428 ouvriers de construction sont morts à cause des opioïdes en trois ans en Ontario

Face à la crise des opioïdes dans le secteur de la construction, le gouvernement Ford exige que tous les chantiers de l’Ontario soient équipés de trousses de naloxone. (Image d'archives)
Photo : Radio-Canada / Patrick Andre Perron
Selon un rapport de l’Ontario Drug and Policy Network, 428 personnes qui ont travaillé dans l'industrie de la construction ont perdu la vie en raison d'une surdose d'opioïdes entre juillet 2017 et novembre 2020 dans la province. Face à ce fléau, le gouvernement Ford exige désormais que tous les chantiers de construction de l’Ontario soient équipés de trousses de naloxone, « un médicament qui agit rapidement pour renverser temporairement les effets d'une surdose d'opioïdes », selon Santé Canada.
Parmi les personnes qui avaient un emploi lorsqu’elles sont mortes à cause d'une surconsommation d'opioïdes en 2020, 30 % étaient des ouvriers du secteur de la construction, selon le rapport publié en juillet 2022.

La naloxone est un médicament sécuritaire qui peut contrecarrer les effets d'une surdose d'opioïdes.
Photo : Radio-Canada / Dominique Degre
Au total, près de 8 % des décès liés aux opioïdes touchent des travailleurs de la construction alors que ces ouvriers ne représentent qu'environ 3,5 % de la population ontarienne.
Oui, ce pourcentage démontre un certain risque en construction
, admet le vice-président du Residential Construction Council of Ontario (RESCON), Andrew Pariser.
Il indique que c’est pourtant une faible portion de l’ensemble des travailleurs de la construction.
Je crois qu’il y a une stigmatisation quand on parle du nombre de personnes en construction qui sont réellement dépendantes des opioïdes.

Andrew Pariser est le vice-président de RESCON, une association qui représente de nouvelles constructions dans la région du Grand Toronto.
Photo : Rescon
En Ontario, on compte près de 600 000 ouvriers dans le domaine de la construction. L’étude parle de 428 personnes décédées [en trois ans] qui étaient des ouvriers ou l'avaient été récemment. C’est donc un très petit pourcentage de l’ensemble des travailleurs
, explique-t-il.
Plus de 98 % des travailleurs de la construction morts [entre 2018 et 2020] à cause des opioïdes sont des hommes.
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La naloxone : un outil de prévention
Selon le rapport de l'Ontario Drug and Policy Network, près de 80 % des décès se produisent dans des résidences personnelles et moins de 2 % ont eu lieu sur les chantiers de construction.
Andrew Pariser croit cependant qu’avoir des trousses de naloxone accessibles dans les chantiers de construction est très important pour la prévention.
Nous voulons atténuer les risques et nous assurer que ces trousses de naloxone se trouvent à proximité des gens qui travaillent.

La naloxone, qui annule temporairement les effets d’une surdose d’opioïdes, est offerte sous forme de vaporisateur nasal.
Photo : CBC/Kirk Fraser
Par ailleurs, plusieurs membres de RESCON, qui représente des entrepreneurs généraux résidentiels dans la province, souhaitaient avoir des trousses de naloxone sur leurs chantiers avant même que la province ne le demande.
Jusqu'ici, les trousses de naloxone n’ont pas encore été utilisées, mais puisque c’est tellement facile à utiliser, ça va sans dire que c’est positif de les avoir aux chantiers de construction
, renchérit M. Pariser.

Le travail de la construction peut parfois être perçu comme dangereux et exigeant.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Trickey
L’idée est que, à un grand chantier de construction par exemple, une trousse qui se trouve au bureau de chantier ne pourra pas servir à quelqu’un qui travaille au cinquantième étage.
Selon le rapport de l'Ontario Drug and Policy Network, dans seulement 17,5 % des décès liés aux opioïdes chez les travailleurs de la construction, une personne était présente pour intervenir. Et dans ce cas de figure, la naloxone a été administrée seulement une fois sur deux.
La naloxone, qui annule temporairement les effets d’une surdose d’opioïdes, est offerte sous forme de vaporisateur nasal.

En tout, près de 8 % des personnes mortes de surdose liée aux opioïdes entre juillet 2017 et novembre 2020 étaient des travailleurs du milieu de la construction, selon des chercheurs.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Trickey
Caroline Lavoie, infirmière et experte en santé mentale pour Santé publique Sudbury et districts, constate que c’est assez facile d’administrer la naloxone à quelqu’un qui fait une surdose.
C’est la même idée qu’un défibrillateur qu’on utilise pour les arrêts cardiaques. C’est d’avoir cet outil pour la communauté, pour être prêt à répondre à des urgences
, explique l’infirmière.
C’est une solution qu’on veut, puisqu’on veut préparer le public pour qu’on puisse tous s’entraider.
Par ailleurs, Caroline Lavoie indique que, bien que les trousses de naloxone soient un outil important pour s’attaquer aux surdoses mortelles d’opioïdes, ce n’est qu’une solution à court terme et qu’il faut aussi des solutions à plus long terme.
L’éducation avant tout
Sur le terrain, certains travailleurs ne savent pas où trouver les trousses de naloxone sur leur chantier ni même de quoi il s’agit.
Gurdil Kaler est un agent de sécurité sur un chantier de construction au centre-ville de Toronto et il ne sait pas s’il y a une trousse de naloxone sur place.

Plusieurs membres de RESCON voulaient avoir des trousses de naloxone sur leurs chantiers avant même que la province ne le demande.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Trickey
La plupart des personnes ici sont des ouvriers ou des agents de sécurité, donc je ne crois pas que ce soit nécessaire, bien qu’avoir une trousse soit une bonne précaution, puisqu’on ne sait jamais ce qui pourrait arriver
, dit-il.
Par ailleurs, M. Kaler indique qu’il n’a jamais vu des travailleurs consommer des drogues sur chantier depuis qu’il travaille dans le domaine.
De son côté, Andrew Pariser explique que, même si les travailleurs ne consomment pas pendant qu'ils travaillent, c’est possible que ce soit le cas durant les pauses.

Sur le terrain, certains travailleurs de la construction ne savent pas où trouver les trousses de naloxone sur leur chantier ni de quoi il s’agit.
Photo : Radio-Canada / Anne-Marie Trickey
Et c’est très important de donner le plus d’information possible en ce qui concerne la naloxone.
Si nous avons une conversation au travail, il y a plus de chances que nos employés en construction aient de la naloxone à portée de main quand ils consomment à l’extérieur du travail
, précise le vice-président de RESCON.
Andrew Pariser souligne donc que l’éducation et la formation doivent être au cœur de la stratégie pour distribuer les trousses de naloxone et protéger le plus possible les travailleurs de la construction des surdoses d’opioïdes.