Le Plan nature de Sherbrooke est « ambitieux » et « inévitable », selon un spécialiste

Malgré la forte opposition de plusieurs conseillers municipaux, Sherbrooke a adopté mardi soir son nouveau Plan nature (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Brigitte Dubé
Malgré la forte opposition de plusieurs conseillers municipaux, Sherbrooke a adopté mardi soir son nouveau Plan nature, qui prévoit notamment de conserver 45 % du territoire en milieux naturels. D’ailleurs, la création de nouveaux quartiers de maisons unifamiliales sera bientôt chose du passé à la suite de l’adoption de ce plan « ambitieux » auquel les municipalités ne « peuvent pas échapper », selon un spécialiste.
Presque toutes les municipalités sont interpellées sur ce [sujet]-là depuis plusieurs années. On prend la chose de plus en plus au sérieux
, fait savoir d’entrée de jeu Gérard Beaudet, urbaniste émérite et professeur titulaire à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l'Université de Montréal, en entrevue avec Radio-Canada.
[Conserver les milieux naturels] est d’ailleurs un des objectifs de la Communauté métropolitaine de Montréal et de [celle] de Québec
, poursuit-il. On ne peut pas y échapper, d'autant plus que les mesures adoptées par le gouvernement du Québec pour la protection des milieux sensibles – on parle ici des milieux humides, des zones inondables ou encore des boisés – sont complètement inefficaces.
Des milieux humides de plus en plus menacés
Selon Gérard Beaudet, la protection des milieux humides dans la province au cours des dernières années est de plus en plus menacée. Les municipalités se rendent compte qu’elles vont devoir prendre le dossier en main sérieusement. Dans une ville comme Sherbrooke, ça s’impose d’autant plus qu’avec les fusions, le territoire de la ville de Sherbrooke est très vaste
, indique-t-il.
[Sherbrooke] a un territoire moins dense que Montréal. On n'est pas en manque de terrains à développer, surtout si on accepte l’idée qu’il faudra redensifier certains secteurs en déclin.
Selon la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, la ville a perdu plus de cinq fois
l’équivalent du parc du Mont-Bellevue depuis 2002. Si on ne fait rien, dans les 20 prochaines années, on va perdre au moins cinq autres équivalents du parc du Mont-Bellevue. On n'aura plus de milieux naturels à protéger si on ne met pas en place des outils pour les protéger
, souligne-t-elle.
Les gens choisissent Sherbrooke parce qu’il y a la nature qui se marie bien avec la ville. C’est une des choses les plus précieuses qu’on a.
Le manque de terrains décrié
De son côté, Patrick Lachance, directeur général des Entreprises Lachance et président du comité des affaires municipales de l’Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ), section de l'Estrie, ne cache pas sa déception devant le nouveau Plan nature adopté à Sherbrooke. Il anticipe d’ailleurs une diminution du nombre de terrains disponibles à des fins de construction à Sherbrooke.
Il va seulement y avoir 8 % des terrains qui vont être disponibles à la construction. Avant, c’était plus que ça. Et avec la pénurie de logements, on manque de terrains. Il faudrait construire plus. Là, on va diminuer l’offre de terrains, alors qu’on devrait l’augmenter
, fait-il savoir.
Dans les années qui viennent, ça va être difficile de répondre à la demande de logements.
On va créer l’exode dans des villes [en périphérie]
L’entreprise de Patrick Lachance construit non seulement des résidences jumelées et unifamiliales, mais aussi des immeubles à revenus. Il va y avoir un manque à gagner. Et pour les maisons unifamiliales, il y en aura très peu de disponibles. Ce qui risque d’arriver, c'est que les gens vont aller vivre à l’extérieur de Sherbrooke. Ils iront à Windsor, Waterville, Compton
, lance-t-il.
On va créer l’exode dans des villes [en périphérie] au lieu de densifier notre ville.
Patrick Lachance craint également que la valeur des terrains encore disponibles sur le territoire de Sherbrooke explose. Ça va être le prix des maisons et des logements qui va augmenter, indique-t-il. Les gens de Sherbrooke veulent encore avoir des maisons unifamiliales ou des jumelées. Ce n’est pas vrai que les gens veulent tous vivre dans des logements. On est capables de faire ça tout en protégeant la nature.
Avec les informations de Thomas Deshaies