Le Plan nature de Sherbrooke est adopté : 45 % du territoire sera protégé

Une cinquantaine de personnes se sont déplacées mardi soir.
Photo : Radio-Canada / Emy Lafortune
Après des années de travail et à la suite de vives discussions entre élus mardi soir, c’est officiel : le nouveau Plan nature de la Ville de Sherbrooke a été adopté par le conseil municipal. Ce document de planification, qui a été développé en trois ans et qui s'étalera sur la prochaine décennie, prévoit notamment de conserver 45 % du territoire sherbrookois en milieux naturels.
Présentement, 53 % de la surface de Sherbrooke est occupé par des milieux naturels et des milieux humides. Pour ne pas descendre sous le seuil du 45 % prévu par le Plan nature, il est nécessaire de conserver 93 % des milieux humides, 83 % des boisés et 100 % des milieux hydriques qui sont actuellement à l'état naturel.
Une nouvelle réglementation visant à protéger les milieux humides et les boisés d'intérêt de façon temporaire a également été mise en place mardi et est immédiatement entrée en vigueur. Cette façon de faire permettra à la Ville d'agir rapidement en attendant, entre autres, un retour de Québec, ainsi que la mise en place de mesures plus officielles.
Victoire pour les défenseurs du boisé Ascot-Lennox
Comme le réclamaient depuis plusieurs années de nombreux citoyens, le boisé Ascot-Lennox sera en grande partie préservé, prévoit le Plan nature.
Clairement, c’est un gain d’importance qui est vu dans le plan nature. [...] C’est clair que pour nous, c’est des nouvelles très positives
, s’est exclamé le président de l’Association pour la protection et la valorisation du boisé Ascot-Lennox, Mathieu Vinette.
La conseillère du district d’Ascot, Geneviève La Roche, a elle aussi mentionné avec émotion cette nouvelle page dans l’histoire du boisé. Je ne peux pas passer sous silence qu'avec le Plan nature, on vient mettre les bases pour protéger le dernier grand boisé urbain
, a-t-elle souligné.
Je pense que c'est une première grande étape de franchie, et puis c'est un geste fort, significatif pour tous les citoyens et citoyennes de Sherbrooke qui pourront, d'ici quatre ou cinq ans, je l’espère, profiter d'un nouveau parc naturel dans leur ville.
Un Plan nature qui ne fait pas l’unanimité
L’adoption du Plan nature est loin d’avoir fait l’unanimité au conseil municipal. Plusieurs élus s’y sont vivement opposés mardi soir, en dénonçant entre autres ce qu’ils estiment être un manque de consultation citoyenne et de planification financière dans ce dossier.
La conseillère du district de Rock Forest, Annie Godbout, a notamment demandé un amendement pour repousser l’adoption du Plan nature de six mois afin de plus consulter les citoyens. Les conseillers Paul Gingues, Hélène Dauphinais et Nancy Robichaud ont appuyé sa demande, ce qui n’a pas été suffisant pour la faire adopter.
Ces mêmes conseillers, ainsi que Danielle Berthold, ont par ailleurs voté contre l’adoption du plan, ne récoltant encore une fois pas la majorité.
Avec des faits manquants, je ne peux entériner le dépôt du Plan nature. En politique, nous prenons nos décisions avec des faits et là, je ne suis pas à l'aise avec le processus. J'ai l'impression d'avoir travaillé en catimini et de cacher les choses. Selon moi, il aurait été préférable de communiquer notre vision en amont et d'être à l'écoute des différentes parties prenantes plutôt que de les placer devant le fait accompli
, a souligné cette dernière pour expliquer son opposition.
Hélène Dauphinais et Paul Gingues ont quant à eux demandé si la Ville avait les moyens de ses ambitions, et ont déploré un manque d’études d’impacts financiers. On n’a pas parlé de combien d’argent il faudra mettre, combien d’argent le provincial pourra fournir, ça arrive tout comme par magie
, a dénoncé Hélène Dauphinais.
Depuis quelques jours, je me suis vraiment demandé ce que les opposants au plan nature allaient trouver comme raisons pour s’opposer [...]. J’aurais dû le prédire que ça serait "ça coûte trop cher". J’ai malheureusement à vous apprendre que ce discours-là est complètement dépassé
, a répondu la mairesse, Évelyne Beaudin.
C’est le bout qui vous manque cruellement dans votre analyse. Ce qui coûte cher, ce n’est pas de protéger le territoire, c’est de ne pas le protéger.
Ils ont tous tenté de nous faire passer pour des gens pour qui l'environnement c'était pas important
Les conseillers contre l’adoption du Plan nature, à l’exception de Danielle Berthold, sont également restés après la séance du conseil et ont organisé un point de presse pour préciser leur position.
Ils ont tenté de nous faire passer pour des gens pour qui l'environnement, ce n'était pas important, puis pour qui on n'avait aucune préoccupation pour les générations futures alors que c'est complètement faux. On a tous des enfants, on va tous avoir des petits-enfants un jour, puis on veut qu'ils puissent vivre avec une belle qualité de vie. [...] Il y a tellement de choses à faire pour arriver là, mais il faut vraiment avoir des chantiers en parallèle pour que ça soit réaliste.
Pendant ce point de presse, la conseillère Hélène Dauphinais a aussi fait remarquer que la Ville pourrait s’exposer à des poursuites de certains citoyens qui s’estimeraient lésés par le Plan nature, ce qui aurait déjà été vu dans d’autres municipalités.
On ne devrait pas s’empêcher de faire ce qui est bien par peur d’avoir des poursuites
, a toutefois répondu Évelyne Beaudin, en ajoutant que des conseillers juridiques ont participé à presque toutes les séances de travail sur le projet. Geneviève La Roche a de son côté fait remarquer que les mesures temporaires mises en place à partir de mardi présentent un très faible risque de poursuite.
Le risque zéro, ça n’existe pas. Je trouve que la principale faiblesse des opposants au plan nature, c’est qu’ils minimisent cruellement les risques associés au statu quo. Le statu quo, de ne pas protéger nos milieux naturels, ça comporte des risques immenses, comme on a pu le voir avec les feux de forêt.
Toutes les études économiques du monde vous diront toujours que la prévention, peu importe le domaine, coûte beaucoup moins cher que le soin, que d’être en mode réaction. C’est ce qu’on fait avec le plan nature. [...] C’est eux [les opposants] qui ont à défendre l’immobilisme, alors que tout autour de nous, on nous crie qu’on doit agir rapidement
, a ajouté la mairesse.
Une séance d'information sur le Plan nature est prévue le 13 juin à 19 h à l’Hôtel Delta, ainsi que sur le site web de la Ville de Sherbrooke.
Avec les informations de Thomas Deshaies et d'Emy Lafortune