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L’avenir de la crevette nordique s’assombrit

Les pêcheurs s'apprêtent à décharger le premier arrivage de crevettes au quai de Sept-Îles au matin de Pâques 2018.

Les stocks de crevettes sont à ce point en déclin qu’une fermeture de la pêche est envisagée. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Alix-Anne Turcotti

Rien n’est décidé, mais le déclin de la ressource pourrait amener le ministère Pêches et Océans Canada (MPO) à fermer partiellement ou complètement la pêche à la crevette nordique dans le golfe à la prochaine saison.

Cette perspective est actuellement en discussion, confirme Antoine Rivierre de la gestion des pêches au MPO, même s’il est encore trop tôt pour se prononcer sur le niveau des prélèvements qui sera recommandé. Est-ce que ça va être une fermeture complète? Est-ce que ça sera une fermeture dans certaines zones? On va vraiment attendre les données de la pêche et les données du relevé 2023, indique-t-il.

Depuis le printemps, les taux de capture dans les zones Sept-Îles et Anticosti, où se pêchent près de 90 % de la crevette du Québec, sont environ à 50 % de ce qu’ils étaient l’an dernier, selon les données relevées par l’Office des pêcheurs de crevette du Québec.

Des crevettes rosées dans un bac de transport.

Même si les crevettiers font des voyages plus longs, ils reviennent avec des cargaisons moindres. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Nicolas Lachapelle

En raison de son déclin depuis une quinzaine d’années, la crevette était déjà sous haute surveillance. Des rencontres étaient planifiées avec l’industrie au printemps. La gestion des pêches du MPO a pris le pouls de la situation au début de juin et les débarquements sont surveillés très étroitement.

C’est une pêche qui est importante pour de nombreuses régions maritimes et on prend vraiment ce dossier très au sérieux. C’est notre priorité.

Une citation de Antoine Rivierre, responsable de la gestion des pêches du MPO

Il indique que le ministère aimerait regrouper tous les intervenants du secteur ainsi que les responsables des gouvernements provinciaux autour d’une même table afin d’analyser les avenues possibles et le soutien éventuel à accorder à l’industrie. On aimerait agir un peu comme facilitateur, mentionne le gestionnaire.

Pour le biologiste à l'évaluation des stocks au MPO, Hugo Bourdages, le faible taux de capture de la présente saison n’est pas vraiment une surprise.

Selon les dernières évaluations, le stock de crevettes nordiques était l’un des plus faibles dans trois des quatre zones de pêche, soit Anticosti, Sept-Îles et Esquiman. En 2022, on atteignait la valeur la plus faible depuis 1990, relève le scientifique du MPO.

Depuis 2010, les quotas sont en baisse.

Hugo Bourdages rappelle que les biologistes ont largement documenté depuis 2010 une diminution de l’abondance et de l’aire de répartition de la crevette. On voyait des signaux inquiétants, mais les pêcheurs, à travers ces changements dans les dernières années, étaient capables de maintenir les rendements, même si leur rendement quand même diminuait. Mais tout ça a une limite, ajoute-t-il. À la lumière de la diminution des captures, cette limite semble atteinte, selon le biologiste.

Nos avis scientifiques indiquaient que le stock était en déclin et la tendance était claire depuis plusieurs années.

Une citation de Hugo Bourdages, biologiste à l’évaluation des stocks au MPO

Les causes du déclin sont aussi bien connues. La température de l’eau en est une. La crevette nordique, son nom le dit, aime l’eau froide et le golfe se réchauffe. Normalement, la crevette nordique à l’échelle de l’Atlantique canadien, ce sont des stocks qui se distribuent dans des eaux entre 1 °C et 6 °C. Nos stocks maintenant font face à des températures de plus de 6 °C, parfois plus de 7 °C, révèle Hugo Bourdages.

À quand la pêche au sébaste?

Il est devenu difficile de parler de la pêche à la crevette sans parler du sébaste, car ce poisson est un prédateur de la crevette de plus en plus important.

Un seau bleu plein de sébastes.

Les stocks de sébastes se sont effondrés au début des années 1990, ce qui a forcé le MPO à imposer un moratoire sur la pêche dans le golfe en 1995. Le moratoire est toujours en vigueur, même si le sébaste effectue un retour en force. (Photo d'archives)

Photo : iStock

D’une biomasse estimée à 100 000 tonnes, il y a 10 ans, le sébaste est passé à trois millions de tonnes à la dernière évaluation des stocks en 2022.

C’est une progression rapide de la population, mais aussi de la prédation de la crevette par le sébaste, explique Hugo Bourdages.

La situation serait d’ailleurs moins catastrophique dans la plus petite zone de pêche, celle de l’estuaire, où la crevette échappe à la prédation du sébaste. Dans l’estuaire, la crevette semble aussi s’être déplacée dans des eaux moins profondes, mais plus froides.

On est vraiment dans une situation de changement dans le golfe du Saint-Laurent. Le golfe se réchauffe, ça se voit dans les espèces.

Une citation de Hugo Bourdages, biologiste à l’évaluation des stocks au MPO

Le biologiste estime qu’il est difficile d’estimer la quantité de crevettes que mange le poisson rouge. Il y a trop d’incertitudes, dit-il. Lui-même admet avoir avancé le chiffre de 187 000 tonnes de crevettes prélevées par la prédation dans un de ses rapports. Toutefois, explique-t-il, c’était une extrapolation réalisée à partir d’un relevé réalisé en août. On a une image du repas pris en août. Le sébaste se déplace, n’est pas aux mêmes endroits l’été que l’hiver. C’est probablement surestimé.

L’ouverture de la pêche au sébaste est tout de même attendue avec de plus en plus d’impatience par l’industrie de la crevette, car la pêche au chalut pourrait devenir une source de revenus complémentaires pour la flottille, outre le fait que le sébaste est un prédateur important de la crevette.

Pour le moment, le sébaste fait toujours l'objet d'une pêche expérimentale. Cette année, un prélèvement de 7000 tonnes sera autorisé. Scientifiquement, rien n’empêche une réouverture, croit Hugo Bourdages.

D’ailleurs, sans s’avancer sur ce que sera l’avenir de la pêche à la crevette dans le golfe, le biologiste estime que l’industrie de la pêche devra devenir plus polyvalente. Il va falloir que les pêcheurs puissent exploiter les espèces qui vont bien, au moment où ces espèces vont bien; et quand les espèces vont moins bien, il va falloir les protéger, met de l'avant le biologiste.

Les décisions quant aux prélèvements autorisés de crevettes se prennent normalement à l’hiver, à la suite des recommandations de la gestion des pêches en février. L’annonce ministérielle se fait en mars pour une saison qui débute en avril.

Dans un contexte où l’avenir de la pêche est incertain, l'industrie de la pêche juge que la décision pourrait arriver tard, d’autant plus que les flottilles et les usines profitent souvent de l’hiver pour préparer la saison suivante.

Le MPO se dit conscient, assure Antoine Rivierre. Considérant le contexte un peu particulier en ce moment et la situation presque de crise, on peut difficilement attendre pour annoncer des mesures positives ou négatives tard au printemps, avoue-t-il. Les pêcheurs sont déjà très inquiets, donc on est en discussion avec l’industrie pour évaluer justement quelle serait la date.

Sans s’engager formellement, le MPO vise une décision d’ici la fin de l’année, ajoute le gestionnaire.

Une prochaine rencontre entre l’industrie et le MPO est prévue pour le 20 juillet.

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