars, des équipements, des pistes d’atterrissage ainsi que des troupes, en frappant plusieurs cibles à la fois.

Guerre en Ukraine

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Un véhicule blindé est en feu, un corps gît dans la rue.

Ces munitions peuvent être larguées par avion, mais aussi être tirées par des missiles ou encore des pièces d’artillerie conventionnelles. Les munitions du type que les États-Unis prévoient livrer à Kiev peuvent être tirées par les obusiers de 155 millimètres livrés par l’OTAN ces derniers mois aux Ukrainiens.

Des hommes placent des sacs de sable autour de petites bombes disposées dans un trou dans le sol.

Des artificiers s'apprêtent à détruire des sous-munitions non explosées dans la ville d'Idlib, en Syrie. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Khalil Ashawi

Qu'est-ce que le taux de ratés, et pourquoi est-il important?

Le taux de ratés fait référence au pourcentage d'obus non explosés. Dans les conflits précédents, les armes à sous-munitions ont eu un taux de ratés élevé, ce qui signifie que des milliers de bombes non explosées sont restées sur place et ont tué ou ont mutilé des civils parfois des années après le conflit.

On a pu constater récemment les effets de ces bombes résiduelles en Syrie et au Yémen. Ces petites bombes, parfois grosses comme des balles de baseball, peuvent encore exploser des décennies plus tard, comme on le voit dans certaines parties de l'Asie du Sud-Est, où des personnes sont encore tuées aujourd'hui par des explosifs datant de la guerre du Vietnam.

Un jeune Cambodgien, amputé d'une jambe, se tient debout grâce à des béquilles à côté d'une pancarte avertissant de la présence de mines.

Un jeune Cambodgien mutilé par une mine antipersonnel.

Photo : Peter Charlesworth

Une loi américaine de 2009 interdit pourtant les exportations d'armes à sous-munitions dont le taux de défaillance est supérieur à 1 %, mais le président des États-Unis peut déroger à cette interdiction.

Le général de brigade Pat Ryder, du Pentagone, a assuré jeudi que les armes que Washington envisage de fournir à Kiev n'incluraient pas les anciennes variantes dont le taux de non-explosion est supérieur à 2,35 %.

Entrée en vigueur en 2010, la Convention sur les armes à sous-munitions regroupe aujourd’hui plus de 120 pays signataires. Rédigé à Dublin en 2008, le traité interdit l’utilisation, le développement, la fabrication, l’acquisition, le stockage et le transfert de toutes les armes à sous-munitions.

Les États-Unis, la Chine, l’Inde, l’Ukraine et la Russie, entre autres, avaient refusé d’y adhérer.

Où se situe le Canada par rapport à ces armes?

Le Canada se considère comme un chef de file dans le monde pour interdire ou limiter l’usage d’armes telles que les mines terrestres et les armes à sous-munitions.

Le gouvernement canadien a contribué à lancer un mouvement qui a conduit plus de 100 pays à signer le traité d'Ottawa sur les mines antipersonnel en décembre 1997, et des dizaines d'autres l'ont rejoint dans les années qui ont suivi.

Le Canada fait également partie des deux tiers des pays de l'OTAN signataires de la convention de 2010 sur les armes à sous-munitions, qui interdit l'utilisation, la production et le stockage de ces armes.

Quelques jours après le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, la mission du Canada auprès des Nations unies à Genève s'est dite préoccupée par les allégations selon lesquelles la Russie utilisait des armes à sous-munitions, faisant des victimes civiles.

Le Canada vante par ailleurs depuis longtemps ses efforts pour aider à déminer les pays qui ont connu la guerre. Ottawa a notamment annoncé il y a quelques mois une initiative pour soutenir des projets de déminage au Cambodge et au Laos.

Nous ne soutenons pas l'utilisation des armes à sous-munitions et nous nous engageons à mettre fin aux effets de ces armes sur les civils, en particulier les enfants. Le Canada respecte pleinement la Convention et nous prenons au sérieux l'obligation qui nous incombe en vertu de la Convention d'encourager son adoption universelle, a réagi par écrit la porte-parole du Bureau de la ministre des Affaires étrangères, Emily Williams.

Pourquoi les utiliser maintenant?

L’une des raisons pour lesquelles les États-Unis veulent commencer à livrer ce type d’armes aux Ukrainiens concerne la baisse rapide des réserves de munitions américaines.

Un soldat se bouche les oreilles alors qu'un canon tire.

Des artilleurs ukrainiens tirent sur des positions russes avec un canon français César près d'Avdiivka.

Photo : Reuters / VIACHESLAV RATYNSKYI

Depuis plus d'un an, les États-Unis puisent dans leurs propres stocks de munitions pour soutenir les forces ukrainiennes. Plus de deux millions d’obus traditionnels de 155 mm ont été envoyés par Washington. Leurs alliés, dont le Canada, en ont fourni des centaines de milliers d'autres.

Au printemps, Yehor Cherniev, un membre du Parlement ukrainien, estimait entre 7000 et 9000 le nombre d’obus que prévoit tirer chaque jour l’artillerie ukrainienne lors de sa contre-offensive, ce qui exerce une pression considérable sur les stocks de munitions des États-Unis et de leurs alliés.

Les États-Unis n'ont pas utilisé d’armes à sous-munitions dans un conflit depuis le début du siècle, en Irak, et ils en possèdent de grandes quantités, prêtes à être utilisées en Ukraine. Dans une lettre adressée en mars 2023 par les républicains du Congrès à l'administration Biden, on estime que jusqu’à trois millions d'armes à sous-munitions sont disponibles dans les arsenaux du pays.

Qu'en est-il sur le champ de bataille?

Le général américain Mark Milley, président de l'état-major interarmées, a déclaré la semaine dernière que les troupes russes utilisent régulièrement des armes à sous-munitions sur le champ de bataille en Ukraine. L’officier ajoutait que les forces ukrainiennes avaient aussi reçu des bombes à sous-munitions de la part d'autres alliés et qu’elles avaient déployé ces armes.

Au cours des premiers jours de la guerre, Human Rights Watch a cité des exemples répétés de bombardements russes, notamment près d'une école maternelle dans la ville d'Okhtyrka, dans le nord-est du pays. Le groupe de renseignement Bellingcat avait pour sa part déclaré que ses chercheurs avaient retrouvé des bombes à sous-munitions lors de cette frappe, ainsi que lors de multiples attaques menées à Kharkiv, la deuxième ville d’importance en Ukraine.

Leur utilisation constitue-t-elle un crime de guerre?

L'utilisation de bombes à sous-munitions ne constitue pas en soi une violation du droit international, mais leur usage contre des civils peut constituer une violation. Comme pour toute frappe, pour déterminer s'il s'agit d'un crime de guerre, il faut examiner si la cible était légitime et si des précautions ont été prises pour éviter les pertes civiles.

La partie du droit international où cela commence à jouer un rôle concerne des attaques menées à l’aveugle contre des civils, a déclaré Mark Hiznay, directeur associé de Human Rights Watch pour les armes. Ce n'est donc pas nécessairement lié aux types d’armes, mais à la manière dont elles sont utilisées, précise-t-il.

Avec les informations de CBC News et de Reuters

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