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Les restaurants rivalisent d’audace pour retrouver leur clientèle

La pandémie a laissé des traces profondes dans le domaine de la restauration. L’industrie oscille depuis entre différents modèles d’affaires audacieux, dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre. La saison estivale suscite bien des espoirs.

Dans les cuisines du Mousso.

Dans les cuisines du Mousso.

Photo : Radio-Canada / David Savoie

C’est une matinée de semaine assez tranquille à la Binerie Mont-Royal. Le restaurant, une institution montréalaise, sert des déjeuners copieux, toujours accompagnés de ses fameuses fèves au lard. Mais le passage de la pandémie a laissé des traces.

Avant la pandémie, un matin comme aujourd'hui, ça aurait été plein, commente le propriétaire Philippe Brunet en regardant des tables vides.

Les gens ne sont pas encore revenus à leurs anciennes habitudes de manger au restaurant durant la semaine. Le week-end, oui, mais pas la semaine.

Une citation de Philippe Brunet, propriétaire de la Binerie Mont-Royal

Le restaurant est aussi passé de 27 employés à 14. Faute de main-d’oeuvre, Philippe Brunet ne peut pas ouvrir ses portes certains soirs de semaine.

Les soucis financiers ne s’arrêtent pas là : il lui faut composer avec la hausse du coût des aliments et ce prêt à rembourser au gouvernement fédéral d’ici décembre.

Une aide de 60 000 $ avait été allouée aux entreprises durant la pandémie. L’avantage : si les restaurateurs parviennent à en rembourser 40 000 $, le reste de l’ardoise est effacé.

Le problème, c’est qu’on n’a pas assez de clients pour mettre de l’argent de côté, souligne le propriétaire de la Binerie. Tout ça l’inquiète.

Philippe Brunet compte sur l’été pour maintenir le cap. Ça devrait être mieux, mais on a toujours les dépenses à régler. C’est pas évident.

En cuisine, André Mousseau, un retraité revenu sur le marché du travail, apprête des ingrédients. Tu ne sais jamais quelle commande tu vas avoir à préparer, dit-il.

Justement, un des changements attribuables à la pandémie, ce sont les commandes en ligne, qui s’avèrent salvatrices pour le restaurant.

Les commandes pour emporter ont quadruplé, quintuplé, explique le cuisinier. Ça nous permet aussi d’écouler notre stock. Il y a des jours, si on n'avait pas Uber, on n’aurait pas grand-chose, ajoute-t-il.

Le système Mousso

Le chef dans sa cuisine tient un pain au fromage.

Antonin Mousseau-Rivard, chef et propriétaire du restaurant Le Mousso. (Photo d'archives)

Photo : Gracieuseté : Prime Video

Autre restaurant, autre ambiance : c’est au son de Snoop Dogg que la brigade du Mousso prépare le service du soir.

Le restaurant de haute gastronomie a fait un pari ambitieux au sortir de la pandémie : désormais, les heures d’ouverture sont restreintes, le menu est fixe, la clientèle est limitée et les prix sont plus élevés pour donner de meilleures conditions de travail aux employés et couvrir la hausse du coût des aliments.

Le chef et propriétaire, Antonin Mousseau-Rivard, affirme qu’il ne reviendra pas en arrière.

Je ne sais pas encore ce qui va arriver avec le Mousso parce que nos marges sont très petites. On ne cherche pas à faire de l’argent, on cherche à faire vivre notre restaurant et à donner de bonnes conditions de travail.

Une citation de Antonin Mousseau-Rivard, chef et propriétaire du Mousso

Pour le moment, l’approche semble porter ses fruits : les clients sont au rendez-vous et les employés en cuisine semblent apprécier le nouveau rythme de travail.

Le nouveau système qu’Antonin a pensé, ça nous facilite le travail, explique le chef pâtissier Thibaut Ballasi. Ça nous permet de savoir la quantité nécessaire, on évite de jeter trop de matière première parce qu’on sait le nombre de clients qu’on va avoir et on a plus de temps pour peaufiner tous les petits détails afin que ça soit parfait pour la dégustation du client.

Il ajoute se sentir beaucoup moins stressé.

Le chef François Trudel Caron dit avoir remarqué la différence en cuisine, où il y a plus d’enthousiasme. La pandémie a fait que, maintenant, on ne travaille que quatre jours par semaine, et je pense que tout le monde aime beaucoup ça. Ce sont des longues journées, en restauration, souvent des journées de plus de 12 heures.

Des clients sont attablés dans un restaurant.

Des clients attablés dans un restaurant. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Philosophie de restauration

Dans deux de ses restaurants, le chef Minh Phat Tu a lui aussi adopté un horaire restreint, avec quatre jours d’ouverture. Selon lui, ses employés sont satisfaits. C’est gagnant pour eux et pour moi, fait remarquer le chef.

Il note aussi qu’il y a un changement dans la culture du travail. Les employés, notamment les plus jeunes, ne veulent plus travailler pour des salaires dérisoires. Un processus là encore accéléré par la pandémie.

Minh Phat Tu pose avec son plat sur le plateau de 5 chefs dans ma cuisine.

Minh Phat Tu, chef et propriétaire de restaurants. (Photo d'archives)

Photo : Zone 3 / Rosalie-Anne Lavoie Bolduc

Malgré les conditions de travail qu’il offre, Minh Phat Tu manque de main-d'œuvre pour ses trois restaurants. En dépit de ces difficultés, le chef demeure philosophe.

Oui, il y a eu une pandémie, mais il y a toujours eu un manque de main-d'œuvre en restauration. Ça fait 20 ans que je suis là-dedans et il n’y a pas eu de moments où c’était mieux.

Une citation de Minh Phat Tu, chef et propriétaire de restaurants

Quand tu embarques dans la restauration, ça fait partie de la game. Ça ne va jamais changer, je pense. Il faut que tu acceptes ça, qu’il va toujours manquer du monde et que tu vas toujours en chercher.

L'avenir de la restauration dans la balance

L’Association Restauration Québec (ARQ) représente des restaurants de tous genres dans la province. Elle constate que l’industrie se porte assez bien en ce moment, mais qu'il y a des inquiétudes.

D’après les données de l’ARQ, la pandémie et les restrictions sanitaires ont mené à une baisse d’environ 15 % du nombre d’établissements dans l’industrie. Et d’autres faillites sont redoutées au cours des prochains mois.

L’automatisation et l’implantation de nouvelles technologies pourraient aider les cuisines, mais le vice-président aux affaires publiques de l’ARQ, Martin Vézina, fait remarquer que la COVID-19 a grandement limité les capacités d’investir en ce moment.

Le problème, c’est qu’on vit toujours avec le boulet de la pandémie, c’est-à-dire que beaucoup ont dû s’endetter pour survivre aux restrictions sanitaires. Certains s’en sont tirés, mais d'autres, présentement, ont encore des dettes à payer.

Une citation de Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques de l’Association Restauration Québec

L’avenir? Pour Martin Vézina, ça va dépendre surtout de la réaction des consommateurs. Si l’inflation alimentaire continue, si les gens renouvellent leur hypothèque et se sentent plus serrés ou si on voit vraiment une baisse importante de l’activité économique, est-ce qu’ils vont réduire leur consommation dans les restaurants? C’est ça, notre inquiétude.

Pour sa part, Antonin Mousseau-Rivard attend encore de voir si son nouveau modèle fonctionne.

On va être au seuil de la rentabilité si tout va bien cette année. Après ça, il va falloir que ça continue. Il faut comprendre que, si la restauration était déjà fragile, elle a été encore plus fragilisée. Maintenant, ça ne tient qu'à un fil. Donc, ça prend du soutien, ça prend des gens pour le tendre, ce fil-là, insiste-t-il, afin qu’on puisse rester dessus bien solide.

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