Le problème avec les pistes cyclables à Toronto, c’est…

Toronto compte quelque 200 kilomètres de pistes cyclables.
Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui
Avec ses quelque 200 kilomètres de pistes cyclables, la ville de Toronto se convertit timidement à la mobilité douce. Bien qu’en augmentation, surtout depuis la pandémie, la fréquentation reste saisonnière, si bien qu’elle ne fait pas recette dans les programmes des candidats à la prochaine élection municipale partielle.
Pourtant, la relation entre la Ville Reine et la petite reine
, un des surnoms de la bicyclette, a tout pour réussir, pensent cyclistes, activistes et urbanistes.
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Nous leur avons demandé de compléter cette phrase : le problème avec les pistes cyclables à Toronto, c’est…
… que c’est dangereux
On est constamment en situation de lutte pour notre place dans la rue
, constate Vincent Chamberland.
C’est un des gros problèmes lorsque le sujet du vélo est abordé : le sentiment d’insécurité des cyclistes. Ce Torontois est un cycliste à longueur d’année et fait souvent le trajet avec son chien Albert dans son panier, depuis l’est où il habite, pour rejoindre le centre-ville.
Quand on fait du vélo, on est parfois en situation de survie.
Il faut avoir des yeux tout autour de la tête et être vraiment très prudent parce qu’on n’est pas protégé dans une cage d’acier
, contrairement aux automobilistes, dit-il.

Pour ce cycliste torontois, circuler à vélo en ville n'est pas sans danger.
Photo : Radio-Canada / Mouaad EL YAAKABI
Albert Koehl, de la Toronto Community Bikeways Coalition, fait le même constat : On perd la possibilité d’avoir plus de cyclistes à cause de la dangerosité des routes.
Il cite l’exemple de la récente collision à Etobicoke qui a coûté la vie à un cycliste de 30 ans.
Son organisation a fait un état des lieux des pistes cyclables de la ville et le résultat n’est pas concluant. On a trouvé que la majorité des pistes cyclables ne sont pas conformes aux normes de sécurité.
Pour cet activiste et avocat de profession, parler de la sécurité des cyclistes revient à parler de la sécurité de tous les usagers de la route, piétons et automobilistes inclus.
Mischa Young, professeur adjoint au pôle d’études des environnements urbains à l’Université de l’Ontario français, plaide pour davantage de pistes cyclables protégées.
Même le corridor Bloor-Danforth et ses 16 kilomètres de pistes ne fournissent pas une infrastructure sécuritaire sur toute leur longueur.
Selon les données de la police pour 2022, 36 collisions impliquant des cyclistes ont eu lieu.
… que c’est presque un labyrinthe
Dans le centre de Toronto, on peut plus ou moins se déplacer
, note Albert Koehl, mais une fois sorti des grands axes, la tâche se complique puisque le réseau est discontinu.

Albert Koehl souhaite que la Ville de Toronto accélère la cadence dans l'aménagement de nouvelles pistes cyclables.
Photo : Radio-Canada / Mouaad EL YAAKABI
Ça nous oblige à faire des détours ou à nous mêler à la circulation, qui est très dense à Toronto
, explique M. Chamberland, qui cite l’exemple de la rue Dundas : En arrivant de l’est, on roule sur une piste cyclable protégée qui s’arrête à la rue Sackville, et après, il faut trouver un chemin alternatif ou rouler avec les voitures et le tramway.
Cela exige de planifier son itinéraire en amont, explique-t-il.
Nous devons avoir un réseau aussi complet que possible.
Pour M. Young, dans une ville comme Toronto, il faut encourager l’usage de moyens de locomotion autres que la voiture.
Et si on veut convaincre le plus de gens possible de se départir de leur voiture
, il faut créer les conditions adéquates pour permettre à des gens qui ne feraient pas de vélo s'ils ne peuvent pas emprunter des pistes cyclables
.
Malicieux, Albert Koehl nous fait remarquer qu’aucune piste cyclable ne mène à l’hôtel de ville alors que ça fait 40 ans qu’a lieu le lancement du Mois du vélo là-bas
.
… que les nouvelles pistes se font attendre
En 2021, le conseil municipal s’était engagé à construire 100 kilomètres de pistes cyclables protégées à l’horizon 2024.
Pour Mischa Young, le compte n’y est pas puisque, cette année, seuls 12 kilomètres ont été aménagés. La Ville a accéléré la construction de pistes pendant la pandémie, mais depuis, elle a pris du retard dans ses projets
, constate-t-il.
M. Koehl est d'accord : Les projets sont là, mais c’est dans l’exécution que ça bloque; la Ville n’atteint pas les objectifs qu’elle s’est fixés.
Les plans sont bons, mais le rythme est trop lent.
Cet activiste presse la Ville d'accélérer la cadence de construction de nouvelles voies cyclables pour relier tous les quartiers. Avant, on avait le temps, mais là, avec le réchauffement climatique, on a perdu l’occasion d’avoir du temps
, souligne-t-il.
La ville a de quoi devenir une capitale nord-américaine du vélo, expliquent tous nos interlocuteurs à l’unisson. Avec sa topographie et son climat, Toronto a tout pour devenir une ville cyclable, professe Vincent Chamberland, mais ça prend des infrastructures sécuritaires et un entretien prioritaire 365 jours par an.
Qu’en disent les candidats à l’élection municipale partielle?
Dans l'ensemble, les positions des six principaux candidats à la mairie sont peu divergentes sur la question du vélo, à l’exception de celle de Mark Saunders, qui promet, s'il est élu, de supprimer certaines pistes cyclables comme celle de l’avenue University et celle de la rue Yonge.
Ana Bailão et Josh Matlow souhaitent notamment accroître le nombre de pistes cyclables dans les villes du Grand Toronto.
Dans une réponse par courriel, Brad Bradford déclare que Toronto doit mettre en place des infrastructures cyclables là où cela s'avère judicieux
, sans plus de détails.
Olivia Chow, cycliste notoire, n’a pas répondu à nos demandes sur cette question, mais elle avait déclaré par ailleurs qu’elle souhaitait aménager plus de pistes cyclables.
Mitzie Hunter n’a pas répondu à notre demande d’information.