Sénégal : baisse progressive des tensions, le bilan passe à 16 morts

Un affrontement entre les forces de l'ordre et des partisans d'Oussame Sonko samedi à Dakar.
Photo : AP / Leo Correa
La tension retombe progressivement au Sénégal, où des heurts de moindre intensité ont fait une nouvelle victime samedi, portant à 16 le nombre officiel de morts depuis la condamnation jeudi de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko à deux ans de prison.
Les Sénégalais continuent de redouter l'arrestation du candidat déclaré pour la présidentielle de 2024. Alors que les camps de M. Sonko et du président Macky Sall se renvoient la responsabilité des violences et des morts, le gouvernement a décidé de couper temporairement
Internet sur les téléphones.
Dans un communiqué dimanche, le PASTEF, parti de M. Sonko, condamne la répression meurtrière des forces de défense et de sécurité
et accuse le pouvoir d'utiliser des milices privées
pour mater
les populations civiles. Il donne un bilan de 19 morts parmi les manifestants.
Il continue d'exhorter les Sénégalais à se défendre par tous les moyens et à riposter
.
Le gouvernement dénonce pour sa part les actes de vandalisme et de banditisme
, œuvre des partisans de M. Sonko soutenus par des forces occultes
, des étrangers
venus déstabiliser le pays
et le plonger dans le chaos
. Il affirme que certains manifestants sont armés.
Le ministre de l'Intérieur a annoncé samedi avoir mené quelque 500 arrestations.

Des membres des forces armées sénégalaises patrouillent dans les rues de Dakar le 2 juin à la suite de violentes manifestations.
Photo : afp via getty images / JOHN WESSELS
Dans un communiqué dimanche, la Croix-Rouge a annoncé avoir secouru depuis le début des troubles 357 manifestants blessés, dont une femme enceinte, et 36 éléments des forces de défense et de sécurité. Parmi eux, 78 étaient grièvement blessés et ont été évacués vers des structures de santé.
Nombreux magasins fermés
La présence des forces de sécurité a légèrement diminué dimanche à Dakar, où de nombreux magasins restent fermés. Plusieurs quartiers qui avaient connu des accès de violence jeudi et vendredi dans la capitale sont restés calmes samedi.
Le ministère de l'Intérieur a communiqué dimanche à propos d'une nette baisse des points de tension et des arrestations
. Beaucoup d'activités ont repris [samedi] soir et [dimanche] matin avec la fin de l'interdiction de la circulation des motocyclettes
, a-t-il ajouté.
Des poubelles, qui commençaient à s'entasser dans certains quartiers de la capitale, ont été ramassés.
Dimanche toutefois, le gouvernement a suspendu Internet sur les téléphones en raison de la diffusion de messages haineux et subversifs
alors que les réseaux sociaux, comme WhatsApp, Facebook ou Twitter, étaient déjà indisponibles.

De nombreux édifices publics et privés ont été saccagés, notamment des banques et des magasins Auchan.
Photo : Reuters / ZOHRA BENSEMRA
L'Internet des données mobiles est suspendu temporairement sur certaines plages horaires
, dit un communiqué du ministère de la Communication, des Télécommunications et de l'Économie numérique.
Des manifestations spontanées ont suivi jeudi la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko, candidat déclaré pour la présidentielle de 2024 et condamné à deux ans de prison ferme pour avoir poussé à la débauche
une jeune femme de moins de 21 ans.
Cette décision le rend pour l'heure inéligible. M. Sonko, populaire auprès des jeunes, crie depuis le début de cette affaire à un complot du président Macky Sall pour l'éliminer politiquement.
Le silence d'Ousmane Sonko
Le ministre de la Justice a déclaré que l'opposant pouvait être arrêté à tout moment
. Cette éventuelle arrestation pourrait relancer le cycle des violences.
Ousmane Sonko se dit séquestré
dans sa résidence de Dakar par des forces de sécurité qui empêchent quiconque d'approcher. Il n'a pas pris la parole publiquement depuis sa condamnation.

Des émeutes entre les partisans de l'opposant Ousmane Sonko et les autorités après la condamnation de leur leader.
Photo : Reuters / ZOHRA BENSEMRA
Dimanche, le garde des Sceaux, Ismaila Madior Fall, a rappelé sur une radio locale que l'exécution de la décision de la justice incombe au parquet
. Or, il a expliqué que la décision de justice n'était pas encore rédigée.
Il n'y a pas de délai pour l'exécution de la décision de justice, mais elle a vocation à être appliquée, a-t-il dit.
Samedi soir, un des chefs de fil de la coalition de l'opposition, le maire de Dakar Barthélémy Dias, a appelé le président Macky Sall à s'exprimer et à renoncer à une candidature à un troisième mandat.
Après plusieurs déclarations dans lesquelles il affirmait qu'il ne se présenterait pas en 2024, Macky Sall laisse désormais planer le doute sur une candidature. Ses opposants estiment qu'il finit ses deux mandats légaux.
Les appels à la retenue et au dialogue se sont multipliés ces deux derniers jours de la part de plusieurs pays comme la France et les États-Unis, d'organisations internationales et de personnalités sénégalaises, notamment le chanteur Youssou N'Dour et le footballeur Sadio Mané.