Des survivants de pensionnats pour Autochtones se racontent grâce à un cours universitaire

L'aîné de la Première Nation Squamish Sam George raconte son histoire dans ses mémoires, dont le lancement a récemment eu lieu sur le territoire de la Nation.
Photo : Radio-Canada / Chad Pawson
Des étudiants, des professeurs et des aînés de différentes Premières Nations racontent la vie dans les pensionnats pour Autochtones grâce à un programme bien particulier du collège Langara, à Vancouver.
Le programme In Writing Lives: The Residential School Survivor Memoir Project (Des vies écrites. Mémoires des survivants de pensionnats), mené par la professeure de littérature anglaise Jill Goldberg, s’inspire d’initiatives semblables réalisées à propos de l’Holocauste.
Il a été lancé en 2019, mais a été suspendu pendant un an à cause de la pandémie de COVID-19. Jusqu’à maintenant, il en est à sa cinquième publication.
Les mémoires de l’aîné de la Première Nation Squamish Sam George sont les dernières en liste. Il y raconte son enfance sur une réserve de North Vancouver et ce qu’il a vécu au pensionnat Saint-Paul. L’aîné y raconte également la spirale de dépendance, de violence et d’emprisonnement qui a suivi.
Être capable de dire
oui, c’est arrivé [et] je n’ai plus à vivre avec cette douleur était l’un des buts de l’exercice, selon lui. Ça m’a aidé à regarder [mon histoire] pour ne pas avoir à [la] revivre.
Ces mémoires, intitulées The Fire Still Burns: Life In and After Residential School (La flamme brûle toujours. La vie au pensionnat et après) et publiées par les Presses de l’Université de la Colombie-Britannique, ont récemment été lancées lors d’une cérémonie tenue sur le territoire de la Première Nation.
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J’ai appris à haïr
Sam George a choisi de raconter comment il a survécu aux 8 années qu’il a passées au pensionnat Saint-Paul et comment l’ombre de cette expérience a plané sur sa vie pendant les décennies qui ont suivi.
Lorsque les gens me demandent ce que j’ai appris à l’école, je réponds toujours la même chose : j’ai appris à voler, j’ai appris à mourir, j’ai appris à me méfier, j’ai appris à haïr
, peut-on lire dans ses mémoires.
Je détestais tout le monde, et je le dois au pensionnat indien Saint-Paul.
Parmi les personnes qui ont aidé Sam George dans son projet, il y a Tanis Wilson, de la Première Nation de Constance Lake, dans le nord-est de l’Ontario. Elle a décidé de suivre le cours à cause de sa correspondance avec les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et parce qu’elle voulait rendre hommage aux survivants des pensionnats.
Des membres de la famille de l’étudiante de 27 ans sont des survivants des pensionnats qui veulent raconter leur histoire. Quand j’ai commencé le programme, je trouvais ça intimidant, tant le sujet est sérieux
, explique-t-elle. Porter l’histoire de quelqu’un d’autre est une grande responsabilité.
Apprendre à raconter
La première session du programme porte sur la littérature autochtone et les façons de mener des entrevues avec les survivants, notamment grâce à des conférences données par des intervenants et des survivants.
Je crois qu’il y a des moments où les étudiants ont des réactions surprenantes
, confie Jill Goldberg. J’essaie d’offrir un espace où il est possible d’en parler.
La professeure s’est alliée à l’Indian Residential School Survivors Society afin de trouver les aînés qui accepteraient de raconter leur histoire. Leur présence à plusieurs reprises leur permet de développer une relation de confiance avec les étudiants, de répondre à leurs questions et d’en approuver le compte-rendu.
C’est une occasion d’entendre des récits de survivants, ce qui est essentiel pour la vérité et la réconciliation
, explique Melissa Halford, une étudiante du collège Langara qui a travaillé aux mémoires de deux aînés.
Les survivants prennent de l’âge et si nous n’écoutons pas leur histoire maintenant, nous perdrons une partie de l’histoire [du Canada], qui ne pourra jamais être entendue.
Les mémoires de Sam George traversent ainsi son enfance, son temps comme pensionnaire et les conséquences de ces deux périodes, avant de conclure sur un regard vers l’avant marqué par sa réappropriation de la culture de la Première Nation Squamish.
J’ai été un criminel, j’ai été en prison et j’ai changé. Je suis fier en pensant à mon parcours
, peut-on lire. Je suis fier [...] d’avoir appris à survivre.
Avec les informations de Chad Pawson