John Kim Bell : chef d’orchestre et pilier pour la jeunesse autochtone

L'implication de John Kim Bell auprès des Premières Nations caractérise véritablement sa carrière.
Photo : Radio-Canada / Tony Hauser
John Kim Bell a dirigé le Royal Philharmonic, travaillé avec les Bee Gees et fondé les Prix Indspire. À cette longue liste d’accomplissements, il peut désormais ajouter un Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle 2023.
Un texte de Chris Dart
Cet article fait partie d’une série sur les lauréats et lauréates des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle.
John Kim Bell est né dans le territoire mohawk de Kahnawake et il a grandi entre cette réserve autochtone et Columbus, dans l’Ohio. Dès l’âge de 18 ans, il dirige un orchestre à Broadway et il travaille avec des artistes du calibre de Vincent Price, Gene Kelly et Lauren Bacall. Il devient ensuite apprenti chef d’orchestre à l’Orchestre symphonique de Toronto et à l’Orchestre philharmonique de New York, ce qui fait de lui le premier Autochtone à diriger un orchestre de cette envergure. En 1984, la CBC lui consacre un documentaire intitulé John Kim Bell: The First North American Indian Conductor (John Kim Bell : le premier Autochtone chef d’orchestre d’Amérique du Nord
).
Il dirige ensuite l’orchestre du Ballet national du Canada et du Royal Philharmonic, entre autres. En 1988, il écrit la partition du premier ballet autochtone contemporain : In the Land of the Spirit (« Les terres de l’Esprit »). Il travaille même avec les Bee Gees, icônes de l’époque disco.
Mais outre ces distinctions, son implication auprès des Premières Nations caractérise véritablement sa carrière.
Dans une entrevue en anglais accordée en 2016 à Muskrat Magazine (Nouvelle fenêtre), M. Bell relate qu’après la diffusion du documentaire de la CBC à son sujet, il accepte de nombreuses demandes de conférences dans les collectivités des Premières Nations. Ce dont il est témoin le pousse à l’action.
« Je connaissais bien ma propre collectivité, qui n’est pas aussi défavorisée que d’autres, explique-t-il alors à Muskrat Magazine. Certaines des réserves du Nord sont assez mal loties. Je n’en avais aucune idée, car je n’avais pas vraiment visité d’autres réserves que la mienne. Mais quand j’y suis allé, ce que j’ai vu m’a bouleversé. J’étais jeune, émotif et passionné. J’ai trouvé certaines situations terribles. J’ai voulu faire ma part. »
En 1985, il crée la Fondation nationale des réalisations autochtones, aujourd’hui connue sous le nom d’Indspire (Nouvelle fenêtre), afin d’offrir des bourses aux étudiants et étudiantes autochtones dans tous les domaines. Dans l’entretien qu’il accorde à Muskrat Magazine, Bell explique qu’il ne voulait pas se contenter d’apporter une aide financière, mais qu’il voulait changer la façon dont la population canadienne voyait les peuples autochtones, ainsi que le regard que les Premières Nations portaient sur elles-mêmes.
En 1993, il crée une cérémonie de remise de prix pour braquer les projecteurs sur les réalisations d’Autochtones dans divers domaines. L’idée des prix Indspire lui vient en tête, en partie, alors qu’il regarde les travaux d’un comité parlementaire tard dans la nuit.
« Je regardais une audience du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), raconte-t-il à Muskrat Magazine. La CBC y était critiquée pour n’avoir jamais produit d’émissions autochtones, et le commissaire du CRTC a dit à la CBC : Vous êtes en période de probation. Vous devez consacrer tant de dollars ou tant d’heures à des émissions autochtones. Si vous ne le faites pas, nous ne renouvellerons pas votre licence.
Deux ou trois jours plus tard, je me suis présenté et j’ai dit : Je veux produire les Prix nationaux d’excellence décernés aux Autochtones
. Ils m’ont répondu qu’ils n’avaient pas d’argent. Je leur ai alors annoncé : Je vais réunir tout l’argent. Vous me donnez les ondes, les services de montage, l’animation et un bureau.
Nous avons alors conclu un accord. »
L’émission qui en résulte, aujourd’hui connue sous le nom de Indspire Awards, est toujours diffusée en anglais chaque année sur les ondes de la CBC (Nouvelle fenêtre). Au fil des ans, des sommités artistiques, comme la chanteuse Susan Aglukark, l’artiste visuel Kent Monkman et le documentariste Mike Kanentakeron Mitchell, y sont récompensées.
M. Bell cumule deux carrières dignes d’être récompensées : l’une en tant que chef d’orchestre et compositeur à part entière; l’autre en tant que philanthrope et défenseur des droits des Premières Nations.