AnalyseUne inculpation de trop pour Trump?

Les partisans de Donald Trump sont-ils prêts à passer l'éponge encore une fois sur cette nouvelle inculpation?
Photo : Getty Images / Drew Angerer
Pour la première fois dans l'histoire américaine, un ancien président a été inculpé par le département de la Justice dans le cadre de l’Espionage Act. L’affaire est majeure puisqu'il pourrait faire face à des années de prison s'il est reconnu coupable. Mais est-ce que cela changera quelque chose dans la course à la Maison-Blanche?
Depuis que Donald Trump s’est lancé dans l’arène politique le 16 juin 2015, on sait que, peu importe ses frasques, ses décisions controversées, ses procédures de destitution et, depuis peu, ses premières accusations par le procureur de New York dans l’affaire Stormy Daniels, ses partisans le suivent aveuglément.
Il maintient sa main de fer sur le parti républicain et mène ses disciples vers ce qu’il espère, un autre couronnement en vue de la présidentielle de 2024. Mais cette première inculpation fédérale en regard des documents classifiés qu’il aurait tenté de cacher et même de partager avec des yeux non autorisés sera un test important sur le caractère Teflon
de l’ex-président.

Le côté Teflon de Donald Trump va-t-il résister alors que d'autres inculpations sont à prévoir?
Photo : Getty Images / Scott Olson
Car, cette fois-ci, on ne parle pas d’avoir présumément acheté le silence d’une ancienne actrice porno, mais bien d’avoir sciemment caché des documents qu’il ne pouvait garder en sa possession selon la loi fédérale, d’avoir fait obstruction à la justice et d'avoir conspiré avec d’autres personnes pour faire de fausses déclarations sur ce point.
Une partie plus difficile à jouer
Il reste que ces accusations sont plus simples et faciles à démontrer que dans l’affaire Stormy Daniels. Par conséquent, un verdict de culpabilité ne serait probablement pas si complexe que cela à obtenir pour les procureurs qui le poursuivent.
La plupart des accusations tournent autour de la loi sur l’espionnage, ce qui fait désordre pour un ancien président qui se dit patriote et qui a fait de cette étiquette sa marque de commerce pour vendre ses multiples candidatures au poste suprême de la Maison-Blanche.
Fidèle à ses habitudes quand il se sent encerclé, le principal intéressé a forcément lancé ses trois contre-attaques. D’abord, clamer son innocence à ses partisans et attaquer de façon virulente, tout en majuscules, l’administration Biden, qu’il qualifie de corrompue
, parlant d’interférence électorale
et de continuation de la plus grande chasse aux sorcières de tous les temps
.

Donald Trump multiplie les appels aux dons pour sa campagne à l'investiture.
Photo : Capture d'écran
Ensuite, faire de sa défense l’objectif commun de ses partisans et demander de l’argent pour son fonds de campagne. La crainte que si vous vous opposez à leur programme marxiste, VOUS puissiez être arrêtés ou emprisonnés pour vos convictions. Merci de faire une contribution pour défendre pacifiquement notre mouvement contre les chasses aux sorcières incessantes
, peut-on lire dans ses multiples courriels envoyés à ses fidèles.
Et la troisième salve est imminente : essayer par tous les moyens de gagner du temps dans ces causes contre lui en essayant d'obtenir des reports. Delay, delay, delay
a toujours été sa tactique.
Un soutien toujours indéfectible
Mais au fond, qu’est-ce que cela changera pour ses partisans? Probablement pas grand-chose. En tout cas pour l’instant. Car les appels de levée de fond fructueux se sont multipliés au fur et à mesure des mises en accusation dans le cadre de l’affaire Stormy Daniels et même lorsqu’il a été reconnu coupable au civil de diffamation et de coups et blessures à l'encontre de E. Jean Carroll. Bref, son soutien s’est solidifié dans la course à la Maison-Blanche.
Il faut dire que ses rivaux lui laissent le champ libre. À leurs dépens. Symptomatique de ce malaise républicain, le sénateur de la Caroline du Sud et l’un des rivaux de Trump dans la course à l’investiture républicaine, Tim Scott, estimait cette semaine encore que tout cela participe à la fameuse weaponization, l’utilisation de l’arme légale par le département américain de la Justice. Ses adversaires républicains continuent de répéter les mêmes effets de langage et autres thèses non vérifiées de celui qui mène la course dans les sondages.
À part Chris Christie, ex-gouverneur du New Jersey, et Asa Hutchinson, ancien gouverneur de l’Arkansas, qui tirent à boulets rouges sur Donald Trump dans cette course républicaine, les candidats les plus susceptibles d’entamer l’impressionnante avance de l’ex-président n’osent toujours pas l’attaquer de plein front.

Les rivaux de Donald Trump peinent à oser le critiquer ouvertement.
Photo : Getty Images / Scott Olson
Et pendant que les chances de Christie et d'Hutchinson de remporter la mise sont quasi nulles, les Pence, DeSantis, Haley et autres préfèrent pour l’instant porter le même message de défense de Trump.
Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne pensent pas vraiment que Trump a trop de casseroles et de bagages embarrassants avec ces poursuites et condamnations, mais ils ont toujours peur de s’aliéner la base trumpiste, désormais essentielle pour remporter une candidature à l‘investiture républicaine.
Une tendance à surveiller
Comptez par contre sur ces rivaux pour surveiller à la loupe les moindres mouvements de l'aiguille du baromètre politique dans les prochains jours et les prochaines semaines. Si jamais, ils observent une tendance baissière des appuis de Trump dans la course, ils pourront alors en profiter pour commencer à fourbir leurs armes contre ce dernier.
Qui plus est, lorsqu’une possible inculpation supplémentaire pourrait survenir bientôt. Celle dans l’affaire d’interférence électorale dans l’État de la Géorgie, où on a clairement entendu l’ancien président demander au secrétaire d’État géorgien de lui trouver
plus de 11 000 bulletins de vote pour empêcher la victoire de Joe Biden dans l’État.
Si le supplice de la goutte juridique continue d’entamer le capital de sympathie partisane dont jouit Donald Trump auprès de ses fidèles, ses rivaux auront toute une besogne à faire s’ils veulent sortir du lot. Sinon, pourquoi les républicains choisiraient-ils des candidats qui se cantonnent à vivre dans l’ombre du leader?