Plus d’un demi-milliard investi par Québec pour lutter contre la violence armée

Des enquêteurs de la SQ ont pu retrouver et saisir l'arme à feu qui aurait servi lors de la tentative de meurtre contre Leonardo Rizzuto. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Kolya Guilbault, caméraman
Le ministère de la Sécurité publique du Québec a multiplié les annonces d'initiatives destinées à contrer le fléau de la violence armée, surtout dans le Grand Montréal, depuis l'automne 2021. Montant total de la facture : 518,5 millions de dollars, dont 88,1 millions en provenance du fédéral, révèle une compilation réalisée par Radio-Canada.
Cet investissement massif du gouvernement du Québec a permis aux corps policiers du Grand Montréal de regrouper près de 400 membres des forces de l'ordre afin qu'ils s'investissent à temps plein dans la lutte contre la violence armée.
Mon objectif, c’est que tous les corps policiers et partenaires soient mobilisés pour faire front commun afin de combattre ce phénomène, en mobilisant toutes les ressources nécessaires sur le terrain
On les retrouve aujourd'hui au sein de 16 escouades et équipes spécialisées à la Sûreté du Québec (SQ), au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), au Service de police de Laval (SPL) et au Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL).
La répression coûte cher et elle va coûter de plus en plus cher. Le coût de la vie n’est pas le même que dans les années 1990. L’inflation, la complexité des enquêtes et l’acquisition de technologies pour se mettre au niveau des groupes criminels sont des éléments qui contribuent à l’augmentation des coûts
, explique la criminologue et spécialiste du crime organisé Maria Mourani.

La violence armée frappe surtout dans le Grand Montréal, où se concentre la moitié de la population québécoise. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Benoit Gagnon
À titre de comparaison, la création de l'escouade Carcajou, dans les années 1990, pour mettre mettre fin à la guerre des motards, avait nécessité un investissement de 10 millions de dollars de la part du gouvernement du Québec afin de mobiliser 44 enquêteurs.
Il faut comprendre que Carcajou avait pour objectif de s'occuper de contrer la guerre des motards. Donc, les policiers avaient dans leur mire seulement deux groupes criminels. Actuellement, les escouades doivent faire face à une myriade de groupes criminels en tout genre : motards criminalisés, mafias, gangs de rue et même des trafiquants indépendants
, explique Maria Mourani, qui a aussi été députée fédérale d'Ahuntsic, dans le nord de Montréal.

La guerre des motards avait mené à la mobilisation de 44 enquêteurs de la SQ, du SPVM et de la GRC pour mettre fin au climat de violence qui régnait au Québec dans les années 1990. (Photo d'archives)
Photo : Reuters / Didier Debusschere
L'écosystème criminel est beaucoup plus complexe qu'avant et il travaille en réseaux dont les ramifications se déploient à l'étranger. Les enquêtes sont plus complexes et le web n'arrange rien. À cela, vous devez ajouter les jeunes qui s'arment pour se protéger ou pour avoir l'air cool. L'évolution des technologies, comme les imprimantes 3D, le dark web, l'IA et les kits d'armes en tout genre, complexifie le marché de l'armement et ajoute un défi aux enquêtes.

Maria Mourani est présidente de la firme Mourani-Criminologie. Criminologue et ancienne élue à la Chambre des communes, elle étudie le crime organisé depuis plusieurs années. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
La violence armée au Québec est surtout concentrée dans la région métropolitaine de Montréal, où vivent 4,3 des 8,6 millions de Québécoises et de Québécois.
À l'exception du projet Malsain, qui regroupe 21 policiers de la Ville de Québec, l'ensemble des équipes et des escouades spécialisées se trouve donc là où se concentre la moitié de la population québécoise.
Principaux investissements du gouvernement du Québec contre la violence armée
- 1er octobre 2021 : lancement de la stratégie nationale Centaure (246,7 millions $ sur huit ans, dont 88,1 millions en provenance du fédéral);
- 8 décembre 2021 : 19,4 millions $ sur cinq ans pour mobiliser à temps plein 14 procureurs de la Couronne spécialisés pour soutenir la lutte contre la violence armée;
- 8 décembre 2021 : 2,4 millions $ sur cinq ans aux municipalités pour appuyer la recherche sur le phénomène de la violence armée;
- 27 août 2022 : 250 millions $ sur cinq ans accordés à Montréal et au SPVM pour augmenter les effectifs policiers.
L'argent accordé à la stratégie nationale Centaure continue à être investi. Depuis le début de l'année, la SQ a fait de nouvelles annonces à hauteur de 22 millions de dollars à même le budget de Centaure.
Un centre de dépistage des armes à feu a été mis en service pour déterminer la provenance et le chemin parcouru par chacune des armes saisies par les policiers. De plus, une nouvelle escouade en renseignement criminel et une équipe d'intervention vont appuyer les corps policiers du Grand Montréal.
Mesures récentes financées par le budget de la stratégie nationale Centaure
- Mobilisation de 11 policiers au nouveau Centre de dépistage des armes à feu de la SQ, mis en service en janvier dernier (8,54 millions de dollars);
- Mobilisation de 13 policiers dans la nouvelle Escouade intégrée en renseignement sur la violence armée (EIRVA) annoncée durant le Séminaire sur le phénomène des violences armées de la SQ (7,5 millions de dollars);
- Mobilisation de 10 policiers de la SQ afin de former la nouvelle Équipe d’intervention exclusivement consacrée à la lutte contre le crime organisé dans la région de Montréal (EICO) (5,67 millions de dollars).
Il faut aussi ajouter à toutes ces annonces gouvernementales le renouvellement de l'entente bilatérale entre l'Ontario et le Québec pour assumer à parts égales les trois millions de dollars que coûte annuellement la patrouille nautique de la police mohawk d'Akwesasne.
Depuis mai 2022, trois bateaux patrouillent en permanence sur la partie du fleuve Saint-Laurent la plus utilisée par les trafiquants d'armes et de drogues.

En juin 2022, l'ex-ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault avait annoncé un financement de six millions de dollars pour ajouter une nouvelle patrouille nautique à Akwesasne. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Pascal Robidas
Près de 400 ressources policières contre la violence armée
Le 29 mai dernier, lors d'une conférence de presse à la SQ, le ministre de la Sécurité publique a évoqué un front uni des services de police et du gouvernement du Québec pour ramener la sécurité dans les rues des citoyens
.
Nos actions sont multiples afin de supporter les corps policiers pour contrer la violence armée qui touche directement la population. [...] Jamais un gouvernement n’en a fait autant pour contrer ce fléau, on est très proactifs dans le dossier
, a ajouté le ministre Bonnardel.
Radio-Canada a fait le décompte du nombre de ressources policières déployées, majoritairement fournies par le SPVM et par la SQ, à la suite des investissements de millions de dollars annoncés par le gouvernement du Québec.
L'argent annoncé par le gouvernement a permis de regrouper 208 membres des forces de l'ordre au sein de 11 équipes ou escouades spécialisées à la SQ, au SPVM, au SPL, au SPAL et au Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).
Ressources policières engagées dans la lutte contre la violence armée
- Stratégie nationale Centaure, 10 services de police : 78
- Équipe intégrée de lutte contre le trafic d’armes à feu (EILTA), SQ, SPVM et SPVQ : 15
- Projet Malsain du SPVQ : 21
- Équipe spécialisée dans la lutte contre le trafic d’armes (ELTA) du SPVM : 18
- Équipe multisectorielle sur les armes à feu (EMAF) du SPVM : 11
- Équipe multidisciplinaire d’intervention dans les écoles (EMIE) du SPVM : 8 (mandat de prévention en milieu scolaire)
- Brigade d’intervention multidisciplinaire du SPAL : 11
- Équipe spécialisée en armes à feu dans l’escouade du crime organisé du SPL : 12
- Équipe de dépistage des armes à feu de la SQ : 9
- Escouade intégrée en renseignement sur la violence armée (EIRVA) de la SQ : 13
- Équipe d’intervention contre le crime organisé à Montréal (EICO) de la SQ : 10
Ces équipes se sont ajoutées aux 190 policiers qui forment des groupes d'intervention spécialisés contre le crime organisé dans les quatre principaux services de police du Grand Montréal.
À lui seul, le SPVM a mobilisé 134 de ses policiers pour pouvoir compter sur les escouades Éclipse et ARRET afin de freiner la violence armée dans ses rues.

Des policiers de la section Éclipse sont sur le point d'intervenir en 2021 pour tirer une jeune femme des griffes d'un proxénète dans un motel de l'est de Montréal. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Pascal Robidas
Ce sont donc 398 personnes qui collaborent quotidiennement à lutter contre les organisations criminelles.
Escouades spécialisées contre le crime organisé à Montréal
- Division d'intervention contre le crime organisé - DICO (SQ) : 35
- Éclipe (SPVM) : 66
- ARRET (SPVM) : 68
- Équinoxe (SPL) : 11
- Brigade d'intervention multidisciplinaire (BIM) (SPAL) : 10
La question importante que l’on doit se poser : ne devrions-nous pas plutôt investir davantage en prévention et en réadaptation? Une chose est sûre : cela nous coûterait moins cher
, conclut la criminologue Maria Mourani.