La Ville d’Ottawa va-t-elle limiter le nombre de sacs à ordures?

Le système proposé de «paiement au fur et à mesure» est conçu pour prolonger la durée de vie des décharges, mais il ne fait pas l'unanimité. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Jean Delisle
Selon le personnel de la Ville d’Ottawa, le fait de faire payer les gens qui sortent plus de 55 sacs ou bacs à ordures par année contribuera à inciter les récalcitrants à utiliser leurs bacs verts pour le compost, permettant ainsi de prolonger la durée de vie du site d’enfouissement du chemin Trail.
Les conseillers municipaux ont débattu du programme proposé lundi, lors d’une réunion du Comité de l’environnement et du changement climatique.
Ceux-ci n'ont pas réussi à s'entendre lors des votes, qui se sont tous avérés nuls. Il faudra donc recommencer du début lors du prochain conseil municipal, le 14 juin.
C'est sûr que ce ne sera pas la chose la plus populaire au monde. Il s’agit d’un changement et personne n’aime ce genre de changement
, a assuré le conseiller du quartier Capitale, Shawn Menard.
Il a ajouté, cependant, qu’il y avait de nombreuses raisons de soutenir ce projet : nous avons une décharge qui se remplit rapidement, nos taux de détournement sont très bas et cela nous coûtera beaucoup plus cher si on ne fait pas ce changement.

Shawn Menard est le conseiller municipal du quartier Capitale, à Ottawa. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Jean Delisle
Selon cette proposition, les citoyens recevront suffisamment d’étiquettes au cours de l’année pour placer environ deux sacs sur le trottoir chaque jour de collecte des ordures. Une fois que les étiquettes seront épuisées, les étiquettes supplémentaires coûteront 3 $.
Alors que le personnel considère qu’il s’agit d’une incitation au changement, certains conseillers estiment que cette mesure est inéquitable et qu’elle fait peser un fardeau supplémentaire sur les familles nombreuses.
Comment cela fonctionnerait-il?
Le programme prendrait son envol au printemps prochain. L’application du règlement augmenterait progressivement, en commençant par une notification écrite à toute personne ne respectant pas les règles, pour aboutir à l'absence de ramassage des déchets qui ne sont pas étiquetés.
Le personnel prévoit que ce programme incitera les gens à jeter jusqu’à 19 % d'ordures en moins.
Le ramassage des ordures peut sembler un service gratuit, mais les résidents le paient chaque année par le biais d’une taxe d’utilisation des déchets solides. Selon le personnel, le nouveau système sera traité comme un service public, à l’instar de l’eau ou du gaz, et certains ménages paieront davantage en fonction de leur consommation.
Je serais d’accord avec un nouveau système de paiement à l’utilisation équitable, si nous ne payions pas déjà pour ce service sur notre facture d’impôt foncier
, a commenté un autre conseiller municipal, David Brown.
Lorsque vous instaurez un programme d’étiquettes pour les sacs, vous punissez les familles nombreuses, les résidents ruraux, et certainement, de nombreuses familles dans les banlieues
, a estimé l’élu du quartier Rideau-Jock, dont le quartier abrite un centre d’enfouissement.

Le conseiller municipal David Brown (à gauche) affirme que le plan proposé imposerait un fardeau disproportionné pour les familles nombreuses et les familles rurales. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Felix Desroches
Le conseiller municipal de West Carleton-March, Clarke Kelly, a mentionné avoir reçu plus de 100 commentaires négatifs de la part d’électeurs de son secteur essentiellement rural.
Je peux vous assurer qu’aucun courriel ou appel n’était en faveur du programme. Nous devrions adopter une approche plus équitable.
Selon lui, les familles comme la sienne, avec de jeunes enfants, ne peuvent pas produire la même quantité de déchets qu’une personne seule.
Pourquoi est-ce nécessaire?
Pour que le programme atteigne ses objectifs, un rapport du personnel municipal indique que la limite doit être fixée à un niveau égal ou inférieur à la quantité d’ordures actuellement jetée par le ménage moyen.
Selon ledit rapport, environ trois quarts des ménages jettent aujourd’hui deux sacs, ou moins, par semaine.
Mais nombreux sont ceux qui jettent encore des choses qui pourraient être triées dans les poubelles noires, bleues, ou vertes. À l’heure actuelle, le sac à ordures moyen se compose à 42 % de déchets, à 13 % de matières recyclables et d’un énorme 45 % de matières organiques.
La Ville est en retard en matière de réacheminement
, selon Shawn Menard. Pas seulement par rapport aux objectifs provinciaux, mais aussi par rapport à d'autres villes qui ont mis en place des pratiques de gestion des déchets plus rigoureuses.

À partir du printemps 2024, les résidents d’Ottawa pourraient devoir apposer une étiquette sur leurs sacs à ordures avant de les déposer pour le ramassage. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Francis Ferland
Ottawa est l’une des dernières grandes villes de l’Ontario à instaurer un système de paiement au fur et à mesure que l’on jette
. Déjà, plus de 130 municipalités ont déjà emprunté cette voie.
On estime que la décharge du chemin Trail atteindra sa capacité d’ici 2036 ou 2038. Considérant que la construction d’une autre décharge ou l’introduction d’une nouvelle technologie d’élimination des déchets pourrait prendre 15 ans, le personnel de la Ville compte sur la nouvelle stratégie de collecte sélective pour gagner du temps.
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Qu’en est-il des familles nombreuses ou à faible revenu?
La Ville d’Ottawa reconnaît que ces changements comportent des difficultés et on s’attend à ce que certains résidents crient à l’injustice.
Les données montrent qu’en moyenne, les ménages ruraux jettent plus d’ordures que ceux qui vivent près du centre-ville. Les familles à faible revenu produisent également un peu plus d’ordures. Il y a aussi les problèmes liés à l’excès d’ordures pendant les vacances et les déménagements.
Shawn Menard reconnaît qu’il y a des préoccupations légitimes
que le public voudra prendre en compte.
Il y a un certain nombre de motions qui visent à s'assurer que les familles à faible revenu soient prises en compte [et] que la communauté agricole est prise en compte
, a-t-il expliqué.
La Ville envisage également d’étendre un programme qui permettrait aux personnes qui doivent se débarrasser de couches et de produits d’incontinence de s’inscrire pour bénéficier d’une collecte spéciale pendant les semaines où les ordures ne sont pas ramassées. Ce programme comprendrait les déchets médicaux non dangereux, comme les gants, les masques et les poches de perfusion.
Je me suis engagé auprès des habitants d'Ottawa à maintenir les coûts aussi bas que possible. J'ai également promis de protéger l'environnement et de prendre des décisions intelligentes à long terme pour nos enfants et nos petits-enfants.
— Mark Sutcliffe (@_MarkSutcliffe) June 5, 2023
Malgré ces efforts, la Ville se prépare à faire face à une recrudescence des décharges illégales, à l’instar de ce qui s’est produit lorsqu’elle est passée à un ramassage hebdomadaire.
Clarke Kelly a mentionné que cela était une préoccupation majeure
. Shawn Menard a ajouté que l’expérience des autres municipalités suggère que l’effet serait temporaire, et compensé par la création de deux nouveaux postes à temps plein pour l’application du règlement.

La Ville d'Ottawa est loin d'avoir atteint ses objectifs en matière de détournement des déchets organiques de la décharge. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Jean Delisle
Quelles sont les autres options?
Deux autres options ont été examinées par les résidents dans le cadre d’un groupe de réflexion géré par la Ville. L’une prévoyait une limite stricte de deux sacs, tandis que l’autre obligeait les résidents à mettre leurs déchets dans des sacs transparents et interdisait clairement de jeter les déchets organiques.
Les sacs transparents auraient été la meilleure option pour le plus grand détournement que nous aurions pu réaliser en tant que ville
, a répondu Shawn Menard, qui a précisé que ces options restent à l’étude.
M. Kelly a rejeté ces deux options.
Je n’aimerais pas voir un scénario où les voisins sont montés les uns contre les autres, examinant les ordures des uns et des autres pour s’assurer qu’ils jettent ou recyclent certaines choses.

Clarke Kelly a grandi près d'un lieu de décharge populaire. Il a dit craindre que les résidents ne recommencent à jeter illégalement leurs propres déchets si le système d'étiquetage des sacs obtenait le feu vert des élus.
Photo : Radio-Canada / Elyse Skura
Les deux conseillers ont mentionné que la meilleure solution était de se concentrer sur d’autres options pour réduire les déchets, en explorant l'incinération et en promouvant l'élimination des déchets organiques dans les logements collectifs.
À l'heure actuelle, les appartements et les condos nouvellement construits doivent fournir aux résidents un accès à des poubelles vertes, a rappelé Shawn Menard, et des plans sont en cours pour étendre cette mesure à tous les immeubles à logements multiples.
Avec les informations d’Elyse Skura, de CBC News