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#MoiAussi : quand Netflix fait trembler la classe politique taïwanaise

Le mouvement #MoiAussi vient d’arriver à Taïwan grâce à une série de Netflix. Une vague de dénonciations pour harcèlement sexuel secoue depuis deux semaines la classe politique, particulièrement le parti au pouvoir, à quelques mois d’élections présidentielles cruciales.

Des mains appuyées dans une fenêtre.

Scène fictive représentant un acte d'abus.

Photo : Shutterstock / HumsterAnna

En pleine campagne électorale présidentielle, une organisatrice veut porter plainte contre un collègue pour harcèlement sexuel. Des révélations explosives et dommageables pour le parti. La porte-parole insiste cependant pour que l’affaire ne soit pas étouffée.

C’est une des scènes marquantes de la série dramatique taïwanaise arrivée sur Netflix en juin, Wave Makers. Et rapidement, la réalité a dépassé la fiction. La série a inspiré une vague sans précédent de dénonciations de harcèlement sexuel à Taïwan.

Je pensais moi aussi que je pouvais laisser tomber l’affaire, mais récemment, quand j'ai regardé l'émission de télévision, j'ai été submergée d’émotions et j'ai pleuré jusqu'à ce que je sois presque morte, peut-on lire dans la touchante dénonciation qui a lancé la vague.

Cette dénonciation, publiée sur Facebook le 31 mai, faisait directement référence à cette scène de la série. Une ancienne employée du parti au pouvoir à Taïwan, le Parti démocrate progressiste (PDP), y accusait un directeur du parti de harcèlement sexuel.

Depuis, près d’une trentaine de figures connues et haut placées dans les sphères politiques ont été dénoncées. Plusieurs ont démissionné, dont Yan Chih-fa, qui était jusqu’à mardi le conseiller en matière de politique nationale pour la présidente Tsai Ing-wen. On l’accuse d’avoir harcelé une employée d’un groupe d’appui à la présidente en 2018.

La secrétaire générale adjointe du parti, Hsu Chia-tien, a aussi démissionné. Celle qui a déjà été à la tête du département des Affaires féminines du parti était accusée d’avoir étouffé une affaire de harcèlement dans le parti.

J'ai l'impression que les récentes allégations témoignent vraiment de l'importance des représentations médiatiques populaires de l'autonomisation des femmes et de la manière de traiter de manière positive un incident de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, affirme Darice Chang, de la marche pour les femmes de Taïwan.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la récente vague d'allégations n'aurait pas eu lieu sans le drame de Netflix Wave Makers, poursuit-elle. La plupart du temps, les gens ont besoin de le voir pour le croire; c'est pourquoi, par exemple, à Hollywood, nous avons vu une telle poussée pour la représentation américaine d'origine asiatique ces derniers temps. C’est une question de représentation.

 La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen.

La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen.

Photo : Reuters / DAVID SWANSON

Le principal parti d’opposition, le Kuomintang (KMT), est aussi visé par des dénonciations, mais le mouvement est d’une ampleur telle au sein du PDP que la présidente Tsai Ing-wen a présenté ses excuses à la population à deux reprises déjà. Le mouvement va à l’encontre de tout ce qu’elle a tenté de bâtir. La première présidente de l’histoire de l’île vante Taïwan comme étant une oasis d’égalité et de justice sociale en Asie depuis son élection en 2016.

En tant que société, nous devons nous rééduquer sur le fait que les personnes victimes de harcèlement sexuel sont les victimes, et non les personnes en tort. Ce sont les personnes que nous voulons protéger, pas les personnes que nous voulons traiter avec des préjugés, a écrit la présidente Tsai Ing-wen sur son compte Facebook mardi.

Le mouvement #MoiAussi de Taïwan survient à quelques mois des élections présidentielles cruciales de janvier prochain, des élections à saveur référendaire sur le comportement à adopter face aux pressions et menaces croissantes chinoises. Le PDP au pouvoir a une mince longueur d’avance sur les partis d’opposition et la vague de dénonciations pourrait devenir un facteur important dans la campagne qui se mettra réellement en branle à l’automne.

Au-delà de la politique, d’autres personnalités marquantes de Taïwan font l’objet de dénonciations. Le directeur de l’Institut des films et de l’audiovisuel et même Wang Dan, un des leaders du mouvement étudiant des manifestations de la place Tiananmen en 1989, sont visés. On l’accuse de tentative de viol en 2014.

Vers une modification des lois

Dans ses excuses de mardi dernier sur Facebook, la présidente taïwanaise a annoncé qu’elle avait demandé au président du Yuan exécutif (le pouvoir exécutif) de réviser les lois en vigueur en s’inspirant, entre autres, des pratiques aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande.

Dans le système actuel, le mécanisme pour les plaintes ne fonctionne pas comme il faut, expliquait cette semaine le député Cheng Yun-peng lorsqu’il a détaillé le projet. La présidente souhaite renforcer l’intervention d’une tierce partie indépendante de l’établissement où travaille la victime, qui peut être une organisation consacrée à l’égalité des sexes ou une fondation proposant du soutien juridique.

L’intervention de ces organisations permettra aux victimes de porter plainte sans passer par un bureau de leur propre établissement, et donc d’éviter la crainte des regards de leurs collègues, qui pourraient constituer une pression dissuasive.

Après la vague de dénonciations actuelles suivront plusieurs procès. Or, selon les lois actuelles, les chances de victoires des victimes paraissent minces, selon des experts taïwanais.

Les chiffres officiels font état de 2100 cas de harcèlement sexuel rapportés l’an dernier à Taïwan. De nombreuses victimes se sentent encore intimidées aujourd’hui et la perspective de voir la justice se ranger du côté des accusés ne favorise pas les dénonciations.

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