•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

La petite histoire des maisons closes à Québec

Vue du Faubourg Saint-Jean-Baptiste, à Québec, en 1858.

Vue du Faubourg Saint-Jean-Baptiste, à Québec, en 1858.

Photo : Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ) / Samuel McLaughlin

La ville de Québec a une longue histoire en matière de prostitution. Au milieu du 19e siècle, le contexte socio-économique est particulièrement propice à ce type d’activités qui deviendront, dans certains quartiers, un véritable fléau.

Rue Lavigueur, faubourg Saint-Jean-Baptiste, 1860 : à la tombée de la nuit, la vie s’active dans ce quartier situé derrière les murs de la ville qu’on surnomme aussi le coin flambant.

Cette rue, à la frontière de la Haute-Ville et de la Basse-Ville, attire les nobles à la recherche de plaisirs et les ouvriers qui viennent de Saint-Roch et des quartiers plus éloignés. La rue Lavigueur, située tout près de la côte Badelard, est l’endroit idéal pour s’échapper rapidement vers la Basse-Ville en cas de descente de police.

La côte Badelard, à Québec, en 1898.

Le quartier Saint-Jean-Baptiste, et plus particulièrement la rue Lavigueur, était surnommé le « coin flambant ». Cette photo montre la côte Badelard en 1898.

Photo : Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ)

À cette époque, les maisons closes – ou maisons de débauche – sont nombreuses. S’il est difficile d’en évaluer le nombre exact, un conseiller de la Ville a estimé leur nombre à 600 en 1865 lors d’un débat au conseil de ville, révèle l’historienne Marie-Eve Ouellet dans son ouvrage Luxure et ivrognerie. Pour les élus municipaux, le grand nombre de maisons closes est ni plus ni moins une nuisance publique.

En Haute-Ville, dans le faubourg Saint-Jean-Baptiste, ces maisons sont concentrées sur les rues Lavigueur, D’Aiguillon et Saint-Olivier. En Basse-Ville, dans Saint-Roch, ces activités se déroulent en majorité sur les rues Saint-Joseph et de La Reine. La prostitution était aussi chose courante dans le quartier Saint-Louis, également situé à l’extérieur de la ville.

La rue Saint-Jean en 1885.

La rue Saint-Jean en 1885.

Photo : Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ)

[La prostitution] est à l’extérieur de la ville, la bourgeoisie, elle, entre les murs. On ne veut pas la voir, parce qu’elle dérange. On est dans une mer moraliste où la religion est importante et la bourgeoisie est toujours prompte à crier à la dépravation et à condamner la prostitution quand elle est visible, soutient Alex Tremblay Lamarche, directeur de la Société du patrimoine urbain de Québec.

Ville portuaire et de garnison

La ville de Québec a un contexte particulièrement favorable à la prolifération de ces bordels.

Au milieu du 19e siècle, Québec est une ville portuaire et de garnison. Il y a donc beaucoup d’hommes célibataires qui passent ici, que ce soit en tant que soldats ou en tant que marins, et la demande pour la prostitution est très forte, explique Alex Tremblay Lamarche.

Un homme au micro de Première heure.

Alex Tremblay Lamarche est directeur de la Société du patrimoine urbain de Québec. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Félix Duchesne

Du côté des femmes, elles sont nombreuses à venir des campagnes et souhaitent se trouver un travail à Québec. À la même époque, un grand nombre d’immigrantes irlandaises y élisent domicile.

Le phénomène d’urbanisation lors de cette seconde période industrielle fait grimper la population et la prostitution est de plus en plus visible, de quoi déranger les classes plus aisées.

Descentes, amendes… et prison

Lorsque les maisons closes nuisent à la tranquillité du quartier, les policiers n’hésitent pas à faire des descentes et à procéder à des arrestations. Les amendes pouvaient varier entre 1 $ et 10 $, alors que le salaire moyen d’un ménage était d’environ 9 $ par semaine à l’époque.

Si on ne pouvait pas payer l’amende, on se retrouvait alors derrière les barreaux pour une période allant de quelques jours à parfois quelques semaines. Les personnes reconnues coupables de se prostituer ou de se trouver dans une maison de débauche étaient alors incarcérées à l’ancienne prison commune de Québec – aujourd’hui le Morrin Centre – ou à la prison des Plaines d’Abraham, aujourd’hui un pavillon du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ).

Vue de l'entrée de la prison au sous-sol du Morrin Centre. Un long couloir sombre et étroit mène à une pièce où se trouvent une petite fenêtre ainsi que des portes de cachots.

L'entrée de la prison située au Morrin Centre.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

Les femmes sont envoyées en prison particulièrement à l'automne, parce qu’elles sont dans des situations précaires et elles cherchent un endroit où passer l’hiver au chaud. La prison devient un refuge, au 19e siècle, relate Alex Tremblay Lamarche.

Pétitions dans les quartiers

En 1850, des pétitions circulent dans ces quartiers pour dénoncer le bruit et l’agitation. Des citoyens réclament carrément l’abolition de la prostitution, comme ces établissements ont tendance à troubler la paix du voisinage, écrit l’historienne Marie-Eve Ouellet dans Luxure et ivrognerie.

La Ville réagit au mécontentement des citoyens en adoptant en 1866 un premier règlement, qui impose plus de contraintes aux tenanciers de maisons closes. Elles ne peuvent plus, par exemple, être visibles de la rue ou se trouver à proximité d’un lieu de culte ou d’une école. Les fenêtres des établissements doivent aussi être camouflées pour empêcher les passants et les voisins de voir à l’intérieur, d’où l'appellation maison close.

Photo d'archives d'un officier de police.

Le chef du Service de police de Québec de 1858 à 1870, Jean-Baptiste Bureau.

Photo : Archives Ville de Québec

Il y a toujours eu un dilemme autour de la réglementation. La police ne désire pas nécessairement que la prostitution soit illégale, mais elle veut pouvoir mieux l’encadrer. La bourgeoisie, elle, voudrait l’éliminer complètement, explique Alex Tremblay Lamarche.

En connaissant l'emplacement exact des maisons closes, le corps policier peut prévenir les débordements et s’assurer qu’il y a des contrôles médicaux pour éviter la propagation de maladies transmissibles sexuellement.

À compter de 1913, la ville interdit carrément la prostitution sur son territoire. Le phénomène se déplacera alors dans les quartiers plus à l’ouest, aujourd’hui Vanier et Duberger.

Une femme se tient dans l'embrasure de sa résidence, dans une rue en enfilade, dont la voie est en planches de bois.

Le quartier du Petit-Champlain en 1916

Photo : Gracieuseté : Musée McCord - Wm. Notman & Son

Souvent, on tente de chasser la prostitution des villes et ça l’emmène ailleurs. On la repousse aux marges de la cité parce qu’on ne veut pas la voir. C’est encore ça qui se produit aujourd’hui. On repousse la prostitution sur Internet, donc encore aux marges de la cité, mais cette fois-ci, une cité numérique, conclut Alex Tremblay Lamarche.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

En cours de chargement...

Infolettre ICI Québec

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Québec.