Dans leur fuite devant les feux de forêt, les animaux ne sont pas tous égaux

Selon le biologiste Erin Bayne, de l'Université de l'Alberta, les cerfs font partie des animaux capables de fuir le feu pour trouver une source d'eau.
Photo : Nancy Hamoud - Fournie par Brian Keating
La faune subit, elle aussi, les conséquences des feux de forêt extrêmes qui continuent de brûler en Alberta. Des oiseaux aux mammifères, en passant par les insectes, certains meurent, tandis que d’autres doivent s'habituer à un nouvel habitat.
Selon des experts, la capacité de la faune à résister à un incendie dépend en grande partie de l'animal.
Erin Bayne, professeur de sciences biologiques à l'Université de l'Alberta, explique que les grands mammifères comme les loups, les wapitis, les orignaux et les cerfs peuvent facilement s'éloigner de la trajectoire d'un incendie et trouver une source d'eau. Les mammifères plus petits ne sont peut-être pas assez rapides pour s'enfuir, mais certains, comme les souris sylvestres, se réfugient sous terre.
Le biologiste ajoute que certains oiseaux ont eu de la chance, puisque peu d'entre eux ont commencé à nicher au début du mois de mai. D’autres, qui ont des lieux de nidification habituels et qui dépendent de forêts plus anciennes, devront cependant trouver de nouveaux endroits.
Si cela s'était produit [plus tard en mai], nous aurions assisté à une destruction massive des nids et les oiseaux auraient dû, soit se sauver et ne pas nicher cette année-là, soit probablement nicher ailleurs et réessayer.
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Le danger des incendies vient non seulement des flammes, mais aussi des endroits où les animaux s'enfuient. Nombre d'entre eux se retrouvent dans des zones urbaines où les interactions avec les humains peuvent les mettre en danger.
Dale Gienow, directeur général de WildNorth, une organisation à but non lucratif qui s'occupe d'animaux sauvages blessés ou orphelins, indique pour sa part que le nombre d'animaux accueillis pendant les incendies a légèrement augmenté. Il dit avoir surtout vu des oiseaux et des petits mammifères écrasés par des voitures ou qui se sont retrouvés dans les jardins de particuliers.

Un corbeau se pose sur le toit d'une grange alors qu'une épaisse fumée des feux de forêt obscurcit le soleil près de Cremona, en Alberta, le mercredi 17 mai 2023.
Photo : La Presse canadienne
Du temps avant que la végétation ne se reconstitue
Selon Mark Boyce, professeur d'écologie à l'Université de l'Alberta qui a coordonné des recherches sur les conséquences des incendies de forêt en Amérique du Nord, il faut généralement un ou deux ans pour que la végétation repousse suffisamment afin que la plupart des animaux sauvages reviennent.
En outre, il faut compter entre 4 et 12 ans pour que la végétation atteigne un niveau idéal pour les mammifères tels que les cerfs, les wapitis et les orignaux. De nombreux oiseaux prospèrent également après les incendies, car des insectes comme les coléoptères arrivent environ un an après les feux pour se nourrir des arbres brûlés, qui deviennent ainsi une bonne source de nourriture.
Malgré sa destruction visible, le feu fait partie intégrante des forêts boréales et des Rocheuses de l'Alberta.C’est un élément naturel de ces écosystèmes
, note Mark Boyce. Même si les animaux ne sont pas spécifiquement adaptés aux incendies de forêt, un grand nombre d'entre eux ont tendance à mieux se porter à la suite de ces incendies.
Lorsque les arbres brûlent, ils créent un accès ouvert à la lumière du soleil pour atteindre le sol, ce qui favorise la croissance de différents types de végétation et donne aux animaux davantage de sources de nourriture. Le passage d'un incendie a des effets bénéfiques », affirme Erin Bayne. « Cependant, ce que nous observons actuellement est sans précédent.

Les feux de forêt en Alberta ont déjà brûlé une surface équivalente à celle d'un pays de la taille du Liban.
Photo : via reuters / FOURNIE PAR ALBERTA WILDFIRE
Plus de 1 million d'hectares ravagés
Plus de 1,1 million d'hectares ont brûlé en Alberta depuis le début de la saison des feux de forêt, ce qui en fait le deuxième feu de forêt le plus important jamais enregistré, alors qu'il reste encore des mois dans la saison de feux de forêt. Le précédent record a été établi en 1981, lorsque 1,3 million d'hectares ont brûlé.
La saison des feux de forêt de 2019 a également frôlé un nouveau record, avec plus de 880 000 hectares brûlés.
Après des années d'incendies répétés, il est très difficile pour les écosystèmes forestiers de repousser.
Erin Bayne précise que, si ces conditions continuent de s'aggraver, une partie de la végétation pourrait disparaître des forêts de l'Alberta au cours du prochain siècle, et l'habitat pourrait devenir un mélange de prairies et de petites parcelles d'arbres. Il serait peut-être prématuré de dire que nous avons franchi cette limite, dit-il. Je pense que cette saison, à tout le moins, constitue un avertissement.
Une superficie brûlée qui devrait doubler d'ici 2050
Lors d'une conférence de presse tenue cette semaine, le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a averti que la superficie des forêts brûlées par les incendies de forêt devrait doubler d'ici 2050 en raison du changement climatique.
Mark Boyce note à cet égard qu'il est difficile de dire ce que signifierait pour l'environnement naturel un avenir marqué par une augmentation des feux de forêt. Le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en 2022, montre aussi que, avec la trajectoire actuelle du réchauffement, les feux de forêt ne sont pas près de disparaître dans plusieurs zones de la planète.
Avec les informations de Naama Weingarten