La communauté LGBTQ+ « furieuse » et « déçue » après les changements à la politique 713

Frustration, énervement et déception règnent dans la communauté LGBTQ+ après l’annonce des changements à la politique 713 sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle dans les écoles du Nouveau-Brunswick.
Le ministre de l'Éducation, Bill Hogan, a annoncé jeudi les changements à la politique 713 qui entreront en vigueur le 1er juillet.
Dorénavant, les élèves de moins de 16 ans devront obtenir le consentement de leurs parents pour utiliser un prénom ou un pronom de leur choix à l’école.
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Si l'élève ne veut pas que ses parents soient informés ou si cela n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant ou risque de nuire à l’élève, il sera orienté vers un professionnel scolaire, par exemple un travailleur social ou un psychologue.
La communication avec les parents ne sera pas forcée, mais sans leur consentement, le personnel de l'école sera obligé d'utiliser le prénom et le genre assigné à la naissance.
Les élèves de plus de 16 ans pourront utiliser le prénom ou pronom de leur choix à l’école sans que les parents soient avisés.
Une décision incompréhensible, disent des élèves
Pour des élèves du comité Diversité de l’école Mathieu-Martin à Dieppe, cette décision est incompréhensible.
Je suis furieuse parce que vraiment, ça met en danger tellement d’élèves à l’école d’arrêter le droit d’utilisation de leur nom à l’école entre enseignants et élèves
, affirme Ailsa Kieser, élève en 11e année dans l’établissement qui a contribué à une lettre envoyée au ministre Hogan.

Marianne Labbé et Ailsa Kieser sont membres du comité Diversité de l'école Mathieu-Martin de Dieppe.
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
Ça fait trois ans que la politique est en place maintenant, on est retournés trois ans en arrière juste pour avoir quelque chose qui met en danger les élèves, les rend inconfortables et c'est à mon avis triste
, poursuit Ailsa Kieser.
Marianne Labbé se dit déçue
des changements apportés. L’élève a participé à une rencontre avec le ministre de l’Éducation en compagnie d’autres camarades.
C'est comme si nos opinions [n']ont pas été écoutées. On était plein d'élèves qui ont tou[s] parlé, qui ont vraiment donné : regarde, ça, c'est ce qui pourrait être mieux à changer, ça, c'est ce qui est le meilleur pour les élèves queers du Nouveau-Brunswick
, explique Marianne Labbé.

Ophélie Chiasson, représentante Sud dans le conseil de direction de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB).
Photo : Radio-Canada / OCEANE DOUCET
Du côté de la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB), les changements annoncés arrivent comme un choc. La FJFNB se dit inquiète.
Dans notre consultation avec le ministre Hogan, on avait mis de l’avant la sécurité des élèves dans les écoles et on a peur que cette nouvelle révision va complètement enlever cette sécurité et cette protection aux élèves dans les écoles
, explique Ophélie Chiasson, représentante Sud du conseil de direction de la FJFNB.

Caitlin Furlong, agente de communication de Fierté Dieppe Pride
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
Caitlin Furlong, responsable des communications pour l’organisme Fierté Dieppe Pride, est d'avis que ces changements auront des effets néfastes sur les jeunes
et sur leur sécurité.
À l'école, si on enlève ça et de, jour après jour, se faire appeler par son deadname et se faire appeler par un pronom qui [ne] correspond pas à son identité de genre, à chaque jour, c'est comme le couteau qui tourne dans la plaie, et faut qu'ils vivent ça à chaque jour
, dit-elle.
« Ça crée de la haine et de la division »
Pour les enseignants, c'est également l'incompréhension. Nathalie Brideau, présidente de l'Association des enseignantes et des enseignants francophones du N.-B. (AEFNB) croit que les changements apportés à la politique 713 créent de l’insécurité chez les jeunes et les enseignants. Ça crée de la haine et de la division
.

Nathalie Brideau, présidente de l'Association des enseignantes et enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB) estime que les changements « crée de la haine et de la division ».
Photo : Radio-Canada
La présidente de l'AEFNB estime également que le gouvernement se précipite pour l'application de ces changements. Elle estime que s'ils devaient être mis en place, il n'est pas possible qu'ils le soient dans un laps de temps aussi court puisque les révisions doivent être en vigueur au 1er juillet.
Ça nous prend des outils, des ressources, de la formation. On ne peut pas juste changer des politiques et que ça ne vienne pas sans qu’on accompagne les enseignants qui sont à l’école
, estime Nathalie Brideau.
Certains enseignants se disent très inquiets pour leurs élèves et affirment d'ores et déjà qu'ils refuseront de ne pas utiliser les prénoms et pronoms souhaités par les enfants même sans consentement des parents.

L'enseignant et responsable du comité Alliance de l'école Louis-J.-Robichaud de Shédiac, Adrien Buotte.
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
Adrien Buote, enseignant et responsable du comité Alliance de l’école Louis-J.-Robichaud à Shediac explique qu'il s'agit d'une question de sécurité pour ses élèves.
Je peux pas mettre mes élèves en danger comme ça. On sait que les taux de tentatives de suicide sont beaucoup plus élevés chez les élèves de la communauté queers que chez tous les autres élèves puis on sait que faire des actions comme ça, ça nuit à sa santé mentale et ça peut mener à des tentatives de suicices. Ceci est une politique qui va nuire à l’éducation de ces élèves là
, croit Adrien Buote.
Une révision inutile
La présidente par intérim du groupe Alter Acadie, Emily Muckler, croit que toute cette révision est inutile, car la majorité des gens étaient en faveur de cette politique.

Emily Muckler, présidente par intérim du groupe Alter Acadie
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
Toute cette révision-là, on la juge inutile et justement dangereuse pour les gens queers dans le système scolaire, les enseignants autant que les étudiants élèves queers
, dit-elle.
La communauté devra se faire entendre, selon elle. C'est la communauté qui va devoir se positionner, c'est nous qui [allons] devoir prendre le lead sur cette question-là, [il] va falloir aller donner cette éducation-là si le gouvernement ne veut pas laisser ça avoir sa place dans le système scolaire, dans le fond.
Une maman inquiète
Nathalie Comeau est d'avis que toute cette révision a rendu les choses encore plus floues
.

Nathalie Comeau (gauche) et Marianne Arseneau (droite) lors d'une manifestation d'appui à la politique 713 au Nouveau-Brunswick, le 13 mai 2023 devant l'édifice de l'Assemblée législative, à Fredericton.
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
J'ai deux enfants qui font partie de la communauté LGBTQ+ et, pour nous, ça se passe bien à la maison. Mais je sais que ce n'est pas pour tout le monde, et puis c'est très, très important que les enfants puissent faire les changements qu'ils veulent faire, à leur rythme.
Avec des informations d'Isabelle Arseneau et Anne-Marie Parenteau