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AnalyseUne économie qui carbure à l’endettement

La main d'une personne qui glisse une carte dans une borne de paiement à une caisse.

La dette moyenne des ménages en proportion du PIB est passée à 107 % en 2021 au Canada.

Photo : iStock / Getty Images / PeopleImages

Notre économie s’appuie, en grande partie, sur la consommation et, par extension depuis plusieurs décennies, sur l’endettement. La dette moyenne des ménages en proportion du PIB est passée de 80 % en 2008 à 95 % en 2010, puis à 107 % en 2021 au Canada, soit le niveau le plus élevé du G7. Cette situation pourrait-elle devenir intenable?

Dans une note économique publiée le 23 mai, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) affirmait qu’à mesure que les prix des habitations augmentent au Canada, la dette contractée par les ménages augmente aussi et fait croître le montant total de la dette dans l’économie.

Cette situation n’est pas sur le point de se résorber. La hausse des taux d’intérêt au Canada depuis janvier 2022 va entraîner une majoration de 20 à 40 % des paiements hypothécaires pour la majorité des ménages canadiens qui ont des hypothèques, une hausse qui pourrait, pour certains, être encore plus salée.

Pour les prêts hypothécaires à taux fixe, la plus forte augmentation moyenne des versements au renouvellement aura lieu en 2025 et en 2026, se situant entre 20 % et 25 %, écrivait la Banque du Canada dans sa Revue du système financier, le 18 mai.

Du côté des prêts hypothécaires à taux variable, la hausse avoisine déjà les 50 % pour les ménages qui ont opté pour des versements variables. Pour ceux qui ont choisi des versements fixes, si le renouvellement a lieu en 2025 ou en 2026, une augmentation d’environ 40 % sera requise pour conserver la période d’amortissement initiale.

Des ménages très vulnérables

La SCHL est catégorique : Certains signes avant-coureurs nous laissent croire que de plus en plus de consommateurs éprouvent des difficultés financières. [...] Compte tenu de l’endettement des ménages canadiens, des taux d’intérêt plus élevés freineraient encore davantage la croissance économique.

Ce sont les ménages à faible revenu qui sont une fois de plus les plus à risque, selon la SCHL. Ils dépendent de leur emploi pour rembourser leur dette, et leur vulnérabilité aux ralentissements économiques est disproportionnée. Aujourd’hui, ils subissent une réelle pression en raison de la hausse des coûts du logement.

De plus en plus de ménages doivent se tourner vers leurs cartes de crédit pour payer toutes leurs dépenses. Selon Equifax, les dépenses mensuelles moyennes ont augmenté de 21,5 % au 1er trimestre 2023 par rapport à la situation qui prévalait avant le début de la pandémie. Grosso modo, ces dépenses se sont élevées à 2200 $ en début d’année, soit environ 400 $ de plus par mois qu’au début de 2020.

De plus, 175 000 consommateurs supplémentaires ont manqué des paiements sur au moins un produit, en début d’année 2023, en hausse de 18,8 % par rapport à l'année précédente. Et les soldes des cartes de crédit ont grimpé de 14,5 % d'une année à l'autre.

La situation pourrait empirer lorsque l’effet des hausses de taux depuis le début de 2022 commencera à se faire sentir véritablement d’ici la fin de l’année. Malgré cela, la Banque du Canada a décidé de mettre fin à la pause annoncée en janvier dans les hausses de taux en annonçant une majoration de 25 points de base du taux directeur, pour le porter à 4,75 %. C’est son plus haut niveau depuis 2001.

La banque centrale se montre inquiète de voir l’inflation demeurer à un haut niveau. On s’inquiète davantage de la possibilité que l’inflation mesurée par l’IPC reste coincée nettement au-dessus de la cible de 2 %, indique la Banque du Canada dans son communiqué.

Un tel niveau d’inflation pourrait entraîner des dommages encore plus importants dans l’économie, selon la banque centrale, qui se dit déterminée à rétablir la stabilité des prix pour les Canadiennes et les Canadiens.

De plus en plus de problèmes financiers

Dans une note économique publiée jeudi, les économistes de la RBC affirment que le Canada se dirige inévitablement vers la récession. Il s'agira d’un atterrissage chaotique, et non en douceur, selon la RBC. Les experts de l’institution prévoient d'autres hausses de taux d’intérêt au pays, même si l'économie ralentit.

Pour espérer un atterrissage en douceur, il faudrait voir le niveau de l’inflation revenir rapidement à 2 % sans que la banque centrale se sente obligée d’augmenter davantage les taux. De toute évidence, nous ne sommes pas engagés dans ce scénario.

Les ménages canadiens ont montré beaucoup de résilience jusqu’à maintenant, écrivait l’économiste en chef de l’Alberta Central, Charles Saint-Arnaud, dans un texte publié dans le Globe and Mail, le 23 mai. Mais cette résilience arrive peut-être à son terme.

Il y a deux chocs majeurs qui frappent le pouvoir d’achat des consommateurs : la hausse du coût de la vie et la montée rapide des taux d’intérêt, ce qui force les consommateurs à consacrer une plus grande part de leur revenu au remboursement de leur dette.

D’ailleurs, selon le Bureau du surintendant des faillites, le nombre de propositions et de faillites de consommateurs au 1er trimestre 2023 était en hausse de 19,4 % par rapport à la même période l’an passé. La hausse est de 36,5 % pour les entreprises.

La hausse rapide des faillites pourrait dégénérer en pertes significatives pour les banques, les forçant à réduire l’accès au crédit, avec un affaiblissement renouvelé potentiel du marché immobilier, avec un impact majeur sur l’ensemble de l’économie, selon Charles Saint-Arnaud.

Donc, dans les circonstances, il faut surveiller de près le marché du travail. Aussi longtemps que l’emploi demeure résilient, on est capable d’absorber ces hausses de taux d’intérêt, nous disait l’économiste Clément Gignac à Zone économie, mercredi.

Heureusement que le chômage est extrêmement faible et qu’il y a pénurie de main-d'œuvre, dans les circonstances. Mais si la hausse des taux d’intérêt finit par frapper réellement la confiance des citoyens et des entreprises, et la consommation au sens large, des fissures pourraient apparaître dans le marché du travail, ce qui pourrait avoir un impact direct sur les ménages les plus endettés. Ce scénario, celui de l’atterrissage abrupt dont parlent les experts de la RBC, n’est pas du tout à exclure.

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