Main-d’œuvre indépendante en santé : « Est-ce qu’on a jeté la serviette sur la région? »

Le projet de la loi 10 vise à limiter le recours aux services des agences de placement de personnel et à de la main-d’oeuvre indépendante dans le secteur de la santé et des services sociaux. (Photo d'archives)
Photo : Getty Images
L’utilisation de la main-d’œuvre indépendante provenant d’agences de placement de personnel a atteint un sommet inégalé pour l’année financière 2022-2023 en Abitibi-Témiscamingue.
Le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (CISSS-AT) a dépensé plus de 114 millions de dollars pour ce type de personnel au cours de cette période. La Fédération interprofessionnelle de la santé en Abitibi-Témiscamingue (FIQ-SISSAT) craint des ruptures de services cet été en raison de la dépendance à ce personnel.
Le président du syndicat, Jean-Sébastien Blais, estime que plus de 10 000 quarts de travail étaient à combler de juin à septembre par du personnel provenant d’agences.
On est totalement dépendant de ces gens-là. Ce n'est pas une main-d’œuvre fiable que tu sais qu’elle va être là pendant tout l’été. C’est de l’improvisation de jour en jour, c’est donc extrêmement difficile de planifier des services comme ça
, mentionne-t-il tout en rappelant que ces travailleurs sont essentiels en ce moment au maintien des activités.
À l’heure actuelle, il y aurait pratiquement la moitié des services qui seraient fermés si on n'avait pas de main-d’oeuvre indépendante.
Selon M. Blais, plusieurs travailleurs provenant de la main-d'oeuvre indépendante ne seraient cependant pas toujours fiables quant à leur présence.
Est-ce que réellement, ils vont venir dans la région ou pas? Ça risque d’avoir des impacts. Nous, on s’attend à des fermetures temporaires de certains services, notamment l’urgence de Témiscaming-Kipawa, qui risque de fermer. C’est pratiquement 100 % de la main-d’oeuvre qui est indépendante là-bas
, affirme-t-il.

Le président de la FIQ-SISSAT, Jean-Sébastien Blais.
Photo : Radio-Canada / Jean-Marc Belzile
Plus d'un million d'heures travaillées
La main-d’oeuvre indépendante a travaillé plus d’un million d’heures dans la région durant l’année financière 2022-2023, dont 500 000 heures par des préposés aux bénéficiaires et plus de 325 000 heures par des infirmières.
En ajoutant les frais de déplacement et d’hébergement, on obtient une facture totale de 114 millions de dollars. En 2021-2022, le CISSS-AT avait dépensé 71 millions $ pour ce personnel.
Concrètement, on ne met aucun incitatif pour les professionnels en soins de la région afin de les retenir ou même de les attirer. Donc, si on continue comme ça, un jour, ça va coûter 200, 300 millions. À quel moment on va se réveiller et vouloir mettre en place des mesures? C’est la question qu’on se pose
, signale Jean-Sébastien Blais.
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Dans le projet de loi 10, Québec avait annoncé vouloir éliminer complètement le recours à la main-d’oeuvre indépendante d’ici la fin de 2026 en Abitibi-Témiscamingue. La FIQ-SISSAT estime que le gouvernement a finalement reculé.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dans le dernier projet de loi 10 qui a été amendé, il n’y a même plus de date pour l’Abitibi-Témiscamingue. Au départ, on parlait de 2026, maintenant, il n’y a plus de date probablement parce qu’on se rend compte que c’est irréaliste de penser que d’ici 2026, on ne pourra plus utiliser de main-d’œuvre indépendante. Est-ce que c’est mission impossible? Est-ce qu’on a jeté la serviette sur la région de l’Abitibi-Témiscamingue? C’est une question qu’on va devoir poser au ministre régional
, raconte M. Blais.
La direction du CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue n’était pas disponible pour répondre à nos questions mardi. L’organisation compte faire le point plus tard cette semaine, notamment sur la période estivale à venir.