AnalyseDes cailloux dans les souliers de Doug Ford cet été?

Ceinture de verdure, crise dans les petits hôpitaux, élection à Toronto, négociations avec les syndicats d'enseignants : plusieurs dossiers à suivre dans les prochains mois.
Photo : La Presse canadienne / Tijana Martin
« Puis-je avoir une prolongation d’une heure pour parler de tous nos accomplissements, monsieur le président? » : À Queen’s Park jeudi, au moment des bilans avant une longue pause estivale, le premier ministre Doug Ford a voulu montrer qu’il en avait long à dire sur les réalisations de son administration.
C’est vrai que ce gouvernement a vraiment livré la marchandise – si vous êtes un riche promoteur immobilier avec des accès privilégiés
, rétorque la cheffe du NPD Marit Stiles.
Un an après leur réélection, les progressistes-conservateurs ontariens ont entamé les grands chantiers qui leur tiennent à coeur : une réforme du système de santé qui implique davantage les cliniques privées, un plan pour faciliter la construction de 1,5 million d’habitations, des investissements dans la filière des véhicules électriques.
Ces changements n'ont pas fait l'unanimité; le gouvernement Ford a maintenant un été complet – et trois ans avant la prochaine élection – pour faire avaler la pilule. Mais même pendant le congé parlementaire, certains dossiers pourraient continuer à le tracasser.
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La ceinture de verdure
C’est sans doute le mot de l’année à Queen’s Park : “greenbelt”. La décision d’ouvrir une partie de cette zone protégée de la région de Toronto à la construction de logements – et le lien entre Doug Ford et les promoteurs immobiliers – est encore jour après jour une ligne d’attaque de l’opposition.
Le sujet ne s’épuisera pas de sitôt puisque des enquêtes indépendantes du commissaire à l’intégrité et de la vérificatrice générale de l’Ontario en lien avec la ceinture de verdure sont toujours en cours. Les conclusions de ces investigations pourraient donner d’autres munitions à l’opposition dans les mois à venir.
Fermetures de salles d'urgence
Rarement une petite localité n’aura autant fait parler d’elle à Queen’s Park : dans les dernières semaines, les députés (et les journalistes) ont appris à situer Minden sur la carte de l’Ontario. Cette communauté a perdu le service d’urgence de son hôpital depuis le 1er juin, faute de ressources. Une décision vivement contestée par les résidents, qui ont plusieurs fois fait le déplacement à Toronto pour réclamer l’intervention du gouvernement Ford.
Fait notable : il y a dans la région de Minden de nombreux électeurs du Parti progressiste-conservateur. Plusieurs commerçants du coin l’ont dit ouvertement : ils ont voté pour Doug Ford et sa députée Laurie Scott, mais se sentent aujourd’hui abandonnés. Pour l’instant, le gouvernement répète que les hôpitaux prennent leurs propres décisions logistiques.
Doug Ford fait sans doute le pari que, d’ici trois ans, les quelque 7000 résidents de Minden se seront accoutumés à une vie sans salle d’urgence et seront passés à autre chose.

La population de Minden s'est mobilisée pour protester contre la fermeture de la salle d'urgence locale.
Photo : La Presse canadienne / Avec l'autorisation de Patrick Porzuczek, « Save Minden ER »
Mais la communauté de Minden est devenue le symbole d’un phénomène plus large dans la province : des dizaines d’autres hôpitaux ruraux et du Nord sont forcés de réduire leurs services, parfois temporairement et dans certains cas de façon permanente, à cause d’un manque de personnel. Tout ça alors que plus de deux millions d’Ontariens n’ont pas accès à un médecin de famille, rappelle l’opposition, qui craint par ailleurs de voir un exode des médecins et infirmières du secteur public vers les nouvelles cliniques privées.
Si l’été dans les hôpitaux est chaotique, ce sera une tache pour le gouvernement.
Un nouveau maire à Toronto
Doug Ford croit que les Torontois seront cuits
s’ils élisent un maire de gauche lors du scrutin du 26 juin. Le premier ministre veut surtout s’assurer qu’il aura un interlocuteur à l’hôtel de ville qui partage ses idées. Son candidat tout choisi est l’ancien chef de la police Mark Saunders.
D’autres aspirants maires – Olivia Chow, Josh Matlow – ont déjà déclaré qu’ils seraient prêts à mettre des bâtons dans les roues du premier ministre, notamment dans le dossier du réaménagement de la Place de l’Ontario.
Cette élection partielle, après la démission surprise de John Tory, n’était certainement pas prévue au programme pour Doug Ford, qui venait tout juste d’octroyer des pouvoirs spéciaux au maire de Toronto.
Négociations syndicales
Le ministre de l’Éducation l’a affirmé avant de conclure les travaux parlementaires : la province continuera de négocier de bonne foi
avec les syndicats d’enseignants cet été, pour le renouvellement de leurs conventions collectives.
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