Beaucoup de tension et de dissension à la table du conseil municipal de Saguenay

Le directeur général de Saguenay, Gabriel Rioux, et la mairesse, Julie Dufour, lors d'une séance du conseil au Centre culturel du Mont-Jacob, à Jonquière
Photo : Radio-Canada / Rémi Tremblay
Après l’avoir évincé du comité exécutif lundi, la mairesse de Saguenay, Julie Dufour, a qualifié le comportement de Michel Tremblay d’inacceptable. Elle estime qu’il a commis des gestes répréhensibles et inacceptables pour un élu en 2023.
Les audiences du Tribunal administratif du travail (TAT) dans le dossier de l’ex-directeur général de la Société de transport du Saguenay (STS) Jean-Luc Roberge ont des répercussions jusqu’à l’hôtel de ville, où règne actuellement un climat presque funèbre.
Lors de la séance du conseil de mardi midi, qui a duré plus de deux heures, le climat était très tendu et plusieurs conseillers avaient l’air déconfits. Le renvoi du conseiller Michel Tremblay de l’exécutif par la mairesse provoque de la dissension.
Lors de la prise de parole des membres du conseil, vers la fin de l’assemblée, le conseiller jonquiérois Jean-Marc Crevier est revenu à la charge pour une deuxième fois en moins d’une semaine pour défendre son collègue conseiller, éclaboussé par des éléments de preuve déposés par l’avocat de la STS Félix-Antoine Michaud.
D’un ton vif, Jean-Marc Crevier a réitéré son appui à Michel Tremblay. Vice-président de la STS jusqu’à mercredi dernier, Michel Tremblay a démissionné de son poste d’administrateur en raison de gestes qu’il aurait posés en campagne électorale.

Le conseiller municipal Michel Tremblay a été appuyé par Jean-Marc Crevier et Jacques Cleary.
Photo : Radio-Canada / Rémi Tremblay
Ce dernier a seulement pris la parole lors de la séance pour discuter d'un dossier dans son quartier. Il a quitté les lieux après la séance du conseil sans répondre aux questions des journalistes.
Des textos compromettants
Des textos déposés lors du procès de Jean-Luc Roberge démontrent que l’ancien directeur a accepté de faire circuler des autobus sept jours sur sept pendant la campagne électorale de 2021, afin que des affiches électorales à l’effigie de Michel Tremblay soient vues le plus souvent possible.
Constatant que les autobus ne circulaient pas dans son secteur comme convenu, Michel Tremblay a communiqué avec M. Roberge pour lui demander de corriger le tir. Des ressources ont été utilisées à la STS pour s’assurer que les affiches électorales de M. Tremblay soient retirées d’un véhicule brisé puis installées sur un autre. Ce faisant, des ressources ont été mises à profit, ce qui enfreint la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.
Je ne suis pas capable de ne pas en parler. J’ai comme l’impression qu’on se comporte un peu avec lui comme si c’était un bandit, quand tu regardes ce qui se passe, avec un bandit qui a fait quelque chose de grave. Il est présumé innocent tant et aussi longtemps qu’il n’est pas reconnu coupable. J’ai de la misère à trouver des qualificatifs. C’est des grenailles […]. Michel, je vais être en arrière de toi, je vais t’appuyer. Ça fait des années que je suis en arrière de toi. Je t’ai vu travailler. Tu fais des heures et des heures
, a déclaré Jean-Marc Crevier, le visage rougi par l’émotion.

Michel Tremblay serait intervenu pour que des autobus avec son affiche électorale circulent plus souvent dans son quartier.
Photo : Radio-Canada / Titouan Bussiere
L’élu du district no 6 estime que les avocats de la STS, qui défendront aussi les intérêts de la Ville dans le dossier du congédiement de Caroline Dion, en mènent large.
Madame la mairesse, quand toute cette saga-là a commencé, j’étais président de la STS. Je savais qu’en le [Jean-Luc Roberge] suspendant avec solde, je me suis dit que c’était certain que j’allais être appelé à témoigner […]. Notre avocat, j’ai l’impression que pour lui, peu importe la marde qu’il va faire alentour du conseil municipal, la seule chose qui compte pour lui, c’est gagner
, a martelé Jean-Marc Crevier.
Le conseiller a fait valoir qu’un climat de nervosité plane chez les élus de Saguenay en raison des audiences en cours.
Il va-tu falloir que je m’emmène deux avocats avec ça? Je vais conter la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Ils veulent avoir des rencontres. Je suis très, très mal à l’aise. C’est un guet-apens. J’ai l’impression que ce sont les avocats qui mènent là-dedans
, a-t-il martelé.
Le président de l’arrondissement de Chicoutimi, qui remplacera Michel Tremblay au comité exécutif, a lui aussi offert son soutien au conseiller qui se retrouve aujourd’hui dans une position délicate.
Ça fait six ans que je travaille avec Michel. Je peux vous dire que c’est un conseiller dévoué. C’est une machine. Avant de juger, je pense que les gens devraient attendre. Je vous suggère d’écouter Michel avant de juger. Ce n’est pas plaisant, ce qui se passe en ce moment, du tout
, a dit Jacques Cleary.
Kevin Armstrong écorche Jean-Marc Crevier
Lors des audiences du TAT, des textos échangés entre Jean-Luc Roberge et Jean-Marc Crevier ont été mis au jour. Lors d’une discussion, M. Crevier faisait état du caractère pointu du rapport de la vérificatrice générale, Sylvie Jean, qui a mené à la destitution de Jean-Luc Roberge. Le comparant à du grattage, Jean-Marc Crevier a dit que c’était comme si c’était Kevin Armstrong qui l’avait écrit.
Kevin Armstrong a été piqué au vif lorsqu’il a pris connaissance des propos de Jean-Marc Crevier dans les médias. Il a profité de sa tribune, lors de l’assemblée publique de mardi, pour régler ses comptes avec son collègue.
Comme élu, on est encore en droit d’avoir des réponses quand on pose des questions. Si on se reporte dans le temps, on n’a jamais eu de réponses de la STS. On a voté un mandat unanime pour mandater une vérificatrice générale […]. Ce que je peux lire, c’est que vous insinuez que j’ai influencé une vérificatrice générale politiquement. Vous êtes sur quelle planète, M. Crevier?
a-t-il demandé.
Pas fière de son conseil
La mairesse Julie Dufour a dit qu’elle n’était pas fière de son conseil et que l’assemblée qui venait de prendre fin était la plus plate
depuis le début du présent mandat.
Elle a condamné les gestes de Michel Tremblay.
Pour moi, c’était des comportements, et ce l’est toujours, qui sont inacceptables. Il y a des grandes familles. On parle de communications directes, on parle de campagne électorale, on parle d’embauches
, a déclaré la première magistrate.
Elle a poursuivi en appelant les conseillers à respecter les règles d’éthique.
Je ne suis pas très fière, comme mairesse, de cette discussion. En 2014, j’ai mis le salaire annuel que j’avais pour défendre l’indépendance des vérificateurs généraux. J’ai mis mon salaire annuel pour embaucher des avocats pour défendre l’indépendance des vérificateurs généraux. […] Je nous souhaite la maturité nécessaire et éthique de comprendre le rôle d’un conseiller municipal en 2023
, a-t-elle enchaîné.

La mairesse de Saguenay, Julie Dufour, lors d'une séance du conseil au Centre culturel du Mont-Jacob, à Jonquière
Photo : Radio-Canada / Rémi Tremblay
Julie Dufour a tenu à rappeler le rôle des élus municipaux.
Ce n’est pas mettre son chapeau, aller réparer un nid-de-poule chez Mme Tremblay de la rue Frontenac. C’est voter des politiques, avoir des grandes orientations, passer au système de requêtes. Un conseiller efficace en 2023, ce n’est pas un conseiller de Duplessis qui répare les nids-de-poule de son chum
, a dit aussi la mairesse avec émotion.
La mairesse a également défendu son droit de nommer les membres du comité exécutif, ou d'en exclure comme elle a fait avec Michel Tremblay lundi.
Le président de la STS, Claude Bouchard, convient que personne au C. A. de l’organisme, où siégeait Michel Tremblay jusqu’à mercredi dernier, trouve la situation réjouissante.
Au niveau de la situation, au C. A, on ne la trouve pas drôle. Je comprends que des gens autour de la table se posent des questions. C’est un procès, il sort des choses au procès qui ne sont pas évidentes
, a-t-il fait valoir.
Corriger des déviances
Jimmy Bouchard souhaite rigueur et droiture chez ceux qui occupent une charge publique.
Je crois en ma ville, il me reste un souhait pour le conseil de ville. Qu’il soit assez sage et mature pour au moins corriger ses déviances s’il en a
, a déclaré Jimmy Bouchard.