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AnalyseFin de session parlementaire : dur retour à la réalité pour la CAQ

Après s’être concentré sur la gestion de la pandémie durant près de trois ans, le gouvernement Legault a eu du mal à renouer avec la dynamique politique traditionnelle.

François Legault, premier ministre du Québec.

François Legault, premier ministre du Québec.

Photo : La Presse canadienne / Sylvain Roy Roussel

Il faudra attendre encore quelques mois avant de savoir si le récent fléchissement des intentions de vote en faveur de la CAQ marquera le début d’une nouvelle tendance. Chose certaine, la plus récente saison a été, sur le plan politique, la plus difficile que le gouvernement ait traversée depuis son accession au pouvoir.

Fait saillant des derniers mois, l’abandon du projet de troisième lien a altéré l’image que bien des électeurs se faisaient de la CAQ – et même que certains députés de la CAQ se faisaient de leur propre parti. Quelque chose a changé.

C’est que les controverses et les ratés ont été nombreux. Personne n’a oublié les longues files d’attente devant les succursales de la Société de l’assurance automobile du Québec, le soudain changement de cap du gouvernement au sujet des seuils d’immigration, ou encore la toute récente hausse de salaire de 30 % que les députés se sont accordée.

François Legault s’est souvent plu à répéter que son gouvernement respectait toujours tous ses engagements, mais il n’a pas repris la formule depuis un certain temps. Pourtant rompu aux débats parlementaires, le premier ministre n’a pas été à son meilleur ces derniers mois, ses réponses alimentant trop souvent la controverse plutôt que de l’apaiser, comme on l’a vu dans le dossier de la rémunération des élus.

Si les partis d’opposition espèrent que la lune de miel du gouvernement soit bel et bien terminée, après bientôt cinq ans de pouvoir, ils n’ont pourtant pas de quoi pavoiser. Malgré les erreurs et les reculs, rien ne semble vraiment menacer la domination de la CAQ, du moins pour le moment. Celle-ci pourrait toutefois conserver, à plus long terme, les cicatrices de certaines des blessures qu’elle s’est elle-même infligées.

Des ministres fidèles à eux-mêmes

D’une année à l’autre, le gouvernement s’appuie pratiquement toujours sur les mêmes ministres pour mener à bien l’essentiel de son action politique. Chacun a ses qualités et ses défauts, mais tous ont en commun une certaine constance. On sait à quoi s’attendre avec eux.

Geneviève Guilbault, députée de Louis-Hébert, ministre des Transports et de la Mobilité durable et vice-première ministre.

Geneviève Guilbault, députée de Louis-Hébert, ministre des Transports et de la Mobilité durable et vice-première ministre.

Photo : La Presse canadienne / Sylvain Roy Roussel

Envoyée seule au front pour annoncer la mauvaise nouvelle sur le troisième lien, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, s’en sort sans trop d’égratignures, ce qui n’est pas rien dans les circonstances. On se demande toutefois pourquoi elle a voulu présenter dès maintenant un nouveau projet de troisième lien, version transport collectif, dont les perspectives de réalisation semblent encore plus incertaines que celles du projet initial. La vice-première ministre a assuré, lorsque la crise SAAQclic a éclaté, mais on ne peut pas en dire autant de sa participation à l’étude des crédits budgétaires en commission parlementaire.

À la tête de la Santé depuis maintenant trois ans, Christian Dubé conserve son aura, ce qui est en soi un exploit. Le ministre continue à mettre en place un à un les morceaux du plan qu’il a présenté le printemps dernier, mais la nouvelle structure qu’il édifie conserve, pour l’instant, la solidité d’un château de cartes. Sur son tableau de bord, le nombre de patients en attente d’une chirurgie depuis plus d’un an a enfin commencé à diminuer, mais d’autres indicateurs sont au beau fixe. Il faudra surtout surveiller jusqu’où le ministre sera prêt à aller l’automne prochain pour shaker les colonnes du temple, comme il l’a lui-même promis, lorsqu’on étudiera les aspects les plus litigieux de son vaste projet de loi.

Après les avoir réclamés, le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, dispose maintenant de tous les pouvoirs nécessaires pour réaliser ses rêves les plus fous. En Mauricie et au Centre-du-Québec, la filière batterie prend forme peu à peu, même si c’est en Ontario que Volkswagen a choisi d’installer sa méga-usine. Blanchi deux fois plutôt qu’une par la Commissaire à l’éthique et à la déontologie au cours des derniers mois, le ministre semble s’habituer peu à peu aux contraintes de la vie publique. L’étude du projet de loi visant à réformer la tarification d’Hydro-Québec, dont le dépôt est prévu à l’automne, risque toutefois d’exacerber sa patience déjà limitée.

Plus effacée de l’espace public ces derniers mois, Sonia LeBel a le mérite de ne pas commettre d’erreurs. La présidente du Conseil du trésor manœuvre en coulisses pour s’entendre avec les employés de l’État, mais ses collègues ne l’ont pas aidée en se votant une augmentation de salaire aussi généreuse. Le temps presse pourtant alors que des chefs syndicaux évoquent des moyens de pression, voire la grève, dès la rentrée.

Malgré l’opposition de plusieurs groupes et de nombreux économistes, le ministre des Finances Eric Girard a réduit les impôts des Québécois et amputé les versements au Fonds des générations sans que cela ne fasse trop de vagues. En renonçant à hausser l’âge d’admissibilité au Régime de rentes du Québec, il a épargné à son gouvernement une montée de boucliers certaine. Le resserrement de l’économie qu’on appréhende, mais qui tarde encore à se matérialiser, pourrait cependant lui compliquer la tâche ces prochaines années.

De nouveaux visages qui émergent

Christine Fréchette, députée de Sanguinet et ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

Christine Fréchette, députée de Sanguinet et ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.

Photo : La Presse canadienne / Sylvain Roy Roussel

En poste depuis maintenant huit mois, de nouveaux ministres font leurs marques peu à peu. C’est le cas de plusieurs femmes, à commencer par la nouvelle titulaire de l’Immigration. Même si l’essentiel du travail reste à faire, Christine Fréchette a su rompre avec l’impression de désordre qui caractérisait jusqu’ici les interventions de la CAQ dans ce dossier. Pour bien effectuer le travail, la nouvelle titulaire du poste devra toutefois offrir des réponses plus convaincantes au sujet de l’immigration temporaire lors des consultations prévues en septembre.

Sonia Bélanger s’est plutôt bien tirée d'affaire avec la mise à jour de la Loi concernant les soins de fin de vie, même si on comprend toujours mal pourquoi en assurer l’entrée en vigueur pourrait prendre jusqu’à 24 mois. Elle a surtout su préserver l’esprit de non-partisanerie dans lequel cette question est abordée au Québec depuis maintenant une quinzaine d’années. À titre de ministre déléguée à la Santé, elle se laisse rarement décontenancer, qu’il soit question de la vétusté des CHSLD ou de la maltraitance des aînés.

Après avoir été dans l’angle mort d’Andrée Laforest, la question du logement semble véritablement tenir à cœur à la nouvelle ministre de l’Habitation. Ses solutions ne font pas l’unanimité, comme on l’a rapidement constaté à la suite du dépôt de son projet de loi, mais France-Élaine Duranceau semble prête à brasser la cage d’un ministère trop souvent négligé. Comme l’a souvent dit son chef, on verra.

Des ministres en remontée

Jean-François Roberge, député de Chambly et ministre de la Langue française.

Jean-François Roberge, député de Chambly, ministre de la Langue française, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, ministre responsable des Institutions démocratiques, ministre responsable de l’Accès à l’information et de la Protection des renseignements personnels et ministre responsable de la Laïcité.

Photo : La Presse canadienne / Sylvain Roy Roussel

Après un passage difficile à l’Éducation, Jean-François Roberge semble plus détendu à présent. Ses nouvelles fonctions de ministre de la Langue française lui siéent plutôt bien, comme en témoigne la conclusion d’une entente sur les entreprises de compétence fédérale avec son homologue Ginette Petitpas-Taylor. Aussi sympathique soit-elle, il faudra cependant davantage qu’une publicité sur le faucon pèlerin pour contenter ceux qui s’inquiètent du déclin du français. Le fait que les mesures touchant l’exemplarité de l’État en matière de langue soient aussi symboliques que sujettes aux moqueries, comme on l’a vu ces derniers temps dans les médias sociaux, n’est pas de très bon augure.

Si son passage aux Transports s’est fini un peu en queue de poisson, François Bonnardel est très proactif comme ministre de la Sécurité publique. Les nombreux événements météorologiques survenus depuis le début de l’année, à commencer par les feux de forêt des derniers jours, lui ont certainement donné l’occasion de s’illustrer, mais le ministre a aussi évité les pièges que la réforme de la loi sur la police avait posés sur son chemin.

Les débuts ont été laborieux, mais Lionel Carmant répond maintenant avec beaucoup plus d’aplomb aux questions qui lui sont posées en chambre. Les besoins en matière de santé mentale et de protection de la jeunesse demeurent toutefois immenses, alors que les villes multiplient les appels à l’aide face à la montée de l’itinérance. Le ministre a entrepris une tournée des régions pour s’assurer que ses directives soient appliquées sur le terrain; d’autres ministres devraient en faire autant.

Des ministres sur la sellette

Bernard Drainville, ministre de l'Éducation.

Bernard Drainville, député de Lévis, ministre de l'Éducation et ministre responsable de la région de la Chaudière-Appalaches.

Photo : La Presse canadienne / Sylvain Roy Roussel

Habile politicien à l’époque où il était au Parti québécois, Bernard Drainville multiplie les faux pas depuis son retour en politique. On a souvent l’impression que le ministre en fait trop, que l’on songe à sa déclaration tonitruante sur le troisième lien et les GES, ou encore aux larmes qu’il a versées lorsque le projet a finalement été abandonné. Alors qu’il a désespérément besoin d’alliés pour mener à bien sa réforme des centres de services scolaires, insinuer que la fonction d’enseignant ne peut être comparée à celle de député manquait grandement de délicatesse.

Ministre de la Justice, une fonction par nature plus apolitique, Simon Jolin-Barrette est moins visible qu’à l’époque où il s’occupait de dossiers à saveur identitaire. S’il a su mener à bien sa réforme du droit de la famille, il a toutefois mis son parti dans l’embarras en nommant juge un ami dont il avait célébré le mariage. Il importe certes de protéger l’identité des candidats à la magistrature, mais le processus semble tout de même particulièrement opaque. En froid avec la juge en chef de la Cour du Québec, le ministre est parvenu à s’entendre avec elle sur le nombre de postes de magistrats à créer, mais la controverse ne prendra vraisemblablement fin qu’une fois le mandat de Lucie Rondeau arrivé à échéance, à la fin de l’année.

Éric Caire n’est sans doute pas le principal responsable des déboires qu’a connus la SAAQ, mais le détachement dont il a fait preuve alors que des milliers de Québécois patientaient dans le froid a de quoi laisser perplexe. La légèreté avec laquelle il a fait fi de l’engagement qu’il avait pris à démissionner si le projet de troisième lien devait être abandonné n’a pas fait meilleure impression. Ses propres collègues n’hésitent pas, en coulisses, à remettre en question sa présence au conseil des ministres. L’importance d’avoir un commandant bien en selle à la tête du ministère de la Cybersécurité et du Numérique ne fait pourtant aucun doute, alors que le gouvernement s’apprête à investir des centaines de millions de dollars dans des projets de restructuration informatique, aussi périlleux que nécessaires.

S’illustrer depuis la banquette arrière

Comme l’a récemment déploré dans un texte l’ancienne députée Émilie Foster, on parle trop peu souvent des élus ministériels qui n’ont pas le privilège de siéger au cabinet. Certains parviennent toutefois à se démarquer.

C’est notamment le cas du député de Beauce-Sud, Samuel Poulin, qui a justement pris la peine de répondre à son ancienne collègue, dans une lettre ouverte où il a mis en valeur la contribution des députés (Nouvelle fenêtre) sur le terrain. Ses questions bien envoyées à la Fédération autonome de l’enseignement, en commission parlementaire, ont aussi été remarquées.

Même s’il aurait sans doute préféré siéger au conseil des ministres, l’adjoint parlementaire du ministre de la Santé, Youri Chassin, jouit tout de même d’une certaine visibilité. Le projet de construction de mini-hôpitaux privés, que le premier ministre lui a confié, pourrait enfin lui permettre de démontrer que les idées qu’il défend depuis des années sont vraiment susceptibles d’améliorer l’accès aux soins de santé.

Dans un tout autre registre, Nancy Guillemette s’est illustrée par sa contribution à la mise à jour de la Loi concernant les soins de fin de vie. La députée de Roberval est certes une femme discrète, mais elle n’a pourtant pas hésité à défendre le président du centre de services scolaire de sa circonscription, après que ce dernier ait été critiqué publiquement par le ministre Bernard Drainville.

Pendant ce temps, un autre élu, qui a pourtant déjà réussi à être exclu du conseil des ministres, continue à faire des siennes. En une seule sortie publique, l’ex-ministre Pierre Dufour est arrivé à dire du mal des médias, de la ville de Val-d’Or et de la commission Viens, provoquant la colère des communautés autochtones de sa région. Ses excuses tardives n’ont pas rassuré grand monde.

Des oppositions peu convaincantes

Marc Tanguay entouré de ses députés.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Même si les derniers mois ont été particulièrement difficiles pour le gouvernement, les partis d’opposition ont toujours bien du mal à se faire valoir auprès des électeurs.

Après des débuts difficiles l’automne dernier, Marc Tanguay prend peu à peu sa place à la tête du Parti libéral du Québec. Le chef de l’opposition se montre parfois drôle, parfois théâtral, mais on a surtout du mal à trouver le fil conducteur qui unit ses interventions. C’est que le PLQ se cherche encore, comme l’ont illustré les débats sur le nationalisme québécois lors du dernier conseil général de la formation politique.

En chambre, les Libéraux ont réussi avec un certain succès à dépeindre la CAQ comme un gouvernement brouillon, obligé de reculer après avoir lancé des promesses en l’air, mais l’inexpérience d’un grand nombre d’élus est manifeste. Au sein du caucus, Marwah Rizqy maintient une longueur d’avance sur ses collègues, autant sur la forme que sur le fond, mais de nouveaux visages se taillent une place petit à petit, comme les députés Frédéric Beauchemin, Michelle Setlakwe et Virginie Dufour.

En dépit d’interventions bien avisées dans plusieurs dossiers et d’une importante victoire lors de la partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne, Québec solidaire peine encore à trouver le bon filon. Le parti dispose maintenant de plus de temps de parole et de plus nombreuses ressources humaines et financières, mais cela ne se traduit pas nécessairement par plus de résonance dans l’espace public. Le débat autour du salaire des élus lui a offert une occasion unique de s’illustrer, mais les députés l’ont échappé en ne s’entendant pas à l’avance sur ce qu’ils feront de l’argent à recevoir.

Gabriel Nadeau-Dubois continue de briller au sein du caucus, mais son éloquence met surtout en relief les lacunes de ses propres collègues. Aucun d’entre eux n’a encore été capable de marquer les esprits comme pouvait le faire une Catherine Dorion. La course qui s’annonce pour trouver une successeure à Manon Massé pourrait être l’occasion de créer une nouvelle dynamique. Ruba Ghazal et Émilise Lessard-Therrien, qui ont déjà confirmé leur intérêt, de même que Christine Labrie, qui est en réflexion, ont toutes beaucoup de potentiel.

Que le Parti québécois réussisse à obtenir autant de visibilité avec seulement trois députés tient en soi de l’exploit. Sérieux et rigoureux, Paul St-Pierre Plamondon, Pascal Bérubé et Joël Arseneau en mènent déjà large, mais il faudra encore beaucoup de travail pour que leur parti devienne véritablement la deuxième force politique au Québec, comme se plaisent à l’espérer ses militants.

Après s’être cherché pendant des années, le PQ est maintenant le parti d’opposition qui a le positionnement stratégique le plus clair, ce qui le sert bien. Les plus récents sondages sont certes encourageants, mais maintenir le rythme jusqu’aux prochaines élections, avec si peu de ressources, risque d’être franchement épuisant.

Une étoile pour la présidente

Nathalie Roy au salon Bleu.

La présidente de l'Assemblée nationale, Nathalie Roy.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

En dépit de l’accueil mitigé qu’avait reçu sa nomination, la présidente de l’Assemblée nationale étonne par la poigne avec laquelle elle dirige les travaux parlementaires. Loin de l’approche trop souvent pompeuse de certains de ses prédécesseurs, Nathalie Roy se montre on ne peut plus terre à terre.

Comme l’ont appris à leurs dépens les leaders parlementaires à l’épiderme trop sensible, la présidente passe rapidement au prochain appel lorsqu’on s’offusque pour rien. Au gouvernement, qui lui demandait d’interdire l’utilisation du mot brouillon, elle a rétorqué qu’un certain niveau de critique était acceptable en démocratie. Comme quoi on peut être une ministre plutôt moyenne, mais se rattraper en devenant une très bonne présidente de l’Assemblée nationale.

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