Tiananmen : plusieurs figures prodémocratie arrêtées à Hong Kong

Chan Po-ying, militante et dirigeante de la Ligue des sociaux-démocrates, a été arrêtée avant d’être relâchée à Causeway Bay, près du parc Victoria, le 4 juin 2023 à Hong Kong, en Chine.
Photo : Getty Images / Anthony Kwan
La police de Hong Kong a arrêté dimanche une vingtaine de personnes, principalement des figures du mouvement prodémocratie, dont une dirigeante d'un parti d'opposition par la suite relâchée, à l'occasion du 34e anniversaire de la sanglante répression sur la place Tiananmen à Pékin.
La police a pris position en force ce week-end dans le parc Victoria et ses alentours pour intercepter toute personne soupçonnée de participer à une quelconque forme de commémoration publique des événements du 4 juin 1989.
Pendant plus de 30 ans, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies chaque année dans le parc Victoria pour une veillée aux chandelles en mémoire des victimes de Tiananmen.
Toutefois, en 2020, Pékin a imposé une loi sur la sécurité nationale dans l'ex-colonie britannique pour museler toute dissidence après les gigantesques manifestations prodémocratie de 2019.
Dimanche, la responsable de la Ligue des sociaux-démocrates, Chan Po-ying, tenait une petite bougie LED – un accessoire souvent utilisé lors des veillées commémorant la journée du 4 juin 1989 – et deux fleurs. La police l'a immédiatement interpellée avant de l'embarquer à bord d'une camionnette.

Causeway Bay près du parc Victoria sous haute surveillance.
Photo : Getty Images / Anthony Kwan
Son parti a indiqué qu'elle avait été relâchée deux heures plus tard.
Alexandra Wong, une militante prodémocratie de 67 ans, a également été arrêtée alors qu'elle brandissait un bouquet de fleurs en hommage aux victimes de la répression de 1989, tout comme la journaliste et ancienne présidente de l'Association des journalistes de Hong Kong, Mak Yin-ting.
Une autre femme a été arrêtée après avoir crié Brandissez des bougies!
.
La police de Hong Kong a indiqué dimanche soir avoir arrêté 23 personnes, âgées de 20 à 74 ans, pour avoir troublé la paix
.
Vêtu de noir, un jeune homme portait quant à lui un livre intitulé 35 mai au moment de son arrestation, une autre façon de désigner les événements de Tiananmen, qui ont eu lieu quatre jours après le 31 mai.
Après avoir été brièvement interrogée, fouillée puis relâchée, une femme a déclaré à l'AFP en haussant les épaules : Tout le monde sait quel jour on est aujourd'hui.
Samedi, la police de Hong Kong avait déjà arrêté quatre personnes pour conduite désordonnée sur la voie publique
et actes à des fins séditieuses
, de même que quatre autres pour trouble à l'ordre public
.
Dans un tweet dimanche soir, le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk s'est dit alarmé par les informations faisant état de détentions
à Hong Kong et a appelé à la libération de toute personne détenue pour avoir exercé sa liberté d'expression et sa liberté de réunion pacifique
.

Le reportage de notre correspondant en Asie Philippe Leblanc.
Effacer les traces de Tiananmen
En Chine continentale, toute trace des événements de Tiananmen a été effacée par les autorités. Les manuels d'histoire n'en font pas mention et les discussions en ligne sur ce sujet sont systématiquement censurées.
Cette année, la police chinoise a également surveillé plusieurs sites emblématiques du rare mouvement d'hostilité envers le régime de Xi Jinping qui a éclaté à l'automne dernier.
Un imposant dispositif policier a été déployé autour du pont Sitong de Pékin, théâtre d'une manifestation fin novembre où une banderole qui réclamait plus de liberté avait été déroulée.
Dimanche soir, à la nuit tombée, des dizaines de bougies étaient visibles derrière les fenêtres du consulat américain de Hong Kong.
Par ailleurs, des commémorations étaient prévues au Japon, à Sydney ou encore à New York.
À Taïwan, environ 500 personnes se sont réunies dans la soirée sur la place de la Liberté de Taipei, chantant luttons pour la liberté, soutenons Hong Kong
.
Elles ont disposé des bougies dessinant dans la nuit le chiffre 8964, un symbole du 4 juin 1989.
Nous devons chérir la liberté et la démocratie que nous avons à Taïwan
, a dit Perry Wu, 31 ans.
À Londres, environ 200 personnes ont assisté à une reconstitution satyrique des événements de Tiananmen avec des femmes habillées de blanc représentant la statue de la liberté
érigée en 1989 par les étudiants. Les manifestants, dont la plupart étaient originaires de Hong Kong, se sont ensuite rendus devant l'ambassade de Chine.
Parmi eux, un poète, âgé de 59 ans, originaire du Sichuan, a raconté que sa famille a fui le pays juste après les événements de 1989.
Les Chinois de ma génération savent ce qui s'est passé, mais les plus jeunes, pas vraiment
, a expliqué l'homme, qui n'a pas voulu donner son nom, ajoutant : Alors leurs parents et leurs grands-parents doivent entretenir cette mémoire.