AnalyseSéduire les conservateurs, une mission impossible pour le NPD albertain?

Le NPD de Rachel Notley a gagné l'élection de 2015, lorsque les conservateurs étaient divisés en deux partis.
Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh
La victoire de 49 sièges du Parti conservateur uni (PCU) de lundi soir masque à quel point l’élection s’est jouée sur une poignée de circonscriptions serrées. Plus encore, si le Nouveau Parti démocratique (NPD), avec ses 38 sièges, avait été en mesure d’obtenir environ 2600 votes de plus dans six circonscriptions-clés, il aurait pu former le gouvernement.
Le NPD a fait neuf gains à Calgary, mais ce n’était pas assez.
S’il avait concentré plus d’efforts dans certaines circonscriptions-clés de la métropole albertaine, ultimement gagnées par le PCU, il aurait obtenu une majorité d’une seule circonscription.
Environ 2600 votes auraient pu donner une victoire au NPD
Circonscription | Marge de victoire du PCU |
---|---|
Calgary-Nord | 113 |
Calgary-Nord-Ouest | 149 |
Calgary-Bow | 385 |
Calgary-Cross | 518 |
Calgary-Est | 701 |
Lethbridge-Est | 745 |
TOTAL DU DIFFÉRENTIEL | 2611 votes |
Le NPD a largement augmenté sa part du vote populaire : celle-ci est passée de 32,7 % en 2019 à 44 % en 2023. Il a cannibalisé le vote du Parti albertain, qui est passé de 9,1 % il y a quatre ans à 0,7 % cette fois-ci.
La part du vote populaire du Parti conservateur uni reste pour sa part assez stable : elle est tombée légèrement, passant de 54,9 % à 52,6 %, conservant des marges très élevées dans les régions rurales.
Le NPD est donc passé assez près d’une victoire avec un déficit de 8 % au suffrage populaire. Difficile pour lui d’avoir un vote plus efficace.
Un appel aux conservateurs modérés entendu à moitié
Cela signifie que la stratégie des néo-démocrates de rallier le vote des centristes a fonctionné, mais pas suffisamment pour lui donner les clés de la victoire, aussi mince soit-elle.
Il semble n’y avoir eu que très peu de transferts de votes entre le PCU et le NPD, dans un sens ou dans l’autre. Selon la sondeuse Janet Brown, qui a prédit presque parfaitement le résultat de lundi soir, les conservateurs réticents
, ceux qui étaient mal à l’aise avec leur parti et sa cheffe, Danielle Smith, sont restés à la maison plutôt que de voter NPD.

Les deux cheffes ont toutes les deux porté du bleu lors du débat, signe de leur message ciblé envers les conservateurs.
Photo : La Presse canadienne / Jason Franson
L’ex-vice-premier ministre progressiste-conservateur Thomas Lukaszuk, qui a fait campagne pour le NPD, affirme que les néo-démocrates ont un problème d’image de marque
.
Même si les anciens progressistes-conservateurs qu’il rencontrait en faisant du porte-à-porte aimaient la plateforme néo-démocrate et la cheffe Rachel Notley, ils étaient pour beaucoup incapables de se résoudre à voter orange.
Je leur expliquais que je prêtais mon vote au NPD cette élection-ci et plusieurs appuyaient l’idée, mais ils me disaient : "Thomas, je ne peux vraiment pas voter NPD!"
, raconte-t-il.
Cela présente un énorme problème pour les troupes de Rachel Notley, qui doivent être en mesure de gruger des votes au PCU pour rester réellement compétitives.
Des leçons pour le PCU et le NPD
Le PCU peut en conclure que la coalition bâtie depuis 2017 est donc solide. Même avec une cheffe au lourd passé, son organisation politique est en mesure de livrer des victoires majoritaires. C’est rassurant pour son avenir. Cette victoire consolide aussi la légitimité de Danielle Smith.
Le NPD peut se réjouir d’avoir autant augmenté sa part du vote populaire et son nombre de circonscriptions ou se décourager de ne pas avoir formé le gouvernement, malgré les efforts immenses qu’il a investis dans sa campagne, particulièrement à Calgary, cœur de la bataille électorale.

La cheffe néo-démocrate Rachel Notley demeure très populaire auprès de ses troupes, malgré la défaite.
Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh
Le parti devra maintenant décider s’il continue sur la voie centriste qu’il a empruntée sous la gouverne de Rachel Notley. Celle-ci a décidé de rester cheffe, pour l’instant. Elle ne semble pas susceptible de faire face à une rébellion comme celle qui a eu raison de l'ex-chef néo-démocrate fédéral Thomas Mulcair, qui avait recentré son parti dans l’espoir de remporter le pouvoir à Ottawa en 2015.
À l'époque, les sondages laissaient entrevoir cette possibilité pour la première fois, mais Thomas Mulcair a été coiffé par les libéraux de Justin Trudeau le jour du scrutin. Les militants ne le lui ont pas pardonné et ont préféré choisir un nouveau chef, Jagmeet Singh, bien plus à gauche, mais condamné à l’opposition.
Le NPD albertain devra choisir s’il voit le résultat de lundi comme un verre à moitié plein ou à moitié vide. Cela influencera la direction de ses efforts pour les quatre prochaines années.