Congédié de la STS : Jean-Luc Roberge dit avoir été ciblé par Julie Dufour

La mairesse de Saguenay, Julie Dufour, a été visée par Jean-Luc Roberge mercredi.
Photo : Radio-Canada / Andréanne Larouche
Pour la première fois en six jours d’audiences, tout juste à la fin de son interrogatoire par l’avocat de la Société de transport du Saguenay (STS), l’ex-directeur général de la STS, Jean-Luc Roberge, a déballé son sac mercredi après-midi en réitérant qu’il avait été ciblé par la mairesse Julie Dufour.
Selon lui, la mairesse voulait sa tête.
Lors du procès de l’ancien directeur général devant le Tribunal administratif du travail (TAT), mercredi après-midi, il est revenu sur la thèse du congédiement politique.
Il a indiqué que le conseiller municipal Jean-Marc Crevier, qui était président de la STS au moment du dépôt du rapport de la vérificatrice générale et qu’il considérait comme un allié, partageait le même avis. Ceci dit, Jean-Marc Crevier a tout de même entériné la résolution du C.A. visant à suspendre M. Roberge avec solde le temps qu’une enquête soit réalisée par une firme externe.
Avec ce que j’ai vécu dans les jours précédant ma suspension avec solde. Je l’ai vue la joute politique. Je suis allé voir mon médecin et je lui ai dit : "Ça ne va pas pantoute. Je suis en train de perdre la tête." À partir des jours précédant ma suspension et jusqu’à ma suspension, j’ai l’impression d’être un criminel. Alors à ce moment-là, la loyauté envers mon employeur, ce n’est pas dans mon esprit
, a-t-il dit à la juge administrative Caroline Gagnon. Elle lui demandait alors s’il se sentait encore loyal envers son employeur.
Des échanges de textos
L’avocat de la STS, Me Félix-Antoine Michaud, a mis au jour d’autres échanges de textos entre Jean-Marc Crevier et Jean-Luc Roberge pendant la période où la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) procédait à des entrevues.
Après l’entrevue de Jean-Marc Crevier le 11 avril 2022, les deux hommes se sont parlé au téléphone pendant 45 minutes.
Une conversation d’environ la même durée a eu lieu le lendemain, le 12 avril, après la rencontre de Jean-Luc Roberge avec RCGT.
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Selon la preuve, les conseillers municipaux Jean-Marc Crevier et Michel Tremblay ont tenté de défendre Jean-Luc Roberge alors que le directeur général suspendu faisait l’objet d’une enquête menée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton.
Il a soulevé le fait que le 11 avril 2022, à la suite de l’entrevue de Jean-Marc Crevier avec les enquêteurs de RCGT, les deux hommes ont discuté pendant 45 minutes au téléphone.
M. Crevier m’a dit que Me Michaud avait été embauché pour me congédier. Jean-Marc Crevier m’a dit qu’il avait dit à M. Michaud qu’il ne pouvait pas l’empêcher de me parler. […] Que Mme Dufour [la mairesse] prenait bien soin de bien informer les conseillers municipaux qu’elle n’avait rien à voir avec ça, que ce n’était pas elle qui avait pris la décision de me congédier de la STS. C’est ce que M. Crevier m’a dit à plusieurs reprises dans ces dates-là
, a martelé Jean-Luc Roberge, la voix vacillante.

Le conseiller municipal Jean-Marc Crevier a siégé au conseil d'administration de la STS.
Photo : Radio-Canada / Priscilla Plamondon Lalancette
L’ex-directeur général, qui a œuvré pour la STS pendant 14 ans et qui était à la barre de l’organisme depuis 2008, a échangé avec Jean-Marc Crevier 14 fois entre le 7 mars et le 20 mai 2022, date du congédiement de Jean-Luc Roberge, selon la preuve avancée par le procureur de l’organisme, Me Félix-Antoine Michaud.
Il m’a dit : "Ce n’est pas à cause du rapport de la VG que tu as été mis dehors. C’est une décision politique. À mon sens, c’est illégal de congédier quelqu’un politiquement"
, a relaté Jean-Luc Roberge.
Me Félix-Antoine Michaud n’a pas manqué de rappeler que Jean-Marc Crevier, alors président du conseil d’administration de la STS, était le signataire de la lettre de suspension acheminée à Jean-Luc Roberge pour des fautes et manquements importants relativement à sa prestation de travail
.
Dans la lettre, Jean-Marc Crevier prévenait Jean-Luc Roberge qu’il ne devait en aucun cas tenter d’entraver le processus d’enquête.
Me Félix-Antoine Michaud lui a demandé si le fait de communiquer avec Jean-Marc Crevier était en quelque sorte une entrave à l’enquête, ce à quoi il a répondu non.
M. Crevier a siégé à la STS pendant cinq ans. C’est une personne qui s’investit dans ce qu’il fait. Il s’était investi à la STS. Moi, envers une personne comme ça, je suis très reconnaissant […]. Il fait partie des personnes que je pouvais compter sur une main qui prenaient des nouvelles de moi. Il me disait : "Comment ça va?", "T’en sors-tu?", "Comment ça va avec ta famille"
, a témoigné Jean-Luc Roberge
On va te défendre
Même s’il avait signé la lettre de congédiement, Jean-Marc Crevier a écrit à Jean-Luc Roberge : Moi et Michel [Tremblay], on va te défendre
.
Dans la foulée de sa suspension, Jean-Luc Roberge a tenté de joindre Michel Tremblay, vice-président du C.A, mais il a senti que M. Tremblay souhaitait plutôt l’éviter.
Jean-Luc Roberge a aussi communiqué avec le président du C.A., Claude Bouchard, pour solliciter une rencontre. Sa demande est restée lettre morte.
Lorsque Me Michaud a déposé une nouvelle série d’échanges par messagerie texte entre Jean-Luc Roberge et Jean-Marc Crevier, l’avocat de M. Roberge, Me René Delorme, a prévenu son confrère que les répercussions se feraient sentir au conseil municipal.
Ça va mal aller à l’hôtel de ville tantôt Me Michaud
, a lancé l’avocat de Jean-Luc Roberge, Me René Delorme, alors que l’avocat de la STS s’apprêtait à déposer les documents en preuve.
Vu la nature sensible du dossier, les communications entre Jean-Marc Crevier et Jean-Luc Roberge sont devenues rarissimes. Le 3 mai 2023, Jean-Luc Roberge a invité Jean-Marc Crevier à prendre un café. Le conseiller municipal a considéré que c’était trop risqué
.
Il voulait tout simplement éviter qu’on soit vus ensemble à discuter. Il préférait qu’on se parle au téléphone
, a indiqué M. Roberge, précisant que le conseiller Crevier ne lui a jamais révélé d’éléments d’enquête.
Jean-Luc Roberge a été libéré par l’avocat de la STS. Les audiences reprendront les 17, 18 et 19 juillet. L’avocat de la STS fera alors entendre d’autres témoins, dont des représentants de la firme Raymond Chabot Grant Thornton et l’actuel président de la société, Claude Bouchard. Jean-Luc Roberge sera par la suite interrogé par son propre avocat.