La sculptrice Rose-Aimée Bélanger meurt à 100 ans

Rose-Aimée Bélanger
Photo : Radio-Canada / Yvon Thériault
Le Nord de l’Ontario vient de perdre l’une de ses plus grandes sculptrices. Rose-Aimée Bélanger a quitté ce monde le dimanche 12 novembre, entourée de ses proches, peut-on lire sur la page Facebook de l'artiste, qui avait célébré son centenaire en juillet. La nouvelle a aussi été confirmée à Radio-Canada par son fils Pierre.
En près de 40 ans de carrière, Rose-Aimée Bélanger aura fait sa marque en reproduisant des moments simples de la vie, avec ses rondes
, comme elle les appelait.
Il ne faut pas dire des grasses ou des grosses, c’est cette forme-là. J’exagère beaucoup pour montrer de la tendresse, de la volupté
, disait Rose-Aimée dans l’une de ses rares présences médiatiques, à Radio-Canada, en 2007.

« La femme aux chocolats », l'une des sculptures de bronze les plus admirées par le grand public, se retrouve au Musée d'art de Rouyn-Noranda.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
Je parle avec les formes, alors si elle te dit de quoi, ma ronde, bien j’ai réussi
, a-t-elle expliqué au micro d’Éric Robitaille.
Sa signature se fera en immortalisant des scènes du quotidien : l’appréciation du moment présent, le bonheur de vivre sans complexe, un appétit assumé pour les petits et grands plaisirs comme l’amour, la gourmandise ou encore l’apaisement.

Sa plus récente œuvre a été dévoilée le jour de son 100e anniversaire.
Photo : Radio-Canada / Avec la permission de Jean Bélanger
Ça parle à l’âme, ce n’est pas un travail qui est cérébral, c’est un travail qui fait du bien. C’est pour ça que ça touche les gens de partout
, a raconté Lyne Parent, propriétaire de la Galerie Blanche, à Montréal.
En 2006, l’installation d’une des œuvres de l'artiste dans l’espace public la fera connaître d'un plus large public. Cette sculpture nommée Les chuchoteuses se trouve à l’angle des rues Saint-Paul et Saint-Dizier, dans le Vieux-Montréal.

Chez ses « rondes », comme elle les appelait, l’émotion passe par le regard.
Photo : Avec la permission de Jean Bélanger
Il y a une clientèle qui vient de partout dans le monde, il y a beaucoup d’étrangers qui visitent le quartier, que ce soit en vacances ou encore lors de congrès mondiaux
, ajoute Lyne Parent, la galeriste qui la représente.
À l’occasion du 375e anniversaire de Montréal, La Presse a dressé le palmarès des créations artistiques coup de cœur du public. L’œuvre de Rose-Aimée Bélanger se trouvait parmi les plus souvent citées par les lecteurs.
Maintenant, elle a des clients partout dans le monde, Rose-Aimée
, précise Lyne Parent en énumérant une dizaine de pays où des collectionneurs privés ont acheté ses sculptures.
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Ce n’est qu’au début des années 2000, à l’âge de 77 ans, que Rose-Aimée Bélanger est à l’apogée de sa créativité. Une passion pour l’art qui dormait en elle depuis sa tendre enfance.
À l’âge de 19 ans, elle est acceptée à l’École des Beaux-Arts, à Montréal, mais sa famille la dissuade d'y étudier.
Je voulais aller à l’École des Beaux-Arts à tout prix, puis mes parents ne voulaient pas. Dans ce temps-là, on obéissait. Pour plaire, je m’étais enrôlée en sciences sociales
, a-t-elle raconté en entrevue.

Rose-Aimée Bélanger
Photo : Radio-Canada / Yvon Thériault
Elle suit ses cours à l’Université de Montréal, à 700 kilomètres de son Abitibi natale. Une fois dans la métropole québécoise, elle entreprend en catimini des cours de soir au Musée des beaux-arts de Montréal.
Mon idée, c’était de lâcher, laisser aller l’autre [cours]
, précise-t-elle, mais Laurent Bélanger, un homme qu’elle a côtoyé à 15 ans, viendra la courtiser à Montréal.
Quelques mois plus tard, Rose-Aimée l'épousera. Au cours des années, elle donnera naissance à neuf enfants dans le Nord de l’Ontario.
Rose-Aimée a vécu selon les attentes de son époque [...] Son mari c’est un homme d’affaires qui fait plein de choses. Rose-Aimée élève pas mal ses enfants toute seule parce que Laurent est très occupé
, raconte sa biographe, Danielle Carrière-Paris.
À l’âge de 46 ans, après avoir consacré toute son énergie à son rôle d’épouse, de mère et de partenaire dans les entreprises familiales, Rose-Aimée se lance de nouveau dans l’exploration artistique.
Elle suit un cours de modelage d'argile auprès de sa belle-fille, Claude Papineau-Couture, qui œuvrait au sein de la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario.

Ses petites sculptures de grès illustrent les travaux de recherche de posture menés par Rose-Aimée Bélanger.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
S’amorce une période d'une trentaine d'années où elle explore son style dans l’atelier de sa demeure, à Earlton.
Son essor sera fulgurant après avoir développé ses rondes
, sa marque de commerce.
Dans une entrevue à l'émission Le matin du Nord, son fils Pierre Bélanger estime que la vie de sa mère aurait été différente si elle avait amorcé son art plus tôt dans sa vie.
Je crois qu'elle aurait la reconnaissance et le profil qu'elle devrait avoir pour la qualité de ses oeuvres. Je crois que malheureusement elle va avoir une reconnaissance posthume
, a-t-il déclaré.
Depuis la parution de sa biographie et la première rétrospective de ses sculptures de grès et de bronze au Musée d’art de Rouyn-Noranda, en 2022, son travail est de plus en plus reconnu à l'échelle du pays.