Les Guatémaltèques élisent leur président sans se faire d’illusions

Des accusations de fraude et de corruption planaient durant la campagne électorale au Guatemala.
Photo : Getty Images / AFP/JOHAN ORDONEZ
Les Guatémaltèques ont voté dimanche pour désigner leur président. La journée s'est généralement déroulée dans le calme, mais des incidents ont éclaté dans deux localités de la banlieue de la capitale sur fond d'accusations de fraude et d'achats de vote.
Trois favoris, dont une dirigeante des peuples autochtones mayas, ont été écartés de la compétition et les Guatémaltèques ne se font guère d'illusions sur la possibilité de changer la réalité de leur pays en proie à la corruption, à la misère et à la violence des bandes criminelles.
Des affrontements ont opposé dimanche matin la police et des électeurs de deux localités de la banlieue de la capitale, Guatemala, qui dénonçaient des tentatives de fraude électorale.
Nous avons décidé de fermer les bureaux de vote
de San José del Golfo, a déclaré lors d'une conférence de presse le président du conseil électoral du département de la capitale, Alvaro Bravo.
Le calme est revenu après que la police a fait usage de gaz lacrymogène, et que 11 personnes ont été arrêtées à San Martin Zapotitlan, une ville située au nord-ouest de Guatemala.

Le président guatémaltèque sortant, Alejandro Giammattei, en 2020. (Photo d'archives)
Photo : Reuters / Luis Echeverria
Des achats de vote
vivement critiqués
Selon des dirigeants de l'opposition, les incidents ont éclaté dans les deux localités lorsque des habitants ont dénoncé l'arrivée en autobus d'électeurs qui ne faisaient pas partie de leur bureau de vote.
La sociale-démocrate Sandra Torres, grande favorite des sondages, a dénoncé de son côté des achats de vote
, après avoir voté dans la capitale.
Les quelque 3500 bureaux de vote du pays ont fermé à 18 h, heure locale, et les premiers résultats devraient être connus vers 21 h.
Une quinzaine de bureaux de vote ont également fermé leurs portes aux États-Unis, où résident quelque 2,8 millions de Guatémaltèques, dont seulement 90 000 sont inscrits sur les listes électorales.
Le président sortant Alejandro Giammattei (droite) est désavoué à 76 % dans les sondages, au terme de quatre ans d'un mandat non renouvelable marqué par la répression contre les magistrats et les journalistes qui dénonçaient la corruption.
L'ancienne première dame Sandra Torres est en tête avec 21,3 % des intentions de vote dans le dernier sondage de l'institut Prodatos.

La candidate et ancienne première dame, Sandra Torres, vote lors du premier tour de l'élection présidentielle guatémaltèque le 25 juin 2023.
Photo : Reuters / Cristina Chiquin
Elle est suivie par le centriste Edmond Mulet, un ex-diplomate de haut niveau à l'ONU qui est crédité de 13,4 % des intentions de vote, et par la candidate conservatrice Zury Rios (9,1 %), la fille d'un ancien dictateur aujourd'hui décédé.
Un total de 22 candidats se présentent aux suffrages de 9,4 millions d'électeurs inscrits, désabusés après l'exclusion du scrutin par la justice ou le Tribunal suprême électoral des favoris des sondages, dont Thelma Cabrera (gauche) appartenant à la population autochtone maya, qui représente environ 45 % du corps électoral.
Doute et défiance
Ces évictions ont semé le doute sur la loyauté du scrutin et sur l'impartialité des institutions, accusées de manœuvrer pour préserver un régime autoritaire et corrompu fondé sur la cooptation par les élites dirigeantes.
Signe de la défiance, seuls 13,5 % des électeurs sondés disent vouloir déposer un bulletin nul dans l'urne.
Lors du premier tour de la précédente élection, en 2019, ils n'avaient été que 4,1 % à le faire.
Durant le mandat du président Giammattei, une dizaine d'anciens procureurs anticorruption ont été arrêtés, tandis que d'autres ont été contraints à l'exil.
Ces magistrats avaient travaillé avec une mission de l'ONU contre l'impunité qui a révélé de retentissants scandales entre 2007 et 2019, dont l'un a débouché sur la démission et sur l'arrestation d'un chef de l'État.
Toutes les institutions de l'État, y compris le processus électoral, sont manipulées par des groupes de pouvoir liés à la corruption et au pouvoir traditionnel de l'oligarchie
, assure à l'AFP Edie Cux, directeur de l'antenne locale de l'ONG anticorruption Transparency International.
Le Guatemala est l'un des pays les plus inégalitaires d'Amérique latine, juge la Banque mondiale, avec 10,3 millions de ses 17,6 millions d'habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté et un enfant sur deux qui souffre de dénutrition chronique, selon l'ONU.
Enfin, des bandes criminelles sèment la terreur dans un pays où le taux de meurtres, qui s'établit à 17,3 pour 100 000 habitants, est le triple de la moyenne mondiale.