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La langue taïwanaise, outil contre la désinformation chinoise

Des enfants et des adultes assis en cercle par terre

Une séance du groupe Taigiloo, ou « La voie taïwanaise ».

Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh

L’apprentissage de la langue taïwanaise, un mélange unique de langues chinoises, de japonais et de langues autochtones, est en plein essor sur la petite île de 24 millions d’habitants.

En raison des tensions avec la Chine, de nombreux Taïwanais veulent se réapproprier leur culture et se défendre contre la désinformation chinoise en mandarin.

Dans une petite pièce parsemée de jouets et de livres de toutes sortes, quelques parents sont assis en cercle avec leurs enfants de 2 à 7 ans. L’œil rieur et le visage heureux, ils chantent Si tu aimes le soleil. C’est une comptine reconnaissable dans toutes les langues et, dans ce cas-ci, un moyen ludique de faire l'apprentissage du taïwanais.

La jeune mère qui entraîne les autres à chanter la comptine, Chen Yu-Chen, ne parle à ses enfants de 2 et 5 ans qu’en taïwanais afin de leur transmettre la langue. Son conjoint, lui, a fait le choix de parler aux enfants en mandarin, la langue usuelle sur l’île.

Comme beaucoup de personnes, je parlais le taïwanais avec mes grands-parents quand j’étais toute petite, dit Chen Yu-Chen. Je l’ai ensuite perdu peu à peu, car je n’avais plus d’occasion de le parler. Après avoir eu mon enfant, je me suis demandé ce que cette langue représentait pour moi. J’ai décidé de créer un environnement où ils pourront apprendre le taïwanais.

Chen Yu-Chen participe aux activités d'un groupe d’entraide appelé Taigiloo (La voie taïwanaise), qui contribue à l’enseignement de la langue. Les rencontres avec parents et enfants ont lieu une ou deux fois par semaine. Elles permettent aux enfants d’apprendre le taïwanais grâce, entre autres, à des jeux, à des chansons et à des activités en cuisine.

Le taïwanais appartient à la famille des langues minnan du sud de la Chine, et il a aussi été façonné par le japonais et les langues autochtones. Après avoir été interdit pendant des décennies de régime autocratique, il est parlé aujourd'hui par à peine 15 % des résidents de Taipei. La langue est cependant plus couramment utilisée dans le sud. Par exemple, dans la ville portuaire de Kaohsiung, près de la moitié des résidents peuvent le parler.

Selon un sondage national effectué il y a trois ans, 60 % des répondants comprennent le taïwanais, mais le parler s’avère difficile pour eux. Plus les répondants sont jeunes, moins leur compréhension est bonne.

La responsable du groupe La voie taïwanaise de Nouveau Taipei qui existe depuis trois ans, Chang Yin-Sin, souhaite simplement que ses enfants puissent parler à leurs grands-parents et comprendre leur histoire. C'est ce qui la motive.

Des enfants lisent un livre avec des adultes

Des enfants lisent des histoires en taïwanais.

Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh

J’explique à mes propres enfants pourquoi c’est important de connaître la langue, pourquoi peu de personnes la parlent aujourd’hui. Ils doivent comprendre qui ils sont.

Des multinationales comme Ford, Toyota et McDonald's font maintenant de la publicité à la télévision en taïwanais, et ces publicités sont rapidement devenues virales en ligne cette année. Elles sont facilement reconnaissables, car elles contiennent des sous-titres en mandarin. Ces campagnes publicitaires sont un signe du regain de popularité de la langue.

Le parti nationaliste au pouvoir depuis 2016, le Parti progressif démocratique (DPP), a d’ailleurs investi massivement dans l’apprentissage du taïwanais et des langues autochtones. Le financement accordé est 100 fois plus important qu’il y a 10 ans; il est passé de 20 millions de nouveaux dollars taïwanais à 2 milliards (de 870 000 $ à 87 millions de dollars canadiens).

Le taïwanais est à la mode chez les jeunes

La langue est d’ailleurs utilisée dans tous les transports en commun de Taïwan, au même titre que le mandarin et l’anglais.

Résultats de ces efforts : les inscriptions aux départements taïwanais à l’université ont augmenté. Les élèves du primaire et du secondaire dont la langue maternelle des parents est le taïwanais ont l’obligation de suivre quelques cours chaque semaine. L’ajout de cours au secondaire a été adopté il y a deux ans.

Le taïwanais est à la mode chez les jeunes, explique Hô Sin Han, professeur adjoint au Département de langue taïwanaise de l’Université d’éducation nationale de Taichung. Auparavant c’était perçu comme la langue de la classe inférieure, ajoute-t-il.

Ce regain de popularité est aussi une façon de résister à la désinformation chinoise, selon Chang Yin-Sin, l’organisatrice du groupe La voie taïwanaise.

Plus nous serons nombreux à parler le taïwanais, moins l’incidence des fausses nouvelles sera grande, car les Chinois ne parlent pas notre langue. Ils manipulent l’information et nous bombardent de désinformation, mais en mandarin.

Une citation de Chang Yin-Sin, l’organisatrice du groupe La voie taïwanaise (Taigiloo)

Selon le professeur Hô Sin Han, la langue est un outil rassembleur qui peut rendre les Taïwanais plus forts face à la puissance qu’est la Chine.

Quand des petits pays affrontent de grandes puissances, la population doit être encore plus forte et soudée. La langue peut faire ça, encore plus ici, puisqu’elle est unique. Prenez le cas de l’Ukraine, dont la langue est très proche du russe. Les Russes ont pu faire de la désinformation depuis le début de la guerre.

Résistance, retour aux sources, apprentissage d’une partie de l’histoire noire de l’île : peu importe les raisons, la renaissance de la langue taïwanaise est bien réelle.

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