Un doctorat honoris causa s’abat sur Dany Laferrière « comme une pluie tropicale »

Docteur honoris causa de l'Université Simon Fraser, Dany Laferrière croit qu'il faut faire entendre d'autres langues et que cela donne cette coloration universelle à une université.
Photo : Radio-Canada / Victoria Kopiloff
L’écrivain québécois d’origine haïtienne Dany Laferrière a reçu un doctorat honorifique de l’Université Simon Fraser (SFU) en Colombie-Britannique pour l’ensemble de son œuvre.
Le doctorat honoris causa, c'est magnifique. Ça vous tombe dessus comme une pluie tropicale.
Dany Laferrière ne s’attendait pas à un tel honneur des académiciens de la Colombie-Britannique. Un coup de fil, alors qu’il était à Paris, lui a annoncé la nouvelle. J'étais très très touché parce que c'est souvent ce genre d'études qu'on n'a pas faites
, reconnaît l’écrivain aux 36 romans.
Mais pas de surprise avec la littérature. Avec une carrière longue de 38 ans, les mots n’ont plus de secret pour Dany Laferrière. Il les manie avec élégance et cette prose est omniprésente chez l’écrivain qui voit en ce titre un pont extraordinaire entre les cultures.
Le doctorat honoris causa, ça dépasse les frontières. On doit vraiment accorder une importance à tout ce qui relie le monde, qui retisse le monde pour en faire un monde complet.
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Loin de la pluie tropicale de son pays natal, mais sous une chaleur qui peut-être rappelle celle de Port-au-Prince, l’écrivain haïtien s’est adressé à une foule d’étudiants. Tout comme lui, les finissants de l'université étaient mis à l’honneur en ce jour de remise des diplômes.
Élu à l'Académie française en 2013, l’immortel a tenu son discours dans la langue de Molière, traduit dans celle de Shakespeare par son traducteur officiel David Homel et lu par le directeur général du Bureau des Affaires francophones de la SFU, Gino LeBlanc.
J'écris en français, et puis je ne connais pas d'autres langues, à part naturellement le créole.

Dany Laferrière reçoit le titre de docteur honoris causa de la SFU.
Photo : Radio-Canada
L’argent et le temps qui passe
Dany Laferrière a ouvert son discours par ces mots : À mes yeux, les chiffres mettent la vie à plat et à nu, plus que les faits. Les chiffres sont têtus. Les mots servent souvent à enrober les situations d’une certaine vaseline romantique. J’ai passé une grande partie de ma vie à voiler de rose les événements. Mais aujourd’hui grâce à ces 70 ans [...], je vais tenter une nouvelle forme littéraire que je nommerai, avec un romantisme fou, l’art de la comptabilité.

La cérémonie de remise des diplômes et du doctorat honorifique de Dany Laferrière à la SFU à Burnaby.
Photo : Radio-Canada
Le romancier s’est replongé dans son enfance et dans les aléas de la vie haïtienne dans un récit que les étudiants ont écouté religieusement. Il est revenu sur les années qui sont passées, a évoqué l’amour de sa grand-mère et le courage et la protection de sa mère. À 70 ans, M. Laferrière a fait le bilan de sa vie, un âge idéal pour un tel exercice de comptabilité et d’autobiographie.
Vous savez, quand on vient d'un pays comme Haïti où il y a des situations économiques désastreuses, des situations politiques terrifiantes, des situations de catastrophe naturelle comme un tremblement de terre et une autre épidémie; on n'est pas sûr de tenir dans la durée. Je suis très content d'avoir 70 ans, et de parler littérature encore et de parler des livres que je voudrais faire, d'être dans la vie, d'être dans le mouvement et dans le désir.
L’écrivain a glissé quelques conseils qui serviront certainement à cette génération qui s’apprête à affronter ce que beaucoup qualifient de la « vraie vie ». En comparant l’âge atteint en avril dernier à celui que comptabilisait sa mère lors de sa mort en 2017, le docteur honoris causa a conclu son discours par un calcul et une interrogation.
Il me reste dans le meilleur des cas, 30 centimes dans les poches. Comment vais-je les investir? Avec ma famille, peut-être.

Dany Laferrière après son discours d'honneur à la SFU.
Photo : Radio-Canada / Victoria Kopiloff
Si Dany Laferrière est reconnu à l'étranger, il demeure fier d’être honoré dans son pays d’adoption. Il continuera de partager ce que lui a appris son parcours mondial dans une discussion littéraire organisée en partenariat avec ICI Radio-Canada samedi dans les locaux de l'Université Simon Fraser, au centre-ville de Vancouver.
Avec les informations de Victoria Kopiloff