Politique 713 : la révision crée une crise politique à Fredericton

La révision controversée de la politique 713 sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle dans les écoles du Nouveau-Brunswick annoncé jeudi a créé une véritable crise politique à Fredericton. Huit ministres et députés du parti au pouvoir ont dénoncé la révision dans la journée avant de rentrer dans le rang. Le premier ministre n'a pas rejeté pas l’idée de déclencher une élection s’il perd la confiance de la Chambre.
L'aval des parents nécessaire
Le ministre de l'Éducation a annoncé jeudi matin en conférence de presse les changements à la politique 713.
Dorénavant, les élèves de moins de 16 ans devront obtenir le consentement de leurs parents pour utiliser un prénom ou un pronom de leur choix à l’école.

Le ministre de l'Éducation Bill Hogan a présenté les changements à la politique 713 lors d'une conférence de presse jeudi matin à Fredericton.
Photo : Radio-Canada
La communication avec les parents ne sera pas forcée, mais sans leur consentement, le personnel de l'école sera obligé d'utiliser le prénom et le genre assigné à la naissance.
Dissension au caucus
Un groupe de huit députés et ministres se sont abstenus de participer aux débats en Chambre en raison de leur extrême déception face au manque de procédure et de transparence
dans le dossier de la révision de la politique 713.

Le ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la gouvernance locale, Daniel Allain, a signé une déclaration dénonçant la réforme de la politique de son gouvernement.
Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau
La déclaration envoyée aux médias est signée des ministres Daniel Allain, Dorothy Shephard, Trevor Holder, Arlene Dunn, Jeff Carr, Jill Green et des députés Ross Wetmore et Andrea Anderson-Mason. Ils ont affirmé qu'ils ne feraient pas d'autres commentaires pour le moment.
Le mois dernier, certains membres du caucus s’étaient positionnés en faveur d’un renforcement de la politique 713.

Lors d’une entrevue au Téléjournal Acadie, le ministre Hogan affirme n’être pas au courant
d’une crise politique. Il explique avoir eu un consensus au sein du caucus sur les changements apportés à la politique 713.
Consensus, ça n’indique pas que chaque personne est d'accord, ça indique qu’on avait plus de la majorité qui est était d’accord avec ce qu’on avait proposé et c’était vrai. Donc évidemment, il y avait des personnes qui avaient un autre point de vue.
Après ce branle-bas de combat à Fredericton jeudi, le ministre réitère toutefois que la révision de la politique est finalisée et qu’elle ira de l’avant le 1er juillet.
Appel à la démission du premier ministre Higgs
Le Parti vert ne demande rien de moins que la démission du premier ministre Blaine Higgs.

Huit ministres et députés progressistes-conservateurs ont exprimé leur « extrême déception » face au choix du gouvernement de Blaine Higgs de réviser la politique 713 sur l'identité de genre dans les écoles de la province.
Photo : Radio-Canada
Il a clairement perdu la confiance de beaucoup de membres de son cabinet. Il n’est pas possible pour le premier ministre de continuer
, affirme le chef vert David Coon.
La cheffe du Parti libéral Susan Holt parle d’une décision complètement irresponsable
du gouvernement sur la politique 713. Elle n'est pas prête à demander la démission du premier ministre, mais ajoute qu'elle aimerait voir une élection pour permettre aux Néo-Brunswickois d’exprimer leur choix
.
Blaine Higgs ne rejette pas des élections
Le premier ministre Blaine Higgs a soutenu son ministre de l'Éducation et a réitéré sa position sur l'importance du droit des parents à être informés.
Questionné par les journalistes sur la possibilité qu'il perde un vote de confiance des députés, Blaine Higgs s'est dit prêt.
Cela pourrait forcer une élection, c’est une possibilité.
Un projet de loi déposé par le Parti vert sur la fracturation hydraulique, jeudi après-midi était pressenti pour se transformer en vote de confiance. Finalement, il n'en a rien été. Les députés frondeurs étaient de retour dans le rang et étaient présents à l'Assemblée législative dans l'après-midi.
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Sur le respect des droits des parents
Bill Hogan indique que cette révision a été faite en tenant compte du rôle que les parents jouent dans la vie des enfants.
Il qualifie les changements de relativement minimes
.
Mais le ministre croit qu'il est fondamentalement mal
de ne pas impliquer les parents lorsqu'un élève exprime le désir de changer son identité de genre.

Le ministre de l'Éducation pense que la politique dans sa forme actuelle met les enseignants dans une position difficile.
Photo : Radio-Canada
Cela place les enseignants dans une position difficile
, dit-il.
Le ministre ajoute qu'il ne sera jamais question de révéler publiquement l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'un élève, mais qu'une discussion doit avoir lieu avec lui sur la meilleure façon d'impliquer ses parents dans son parcours.
Il faut s’assurer que les élèves qui veulent changer leur identité de genre ou leur prénom et pronom reçoivent un soutien approprié si et lorsqu’ils sont prêts à en discuter avec leurs parents
, précise le ministre Hogan.
Sports et salles de toilettes
Deux autres aspects de la politique 713 étaient visés par la révision.
En ce qui concerne la participation aux activités parascolaires ou sportives, la politique révisée indique que les élèves pourront participer à des activités qui sont sûres et inclusives
. Auparavant, la politique ajoutait à ces notions que les enfants pouvaient participer à des activités conformes à leur identité de genre
.
Selon M. Hogan, les politiques et l'aide des associations sportives sont satisfaisantes.
Le dernier point qui devait être révisé portait sur les salles de toilettes non genrées. Le ministère ajoute une obligation pour toutes les écoles d'avoir des aires de changement universelles et privées
.
La notion de salle de toilettes non genrée est retirée, car elle peut mener à de la stigmatisation, explique M. Hogan. Les élèves peuvent utiliser les salles de toilettes de leur choix.
La politique révisée entrera en vigueur le 1er juillet.
Un débat lancé par le premier ministre
La décision du premier ministre Blaine Higgs et de son ministre de l’Éducation, Bill Hogan, de réviser la politique 713, qui était généralement acceptée, a suscité beaucoup d’inquiétude dans la province.
Le week-end dernier, une centaine de personnes ont manifesté à Moncton pour répéter que la politique 713 est indispensable pour assurer la sécurité et le bien-être des jeunes issus de la communauté LGBTQ+. Il y a eu plusieurs manifestations à ce sujet dans la province au cours des dernières semaines.

Une manifestation contre la révision de la politique 713 au Nouveau-Brunswick, le 13 mai 2023 devant l'édifice de l'Assemblée législative, à Fredericton.
Photo : Radio-Canada / Isabelle Arseneau
À Fredericton, tant les libéraux que les verts se sont opposés à la révision de la politique 713, tout comme plusieurs députés et ministres conservateurs.
Une politique qui protège les jeunes
La politique 713, qui a été élaborée après une dizaine d'années de travail, vise à faire des écoles un milieu sécuritaire pour les élèves de la communauté LGBTQ+. Elle permet aux élèves, entre autres, d’utiliser le pronom de leur choix, et une salle de toilettes non genrée. Cette politique protège aussi les jeunes qui ne souhaitent pas révéler à leurs parents qu’ils utilisent à l'école un prénom ou un pronom qui reflète leur identité de genre.
Le premier ministre Higgs avait annoncé qu’il voulait que les parents soient avisés, dans tous les cas, lorsqu’un jeune de 16 ans et moins utilise un autre prénom ou pronom. Il voulait aussi revoir la question des toilettes non genrées, ainsi que la participation des jeunes à des activités sportives.
Avec des informations de Michel Corriveau et Alix Villeneuve