« On s’est sentis intimidés » : une entreprise d’alarmes incendie perd son permis

Le prévôt des incendies a indiqué que les produits d’Atlantic Health and Safety se vendaient entre 5000 $ et 15 000 $.
Photo : Facebook : Atlantic Health and Safety
Une entreprise d’alarme incendie a perdu son permis de vente au Nouveau-Brunswick. Il lui a été retiré, car on reprochait à Atlantic Health and Safety d'utiliser des techniques de vente agressives et d'employer des méthodes dangereuses lors de ses présentations de produits à domicile.
Jocelyne LeBlanc et son mari Jonathan Russell font partie de ceux qui ont accueilli une représentante de l’entreprise dans leur demeure, à Memramcook, le 15 août 2022.
La visite ne s’est pas très bien déroulée. On était un peu frustrés, parce qu’on ne savait pas que ça allait prendre deux à trois heures
, raconte mercredi Jocelyne LeBlanc. C’était la fête de l’Acadie et on était pressés.
La vendeuse leur présente des détecteurs de fumée, de chaleur et de fuite d’eau. Le total des achats proposés est de plusieurs milliers de dollars.
Jonathan Russell, un pompier volontaire, est ahuri lors de la démonstration.
Mon mari s’est choqué après elle parce que lui, il sait comment ça se passe [les incendies]
, explique Jocelyne LeBlanc. Il lui a dit : ''Vous essayez de faire peur aux gens pour les convaincre d’acheter cela.''
Le couple met la représentante à la porte.
Ils ont presque traumatisé les enfants
Manon Savoie, d’Irishtown, a pour sa part vu sur Facebook l’été dernier qu’Atlantic Health and Safety offrait des trousses de premiers soins gratuites aux gens qui acceptaient de faire un peu de publicité pour eux.
En échange d’une photo de famille avec le produit en main, l’entreprise viendrait le livrer à domicile. Preneuse, elle se plie au jeu.
Ils insistaient vraiment pour avoir un rendez-vous où moi et mon homme, on était là en même temps
, précise Manon Savoie.
Après de multiples appels insistants, la mère de famille finit par céder et reçoit chez elle un jeune représentant de l’entreprise. Son mari Serge et ses deux enfants, Zachary, 11 ans et Sarah, 7 ans, sont aussi à la maison.
Après avoir pris la photo, le représentant aurait enflammé une poêle dans la cuisine pour montrer l’efficacité de ses couvertures anti-feu et sorti son ordinateur pour commencer une présentation. Manon Savoie est surprise. Moi, je pensais que j’allais juste avoir mon kit.

Manon affirme que la trousse de premiers soins, bien garnie, était attrayante.
Photo : Manon Savoie
S’ensuit une longue séance de visionnement où se succèdent des images de familles dont le feu a détruit les vies. Le message : Vos alarmes ne sont pas efficaces, achetez les nôtres.
Un moment donné, Zachary a commencé à faire de l’anxiété, il a décollé
, raconte Manon Savoie. Je voyais que Serge commençait à perdre patience.
Lorsque Manon Savoie dit au vendeur que ses prix sont trop élevés, ce dernier appelle son supérieur et propose ensuite différentes offres.
Manon Savoie répond qu’elle ne veut pas faire d’achat immédiat, mais le représentant, obstiné, lui demande sa carte de crédit malgré son refus. Finalement, son mari dit au vendeur de quitter les lieux.
Le lendemain, Manon Savoie reçoit un appel d’une employée d’Atlantic Health and Safety qui lui propose encore des produits. Je leur ai dit, moi je m’excuse, mais la manière que vous faites cela, ce n’est pas correct
, raconte Manon Savoie. À la fin, on s’est sentis vraiment intimidés.
Elle a dû mettre une échelle pliable sous le lit de Zachary pendant plusieurs jours. Ainsi, il était rassuré d'avoir quelque chose pour sortir par la fenêtre si la maison prenait en feu.
Lanceur d’alerte
En mars, l’agent immobilier Chris McConaghy se cherchait un travail d’appoint pour arrondir ses fins de mois.
À première vue, le modèle d’affaires d’Atlantic Health and Safety semblait attrayant. J’étais quand même un peu sceptique, […] mais ils m’ont vite rassuré.
L’idée qu’on lui a vendue, avance-t-il, était que les visites à domicile avaient pour but d’éduquer les gens sur la sécurité contre des incendies.
Chris McConaghy s’inscrit alors à une formation de trois jours offerte au siège de l’entreprise, à Dieppe.

Chris McConaghy avait de nobles intentions lorsqu'il a décidé de se joindre à l'entreprise.
Photo : Gracieuseté : Chris McConaghy
On lui présente les produits et on lui fait visionner plusieurs vidéos qui devront être montrées lors du porte-à-porte. Il y avait beaucoup de témoignages de mères qui avaient perdu leurs enfants dans des incendies
, se rappelle Chris McConaghy.
Les futurs employés sont aussi encouragés à écouter des vidéos YouTube pour se familiariser avec ce qui déclenche les feux.
À la fin de sa formation, on demande à Chris McConaghy d’organiser dix présentations de produits à ses proches. Le but n’est pas de vendre, mais de s'entraîner, lui promet-on.
Chris McConaghy apprend quelques jours plus tard qu’Atlantic Health and Safety aurait communiqué sans son accord avec ses amis pour tenter de leur vendre, de façon agressive, des alarmes incendie.
Mal à l’aise, il décide d'arrêter l'aventure et fait une publication sur Facebook pour mettre en garde son entourage.
Ils ne disent pas aux gens le véritable objectif des consultations de sécurité. Ils m’ont menti
, écrit-il.
Indigne de confiance
, dit la FCNB
Atlantic Health and Safety n’est désormais plus autorisée à faire des ventes de porte-à-porte dans la province. La décision a été communiquée mercredi par la Commission des services financiers et des services aux consommateurs (FCNB).
Le Bureau du prévôt des incendies avait contacté la FCNB en mars pour signaler les plaintes qu'il avait reçues. En plus des démonstrations dangereuses, l'entreprise utilisait plusieurs tactiques de vente qui ont été répertoriées dans la décision de FCNB.
En voici quelques-unes :
- Êtes-vous prêt à mettre la vie de vos enfants en danger en n’installant pas ce système chez vous?
- Je ne me sens pas à l’aise de quitter votre domicile sans que notre technicien ait terminé son installation. Pensez à vos enfants.
- Les appareils que vous avez actuellement chez vous sont bons pour la poubelle et ne fonctionnent pas correctement. Ils doivent être enlevés immédiatement et remplacés.
L’entreprise a non seulement exposé des gens à un risque de blessures, mais a également compromis la sécurité des maisons
, déclare la directrice des services à la consommation de la FCNB, Alaina M. Nicholson.Nous jugeons que l’entreprise n’est pas qualifiée ou digne de confiance.
À lire aussi :
Radio-Canada n’a pas réussi à rejoindre Atlantic Health and Safety pour un commentaire. La messagerie vocale de l’entreprise, pleine, ne permet pas de laisser de messages.
La page Facebook de l’entreprise, active mercredi matin, n'existait plus en après-midi.