En version animée, Spider-Man suit le fil du cinéma d’art et d’essai

Spider-Man renoue avec l'esthétique de la bande dessinée dans «Spider-Man : à travers le Spider-Verse».
Photo : sony
C'est fini pour Peter Parker, place à Miles Morales : cinq ans après qu'on se soit servi du dessin animé pour casser les codes de Spider-Man, la nouvelle mouture jeune et métissée de l'homme-araignée revient avec une suite qui flirte avec le cinéma d'auteur.
Spider-Man : à travers le Spider-Verse, qui est sorti vendredi au Canada, poursuit la réinvention du superhéros sous les traits d'un adolescent hispano-afro-américain, introduit dans la « nouvelle génération » de 2018.
Comme dans le précédent volet, récompensé par un Oscar, ce film d'animation creuse le sillon d'un retour aux sources esthétiques des bandes dessinées, en mêlant leur coup de crayon intemporel aux dernières techniques d'animation assistée par ordinateur.
Un film « plus audacieux » que le précédent
Le succès du premier volet nous a donné la permission d'être encore plus audacieux pour ce film
, a confié à l'Agence France-Presse (AFP) Justin K. Thompson, l'un des trois réalisateurs derrière cette suite.
J'ai l'impression que nous avons eu la chance inouïe, en tant que réalisateurs, de faire le plus grand film indépendant du monde, estime le cinéaste. Il s'agit en fait d'un film d'art et d'essai déguisé en film de superhéros.
Le style ultra-coloré, mélange entre les fulgurances pop d'Andy Warhol et Roy Lichtenstein et l'insouciance de l'art de rue, forme la toile de fond d'une intrigue se déroulant dans plusieurs univers parallèles.
Chaque dimension a ainsi droit à sa propre identité visuelle. Le public se retrouve plongé dans le New York grunge des années 90, représenté à grands coups de pinceaux, ou dans une version kaléidoscopique d'un Manhattan qui aurait fusionné avec Bombay.
On y retrouve Miles Morales, nouveau visage de Spider-Man apparu en 2011 dans les bandes dessinées. Cet ado cool de Brooklyn, fils d'une infirmière latino et d'un policier afro-américain, a une histoire familière.
Comme Peter Parker, le héros originel de la saga, il a été mordu par une araignée radioactive et se balance entre les gratte-ciel de Manhattan pour combattre le crime.
Toutefois, avec son penchant pour les souliers branchés et la musique hip-hop, il apporte un nouveau souffle au justicier.
Le renouveau passe aussi par le concept de multivers
, ces dimensions parallèles dans lesquelles différentes versions des mêmes personnages existent, et interagissent parfois.
Un concept à la mode
Exploitée par les bandes dessinées depuis des décennies, cette notion est devenue incontournable depuis quelques années dans les productions d'Hollywood, qui la déclinent à toutes les sauces pour étoffer ses franchises de superhéros.
Sa popularisation récente sur grand écran date cependant des premières aventures de Miles Morales dans Spider-Man : dans le Spider-Verse (2018), où plusieurs versions de l'homme-araignée – en femme, en détective privé avec imperméable et borsalino, à la manière des films noirs des années 30, ou encore en Spider-Cochon
– s'entrecroisaient.
Ce qui nous a frappés avec le premier film, c'est qu'il n'y a eu aucune résistance à l'idée d'un multivers, que le public était tout à fait d'accord et qu'il n'était pas perdu, explique Christopher Miller, coproducteur des deux dessins animés. Cela a permis à ce film d'aller dans des endroits encore plus spectaculaires et d'introduire des personnages plus inhabituels.
Le nouveau volet propose ainsi de nouvelles itérations de Spider-Man, notamment en punk rocker britannique ou en adolescent indien aux couleurs de Bollywood.
Plus de mille artistes
Le long métrage repose sur le travail de plus de 1000 artistes et affiche une durée de 2 h 20, inhabituelle pour un film d'animation américain.
Compte tenu de la complexité du récit, cette durée a suscité quelques critiques, d'autant que l'intrigue s'allonge à la manière d'une série : Across the Spider-Verse
sera suivi d'un autre volet l'année prochaine, intitulé Beyond the Spider-Verse
.
Ses créateurs rejettent toutefois l'idée que film d'animation rime nécessairement avec brièveté, car les moments moins rythmés du premier film, où Miles se rapproche de son père et de son oncle, étaient parmi les préférés des fans.
Les sommets ne sont pas aussi élevés si les creux ne sont pas aussi beaux
, estime le coréalisateur Joaquim Dos Santos.
Avec une durée plus courte, ce sont ces moments que l'on perd
, renchérit son collègue Kemp Powers, qui a également coécrit le dessin animé Âme de Pixar, ceux qui rendent le film spécial au départ
.