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Redresser les finances de Toronto : un défi de taille pour le prochain maire

Les lettres géantes sur la place Nathan Phillips, devant l'hôtel de ville de Toronto.

Les finances de Toronto vont de mal en pis, selon des experts. (Photo d'archives)

Photo : CBC / Evan Mitsui

Le prochain maire ou la prochaine mairesse de Toronto aura une situation financière précaire sur les bras après les élections. À peine entrée en poste, la personne élue devra dénicher des centaines de millions de dollars pour équilibrer le budget 2023 de la Ville Reine.

Les candidats à la mairie de Toronto multiplient les promesses pour s’attaquer aux problèmes de sécurité publique, améliorer les services municipaux ou l’accès au logement. Mais la réalisation de la plupart de ces idées requiert des fonds, et la santé financière de Toronto va de mal en pis, selon des experts.

La ville de Toronto doit déjà puiser dans ses réserves afin d’équilibrer son budget de 2022, car elle n'a pas reçu tout l'appui financier demandé auprès des autres ordres de gouvernement.

Pour équilibrer son budget 2023, la Ville a besoin d'une injection de plus d'un milliard de dollars des gouvernements fédéral et provincial. Et elle n’a aucune garantie d’en obtenir autant.

Olivia Chow élue à la mairie de Toronto

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Vue nocturne sur ce grand ensemble architectural marqué par une enseigne lumineuse montrant le mot Toronto.

C’est beaucoup et c’est certainement quelque chose qui devrait inquiéter les résidents de la ville, pense le professeur en politiques publiques et société de l’Université de Toronto, Sunil Johal.

Qu’est-ce que ça change pour les Torontois?

Au Canada, les municipalités n’ont pas le droit de faire de déficit, contrairement aux autres ordres de gouvernement. Si leurs dépenses excèdent leurs revenus, il n’y a qu’une poignée d’issues possibles, explique Sunil Johal.

La première, ce sont des augmentations importantes de l'impôt foncier ou de divers frais aux usagers. L’autre, ce sont des réductions de services. On commence d’ailleurs déjà à voir cela, avec des choses comme les réductions de services de la Commission de transport de Toronto, qui augmentent les temps d’attente pour les passagers.

Il est trop tard pour modifier le budget de 2023. La mairesse adjointe de Toronto, Jennifer McKelvie, a cependant averti que d’autres réductions de services seront inévitables en 2024 si l’aide fédérale et provinciale ne vient pas.

L’entretien des infrastructures et le transport en commun, par exemple, pourraient être les premiers domaines à souffrir.

Comment Toronto s’est-elle mise dans cette situation?

La COVID-19 a engendré de grandes dépenses pour la Ville, notamment pour les mesures de santé publique et les refuges. En même temps, la baisse de l’activité économique et surtout la forte diminution de la fréquentation des transports en commun ont réduit ses revenus.

Certes, ces répercussions sont moindres depuis 2021, selon l’administration municipale, mais l’aide fédérale pour y faire face diminue encore plus vite. Si bien qu’en février, John Tory déclarait que pendant que l’économie de la ville rebondit, nous nous retrouvons avec un "lendemain de veille" de COVID-19 de 1,56 milliard de dollars.

Une femme qui porte un masque consulte son téléphone.

Les revenus liés au transport en commun ont dégringolé pendant la pandémie, et ils risquent de rester plus bas qu'avant pour encore quelque temps, selon la Ville. (Photo d'archives)

Photo : CBC/Evan Mitsui

Du milliard et quelques de dollars dont la Ville a besoin pour équilibrer son budget cette année, elle demande 933 millions pour couvrir les dépenses supplémentaires et baisses de revenus liées à la COVID-19.

La Ville estime avoir droit au reste pour des dépenses liées à des champs de compétences provinciales ou fédérales, comme le logement ou les refuges pour les demandeurs d’asile.

Sunil Johal explique d’ailleurs que les municipalités assurent en effet un nombre croissant de responsabilités au Canada.

La liste des services qu’on s’attend à ce que les Villes livrent s’allonge, mais leurs moyens d’aller chercher des revenus n’ont pas vraiment suivi, explique-t-il.

Malheureusement, les gouvernements municipaux [...] n’ont personne à qui passer la balle. Une fois que le gouvernement fédéral a refilé une responsabilité à la province et que la province l’a refilée à la municipalité, les citoyens s’attendent à recevoir ce service. On n’a pas le choix de le faire.

Une citation de Sunil Johal, professeur au Département de sciences politiques de l’Université de Toronto

Les autres villes ont-elles le même problème?

D’autres villes ont connu de mauvaises années financières après la pandémie. Les problèmes de Toronto sont cependant plus aigus, notamment en raison de sa taille, croient Enid Slack et Sunil Johal.

La Ville a un budget [2023] de 16 milliards de dollars. C’est plus élevé que celui de quatre des provinces canadiennes [...] mais, contrairement à une province, elle ne peut pas aller chercher des revenus provenant de taxes de vente ou d’impôts sur le revenu.

Une citation de Enid Slack, directrice de l’Institut sur la gouvernance et la finance municipales

Enid Slack souligne aussi que les municipalités ontariennes doivent assurer certaines tâches qui relèvent du gouvernement provincial ailleurs au pays.

Les logements sociaux ont été confiés aux municipalités en 1998. Et, de la même façon, les coûts des services sociaux sont partagés entre la province et les municipalités, alors que c’est une responsabilité provinciale dans la plupart des autres provinces, dit-elle.

La salle du conseil, à l'hôtel de ville de Toronto.

Enid Slack souligne que les municipalités ontariennes doivent assurer certaines tâches qui relèvent du gouvernement provincial ailleurs au pays. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Patrick Morrell/CBC News

Peut-on compter sur l’aide d’Ottawa et de la province?

Les autres ordres de gouvernement fournissent régulièrement des fonds aux municipalités à travers divers programmes, notamment pour le transport et les projets d’infrastructures et les dépenses pandémiques. Ottawa a fourni plus de 2 milliards de dollars à Toronto dans le cadre d'un accord pour la relance sécuritaire en 2020 et 2021.

Pour ce qui est d’une aide supplémentaire pour la COVID-19 ou simplement pour équilibrer son budget, la Ville Reine est toutefois restée sur sa faim l’an dernier.

La province a, à la dernière heure, accordé 235 millions; Ottawa, rien. La ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré plus d’une fois qu’il ne fallait pas s’attendre à ce que ça change cette année.

Lorsqu’on parle d’argent additionnel pour remplir des trous dans le budget de Toronto, j’encourage fortement la Ville, comme je l’ai fait par le passé, à se tourner vers Queen’s Park, a-t-elle déclaré le mois dernier.

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Le ministère provincial des Affaires municipales a de son côté déclaré qu’il continue de surveiller l'effet des coûts liés à la pandémie sur les finances et les services municipaux et d’appeler le gouvernement fédéral à verser sa contribution.

Sunil Johal ne s’étonne pas de ces positions pour le moins tièdes si tôt dans l’exercice financier, mais croit qu’elles pourraient changer plus tard.

On verra dans les prochains mois qui flanchera en premier, lance-t-il.

La Ville peut-elle puiser de nouveau dans ses réserves?

Oui, mais pas sans conséquences. Plus de la moitié des 11 milliards de dollars dans les réserves sont intouchables. Ce sont des fonds réservés à des contrats déjà signés ou liés à des raisons juridiques qui ne dépendent pas de la Ville.

Le reste est séparé entre les réserves d’urgence et les réserves d'immobilisation. 

Quand on puise dans les premières, on retire des fonds qui pourraient être nécessaires en cas de catastrophe naturelle, par exemple. Quand on puise dans les deuxièmes, on ampute le budget des infrastructures et immobilisations des prochaines années.

La Ville n’a pas encore soumis son rapport financier final pour 2022, mais selon ses dernières estimations, il faudra puiser 454 millions de dollars dans les réserves pour l’équilibrer.

Dans sa présentation au conseil municipal en janvier, le personnel de la Ville a affirmé que si les réserves devaient de nouveau être utilisées pour combler le déficit en 2023, le filet de secours sera complètement épuisé et il n’en restera rien pour couvrir les coûts liés à la COVID-19 ou les engagements déjà pris en 2024.

La Ville peut-elle aller chercher plus de revenus?

L’impôt foncier est le principal outil de la Ville pour générer des revenus. Celui de Toronto, malgré une hausse de 5,5 %, reste inférieur à celui des autres villes ontariennes.

Une option serait de l’augmenter au-dessus du niveau de l’inflation pour commencer à boucher certains trous dans le budget, dit Sunil Johal.

Mais pour parvenir à boucher entièrement le trou dans le budget 2023, il faudrait hausser cet impôt de plus de 25 %, selon les calculs du personnel municipal.

Deux autres solutions pour générer des revenus reviennent souvent sur la table à l’hôtel de ville.

La première est l’instauration de péage sur les autoroutes Gardiner et Don Valley. Mais la Ville a besoin de l’autorisation de la province pour le faire. Celle-ci le lui a refusé deux fois.

L’autre serait une taxe sur le stationnement commercial. Un rapport remis en janvier au conseil municipal estime qu’elle pourrait amener entre 171 et 500 millions de dollars par an à la Ville, dans le scénario le plus optimiste.

Que proposent les candidats à la mairie?

Mark Saunders, Brad Bradford et Ana Bailão ont déjà fermé la porte à une augmentation de l’impôt foncier supérieure à l’inflation. M. Saunders et M. Bradford promettent de se pencher sur toutes les dépenses de la Ville pour éliminer le gaspillage.

Ana Bailão veut que la province prenne en charge l’entretien des autoroutes Gardiner et Don Valley.

Josh Matlow indique de son côté que la Ville ne peut se permettre de tourner le dos à aucune source de revenus.

Il promet d’aller de l’avant avec une taxe sur le stationnement commercial et d’imposer un impôt foncier additionnel qui générerait quelque 395 millions de dollars en 5 ans. Il dit aussi que la Ville pourrait économiser jusqu’à un milliard de dollars en reconstruisant le tronçon est de l’autoroute Gardiner au niveau du sol.

Olivia Chow prévoit aller chercher des revenus avec une hausse de l'impôt foncier et une augmentation des droits de cession immobilière pour les propriétés les plus chères.

Mitzie Hunter augmenterait l’impôt foncier de 6 %, mais avec un rabais pour les familles dont le revenu annuel est inférieur à 80 000 $.

Tous les candidats promettent cependant de continuer à lutter pour arracher plus de soutien des gouvernements supérieurs.

Sunil Johal et Enid Slack pensent aussi qu’il faut entièrement repenser la structure de financement des municipalités canadiennes.

La situation empire progressivement et nous sommes vraiment à un point où on ne peut plus mettre des diachylons sur des plaies ouvertes. Nous devons chercher une solution structurelle à long terme.

Une citation de Sunil Johal, professeur au Département de sciences politiques de l’Université de Toronto

Enid Slack mentionne qu’en Europe et aux États-Unis, par exemple, plusieurs municipalités perçoivent un pourcentage de l’impôt sur le revenu de leurs résidents.

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